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Edito - Reprise, transition, compétition... la Péninsule arabique en 2022

Nous ouvrions l’année dans ces brèves en vous signalant trois thèmes qui nous paraissaient incontournables : le dilemme entre intégration et compétition parmi les pays du CCEAG, le double défi de la transition énergétique et de la fin du modèle rentier, et la question de la relance économique post-covid. Six mois plus tard - et en partant du dernier point :

La reprise dans le Golfe a été plus rapide que prévue, alimentée par la remontée des prix du baril. Mi-avril, le FMI et la Banque mondiale revoyaient leurs prévisions pour la région à la hausse; alors qu’elles les baissaient pour le reste du monde (+6,4 % en moyenne dans le CCEAG en 2022 contre 3,7 % aux Etats-Unis, 2,9 % en Europe et 4,4 % en Chine). En local, les PMI qui indiquent la santé à très court terme de l’économie hors hydrocarbures, ont atteint des niveaux records ces derniers mois. Ce dynamisme s’est traduit dans les finances publiques qui devraient être excédentaires dans presque tous les pays de la péninsule. La hausse des taux monétaires US en juin (de 75 points de base) menace toutefois cette embellie. Alors que de plus en plus d’analystes craignent une récession aux Etats-Unis, le Golfe dont les devises sont ancrées au dollar pourrait avoir du mal à maintenir ce rythme de croissance.

La remontée fulgurante de l’or noir amorcée en 2021 s’est poursuivie. Le 24 février, avec l’invasion de l’Ukraine, le baril de Brent a dépassé le seuil symbolique de 100 USD. Il atteint brièvement 139 USD le 7 mars et oscille depuis entre 110 et 120 USD. Entre 2015 et 2020, le pétrole n’avait jamais franchi les 85 USD. L’avertissement lancé en janvier par Sultan Al Jaber, CEO d’ADNOC et envoyé spécial pour le climat, s’est révélé prémonitoire « we can’t just unplug from the energy system of today ». Est-ce à dire que les pays du CCEAG doivent repousser les efforts à fournir pour diversifier leurs économies et sortir du modèle d’Etat rentier? Pour l’instant, la région semble maintenir le cap : doublement de la TVA au Bahreïn, impôts sur les sociétés aux EAU, réduction des frais d’embauche d’expatriés à Oman, déploiement dans la vision 2030 en Arabie saoudite dans les domaines du tourisme et de l’aviation… Seul le Koweït peine à se réformer compte tenu de la persistance du blocage politique entre le parlement et le gouvernement.

Quant à la dynamique régionale, la compétition se maintient mais sans les coups d’éclat qui avaient émaillé l’année 2021. Elle est particulièrement forte sur les marchés financiers, où ont été levés plus de 13 Md USD depuis le début de l’année en Abu Dhabi, Dubaï et Riyad. Tous les gouvernements profitent de l’attractivité de la région pour monétiser leurs actifs. En matière commerciale, alors même que le secrétariat du CCEAG continue à travailler officiellement à la mise en œuvre du marché commun, les Emirats ont signé depuis février trois accords de libre-échange, dont le dernier vendredi avec l’Indonésie. La seule initiative régionale constructive a été l’ouverture de négociations commerciales avec les Britanniques.

 

Graphique de la semaine - Evolution des crédits et dépôts des banques commerciales saoudiennes (M SAR)

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                                   Sources : SAMA, SER d'Abu Dhabi

 

Brèves économiques 

Region   
  • La première réunion du Comité de coordination du Forum de Néguev s'est tenue à Bahreïn le 27 juin. Dans le sillage des accords Abraham, les représentants des ministères des Affaires étrangères des EAU, de Bahreïn, du Maroc, de l'Egypte, des Etats-Unis et d'Israël se sont réunis afin de définir les missions des groupes de travail mis en place afin d'approfondir la coopération dans plusieurs domaines dont la sécurité alimentaire et hydrique, les énergies renouvelables, le tourisme, la santé, l'éducation et la sécurité. Cette réunion suit le Sommet de Néguev où s'étaient rencontrés les ministres des Affaires étrangères des six pays en mars 2022.
  • Les vingt-trois pays membres de l'alliance OPEP+ ont convenu ce mercredi 30 juin d’augmenter leur production de 648 000 barils par jour au mois d’août, comme décidé début juin. Cette hausse met fin aux quotas initialement instaurés en avril 2020 et devrait marquer le retour au niveau de production prépandémique. En pratique, la production du groupe reste en deçà de son objectif puisque plusieurs pays peinent à atteindre leur quota. Hormis l’Iran, seuls l’Arabie saoudite et les EAU sont capables d’augmenter davantage leur production. Toutefois, le ministre émirien de l’Energie déclarait fin juin que la production des EAU s’approchait de leur capacité limite dans le cadre de l’OPEP+. Le groupe n’a pas précisé ce qu’il adviendrait de l’alliance au mois de septembre. 
Arabie saoudite    
  • La banque centrale saoudienne (SAMA) a injecté 13 Md USD dans les banques commerciales du pays sous forme de dépôt à terme. Cette mesure vise à atténuer la pénurie de liquidité ayant impacté les banques récemment. Ces dernières ont enregistré une hausse des crédits accordés plus rapide que celle de leurs dépôts.
  • Le marché boursier saoudien va coter 36 nouvelles entreprises d'ici la fin du T3 2022. Le CEO de la bourse saoudienne, Mohammed Al-Rumaih a rapporté que dix nouvelles sociétés ont déjà été approuvées pour entrer en bourse. Avec la dernière introduction en bourse du promoteur saoudien Retal Urban Development Co, le Tadawul avait déjà enregistré 27 nouvelles cotations depuis le début de l'année.
  • Selon l’Autorité saoudienne des statistiques, au T1 2022, le taux de chômage de la population (15 ans et plus) s’est élevé à 6% contre 6,5% au T1 2021. Le taux de chômage des Saoudiens s’est établi à 10,1% contre 11% à la même période en 2021, soit le niveau le plus faible depuis 2008. Le taux d’activité de la population saoudienne (rapport entre le nombre d’actifs et l’ensemble de la population) était de 45%, dont 63% pour les hommes et 27% pour les femmes. 
Bahreïn   
  • La Banque centrale du Bahreïn a décidé de ne pas prolonger l'autorisation de report de prêt bancaire au-delà du 30 juin 2022. La mesure a été initialement instaurée en mars 2020 pendant la crise sanitaire et prolongée à quatre reprises. Malgré une reprise économique vigoureuse (+5,5% de croissance réelle au Q1 2022), cette décision a suscité de vives inquiétudes chez les députés qui ont exhorté le Cabinet à intervenir promptement pour la faire annuler. 
  • Khalid Al Rumaihi, directeur général du fonds souverain de Bahreïn Mumtalakat, a déclaré qu'une introduction en Bourse du constructeur automobile McLaren était une option envisagée. Si tel était le cas, ce dernier a précisé qu’elle devrait advenir dans les deux à trois ans. 
Emirats arabes unis   
  • Désireux de doubler la taille de son secteur manufacturier à l’horizon 2030, l’émirat d'Abu Dhabi a annoncé son intention d’investir 10 Md AED (2,72 Md USD) dans six programmes industriels. Outre son intérêt en matière de diversification économique, ce plan d’investissement devrait favoriser l’intégration des nationaux dans le secteur privé avec la création de 13 600 emplois qualifiés. Plus globalement, cette annonce s’inscrit dans la stratégie industrielle des EAU dénommée "Opération 300 milliards" visant à positionner le pays comme centre industriel mondial d'ici 2030 et doubler la contribution du secteur industriel au PIB national.
  • Durant la visite du Président indonésien Joko Widodo à Abu Dhabi, les EAU et l’Indonésie ont signé un accord commercial qui devrait être ratifié prochainement. Les deux pays veulent augmenter leurs échanges commerciaux à 10 Md USD d’ici à 2030 (contre 3 Md USD actuellement). L’accord permettra la suppression des droits de douanes sur 94% des lignes tarifaires pour les produits indonésiens. Le texte couvre entre autres les secteurs de la logistique, le tourisme, la construction, la mode vestimentaire, et l’agroalimentaire. C'est le troisième accord de ce type signé par les EAU depuis février (après l'Inde et Israël).
  • L'opérateur de parcs d'affaires dubaïotes TECOM Group a levé 1,7 Md AED (463 M USD) lors de son introduction en bourse. Malgré un prix par action fixé dans la fourchette haute à 2,67 AED (0,73 USD), l'opération a attiré pas moins de 35 Md AED, soit un niveau de sursouscription 21fois supérieur au montant levé. Avec la vente de 62 5M d’actions, le groupe cède ainsi 12,5% de son capital social.
  • Les EAU ont annoncé un nouveau projet de loi sur les agents commerciaux. La nouvelle réglementation devrait permettre aux sociétés anonymes publiques (PJSC), détenues à minima à 51% par des nationaux, d'agir en tant qu'agents commerciaux. Actuellement, seuls les ressortissants émiriens et les sociétés privées détenues à 100% par des nationaux peuvent prétendre à ce statut. 
  • Le prince héritier de Dubaï, Cheikh Hamdan, a lancé l'initiative "Dubai Global" visant à promouvoir les investissements étrangers et l’internationalisation des entreprises locales. A cette fin, l’initiative ambitionne la création d’un réseau de 50 agences de promotion commerciale à travers le monde. Outre l’organisation de divers forums d’affaires, ces dernières se verront confier la réalisation d’études de marché en vue d’accompagner les entreprises dubaïotes dans leur développement à l’international. 
  • Le Premier ministre indien Narendra Modi a rencontré le 28 juin le nouveau Président des Émirats arabes unis, Cheikh Mohamed ben Zayed, pour lui faire part de ses condoléances à l'occasion du décès de l'ancien président et émir d’Abu Dhabi, Cheikh Khalifa ben Zayed. Cette rencontre a aussi a aussi été l’occasion pour les deux dirigeants de réaffirmer leur engagement à approfondir et diversifier les liens bilatéraux entre les deux pays. Une volonté mutuelle qui s’inscrit dans une logique de rapprochement économique marquée par la signature d’un accord de partenariat économique (CEPA) le 18 février dernier entre l’Inde et les EAU.
Koweït     
  • Le Prince héritier a annoncé le 22 juin sa décision de dissoudre le parlement et d'appeler à de nouveaux scrutins pour mettre fin aux différends politiques en cours entre le gouvernement et les députés. C'était l'une des revendications majeures de l'opposition. Le décret appliquant cette décision serait quant à lui publié dans les mois à venir. L’approbation du budget pour l’année fiscale 2022-2023 qui a débuté en mars est donc repoussée d’autant.
  • Le ministère des Finances a annoncé que dans le contexte actuel de hausse des prix des hydrocarbures, la croissance des recettes mensuelles de l'État est d'environ 600 M KWD (1,95 Md USD). La capacité de financement de l'État a ainsi augmenté d'environ 46 % en glissement annuel. Parmi les dépenses qui seront payées pour le mois juin avec cette nouvelle manne financière, 300 M KWD (977 M USD) seront alloués au comblement du déficit de la dernière année fiscale, et 300 M KWD supplémentaires seront dédiés à la Kuwait Petroleum Corporation (KPC) pour ses besoins d’investissement. 
  • La Kuwait Petroleum Corporation a déclaré que la guerre russo-ukrainienne avait augmenté les coûts de production du pétrole raffiné de 30 USD/bbl. Le PDG de la compagnie pétrolière a annoncé en outre que d’ici la fin de l’année, 615 000 barils de pétrole par jour seront raffinés en diesel et en fuel à faible teneur en soufre, pour répondre notamment à la demande européenne. Il a par ailleurs déclaré qu'il n'était pas prévu pour l'instant de coter en bourse des unités de la KPC, mais que cela pourrait changer avec le temps.
  • La Banque centrale du Koweït (CBK) a informé les banques du pays qu'à partir du 3 juillet, ces dernières devraient lui fournir l’ensemble des données relatives aux transferts financiers à l'intérieur et à l'extérieur du Koweït, et aux dépôts en espèces dans les banques locales égaux ou supérieurs à 3 000 KWD (9 777 USD). Cette décision s'inscrit dans le cadre du développement de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans l’émirat. Une cellule de renseignement financier dédiée à ce sujet a été créée en 2013 mais l’étendue de sa juridiction était assez limitée jusqu’à cette récente décision de la CBK. 
  • Selon Bloomberg, le blocage des prix des biens alimentaires depuis mars 2020 au Koweït provoque des effets désastreux sur l’offre de ces produits, et in fine sur le consommateur koweïtien. Selon le magazine américain, un nombre croissant d’industriels du secteur alimentaire décident ainsi de détourner leur production de l’émirat du fait du manque de rentabilité de leurs ventes, afin de la réorienter vers les autres pays de la région. Le magazine estime qu’une pénurie de volaille et de sucre pourrait ainsi apparaître dans les prochaines semaines.
Oman     
  • Le président de la République arabe d’Egypte, Abdel Fattah al-Sissi, a effectué une visite officielle de deux jours au Sultanat les 27 et 28 juin 2022.  Plusieurs accords de coopération ont été signés à cette occasion, notamment dans les domaines du transport maritime, de la gestion des zones industrielles, de la lutte anti monopole, de l’attractivité et du développement des exportations.
  • Le plafonnement des prix des carburants – au niveau d’octobre 2021 – assuré par les autorités devrait dépasser les 600 M OMR (env. 1,6 Md USD) en 2022 selon le ministre des Finances, S.E. Sultan al-Habsi.
  • Conformément au décret royal n° 53/2022, l’Établissement Public en charge du développement des Zones Industrielles (Madayn) – auparavant affilié au ministère du Commerce, de l’industrie et de la promotion des investissements – relève désormais de l'Autorité Publique pour les Zones Economiques Spéciales et les Zones Franches (OPAZ). 
  • La compagnie aérienne nationale Oman Air a signé un accord de coopération avec Qatar Airways afin d’assurer 21 vols quotidien entre Doha et Mascate dans le cadre de la Coupe du monde de football organisée au Qatar fin 2022.
Qatar
  • Le Directeur Général de Bpifrance Nicolas Dufourcq s’est rendu en visite à Doha les 28 et 29 juin 2022, où il a été reçu par le Ministre des Affaires étrangères qatarien et Président de la Qatar Investment Authority (QIA) Cheikh Mohammed Al-Thani, ainsi que par Mansoor Al-Mahmoud, Directeur général de la QIA, par le Ministre des Finances Ali Al-Kuwari et par le Président du fonds Doha Venture Capital et de l’Autorité qatarienne des zones franches Ahmed Al Sayed. Pour mémoire, Bpifrance est engagée depuis 2013 dans un fonds conjoint avec la QIA, Future French Champions (FFC), doté de 300 M EUR et dont le mandat porte sur l’investissement dans des PME et ETI innovantes. Bpifrance a également signé en 2022 un mémoire d’entente avec la Qatar Development Bank dont Nicolas Dufourcq a rencontré le PDG lors de sa venue. Plus largement, le sujet du renforcement de la relation bilatérale en matière d’investissements était au cœur de ce déplacement au Qatar. 
  • Après sa tournée européenne fin mai, l’Émir du Qatar Cheikh Tamim Al Thani a effectué plusieurs visites officielles en Afrique : au Rwanda d’abord, où il a assisté à la 26e réunion des chefs de gouvernement des Nations du Commonwealth à Kigali, les 23 et 24 juin. Pour mémoire, le Qatar réalise des investissements importants à l’aéroport rwandais de Bugesera et entretient via Qatar Airways un partenariat avec la compagnie aérienne Rwandair.  Il s’est ensuite rendu en Égypte le 24 juin, premier déplacement depuis le blocus, où il a été accueilli à l'aéroport international du Caire par le président égyptien Abdel Fattah El Sissi, quelques mois après l’annonce d’investissements importants du Qatar en Égypte (5 Md USD) en mars dernier par le Ministre qatarien des Finances. Enfin, l’Émir a rencontré à Oran le 26 juin le Président de la République Algérienne, Abdelmadjid Tebboune, à l’occasion de la cérémonie d'ouverture des 19ème Jeux Méditerranéens Oran 2022.
  • Le Conseil des Ministres a approuvé une décision ouvrant la possibilité d’augmenter le niveau de participation d’investisseurs non-Qatariens dans le capital de certaines banques et entreprises cotées au Qatar Stock Exchange, suite à la proposition du Ministre du Commerce et de l’Industrie. Conformément à cette décision, un investisseur non-Qatarien pourrait détenir jusqu’à 100% du capital de ces entités (Qatar International Islamic Bank, Doha Bank, Medical Care Company, Qatar Gas Transport Company Limited (Nakilat), et Qatar Fuel Company (Woqod).
  • Selon les données de l’Autorité de la Planification et des Statistiques, la balance commerciale de marchandises du Qatar affiche un excédent de 40 Md USD sur les cinq premiers mois de 2022, soit un résultat en hausse de 109% en glissement annuel. Les exportations totales ont augmenté de 76% sur la même période (53 Md USD), tirées à la hausse par la forte croissance des exportations d’hydrocarbures (45,6 Md USD, +82%). Les importations ont, elles, augmenté de 17% (13 Md USD). 
  • L’indice de la production industrielle (IPI) a diminué de 1,0% sur les cinq premiers mois de l’année 2022 en glissement annuel, d’après l’Autorité de la Planification et des Statistiques. 

 

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