Depuis 28 ans, les agences française et japonaise ADEME et NEDO échangent sur les priorités de R&D dans les domaines de l'énergie, de la transition bas-carbone et de l'environnement. Après l'économie circulaire en 2016 et les infrastructures hydrogène et électrique pour la mobilité du futur en 2017, elles ont consacré leur séminaire annuel 2019 à la bioéconomie, permettant à une dizaine d'entreprises françaises et japonaises de présenter leurs projets et technologies. L'évènement s'est tenu le 12 mars à Tokyo, en marge des salons professionnels N-EXPO (New Environmental Exposition) et GWPE (Global Warming Prevention Exhibition).

Bioéconomie - Source MAAFLes participants ont pu assister à des présentations par les agences ADEME et NEDO, le Ministère japonais de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie, et des entreprises françaises (Veolia, Engie, Naskeo, Global Bioénergies) et japonaises (Shimadzu, Synplogen, Kaneka, Nice Corporation, Fuji Clean, Japan Agricultural Cooperatives Akan, IHI).

Thèmes traités :

  • Session 1 : Politiques nationales sur la bioéconomie
  • Session 2 : Innovation dans les biomatériaux
  • Session 3 : Bioénergies

L'ensemble des diaporamas présentés est téléchargeable par les liens en bas de page ainsi que sur le site de la NEDO.

Politiques nationales : approche technologique japonaise, stratégie d'ensemble française

La NEDO et l'ADEME ont présenté les politiques nationales du Japon et de la France en matière de bioéconomie.

Côté japonais, l'approche est très liée à l'innovation technologique, avec notamment le besoin identifié de relier biotechnologies et technologies de l'information et de la communication (dont big data). Une politique nationale pour les biotechnologies, pilotée par le METI (économie, industrie) existe depuis 2017, et la bioscience et les biotechnologies sont intégrées dans la stratégie nationale de croissance (2018) et la stratégie nationale intégrée d'innovation (2019). La NEDO a insisté sur le besoin de collaboration entre industrie et recherche.

Côté français, la logique est moins centrée sur les questions technologiques, comme l'illustre la stratégie nationale pour la bioéconomie, pilotée par le MAAF (agriculture, alimentation, forêts) et réposant sur 6 piliers : (1) la bioéconomie comme réalité de marché ; (2) la transition vers une industrie biosourcée ; (3) la production durable des bioressources ; (4) la durabilité de la bioéconomie ; (5) le dialogue avec la société pour une bioéconomie partagée ; (6) l'innovation pour une bioéconomie haute performance. Des liens sont par ailleurs établis avec la gestion des sols et systèmes agricoles et forestiers, ainsi qu'avec les modèles de production et distribution émergents (circuits courts, agriculture urbaine...).

Les deux agences établissent le lien entre bioéconomie et alimentation - côté japonais plutôt sous l'angle de l'optimisation des produits alimentaires pour contribuer à la santé (problématique de vieillissement de la population), côté français davantage sous l'angle de l'émergence nécessaire de systèmes alimentaires durables, reposant notamment sur l'économie circulaire.

Biomatériaux : des usines microbiennes au bois dans la construction

Sur les biomatériaux, la NEDO a présenté les initiatives du Japon basées sur la modification génétique de cellules, visant à en faire des cellules intelligentes capables de produire les biomatériaux utiles à l'industrie, l'agriculture et la santé. Autre exemple de projet cité, celui de l'usage de plantes non comestibles dans les process industriels chimiques. Les entreprises japonaises Shimadzu et Synplogen ont présenté leurs technologies de pointe - le raccourcissement des cycles de production des microbes afin d'augmenter la productivité biochimique pour Shimadzu, et la combinaison de la biologie et de l'intelligence artificielle pour raccourcir la durée et le coût des opérations de manipulation génétique pour Synplogen. Sur un sujet plus mature, le fabricant de produits chimiques Kaneka, présent au Europe, Asie et Etats-Unis, a présenté ses solutions de production de plastiques biodégrables (PHBH) - utilisés dans les films plastiques, la vaisselle jetable, les sacs à compost (vendus notamment en France), etc. Signe de l'accroissement mondial de la demande en bioplastiques, l'usine de PHBH de Kaneka créée au Japon en 2011 avec une capacité initiale de 1000 tonnes par an a été étendue à 5000 tonnes en décembre 2019, et vise une capacité de 10000 tonnes à terme. Confirmant l'avance européenne sur l'intégration des bioplastiques, Kaneka a indiqué disposer de la certification européenne pour 5 de ses produits, contre 2 certifications au Japon et 1 certification aux Etats-Unis.

Côté français, Global Bioenergies, entreprise construite sur 10 ans de R&D pour une innovation de rupture - les "usines microbiennes" - a présenté son approche consistant à substituer, dans les molécules utilisées par l'industrie, les carbones provenant du pétrole par des carbones issus de la photosynthèse, donc renouvelables. L'entreprise a présenté quelques applications possibles, notamment pour la cosmétique (substitution des silicones et huiles non renouvelables par des molécules renouvelables) et l'agroalimentaire (conversion de paille de blé en sucres et molécules chimiques). L'entreprise a bénéficié du soutien de la France (subventions ADEME) et de l'Europe (programme H2020) pour ses projets.

Enfin, l'industriel japonais NICE Corporation, impliqué notamment la construction du stade olympique de Tokyo (image ci-dessous), est revenue sur la place du bois dans la construction au Japon, rappelant que malgré une ressource domestique considérable (68% de couverture forestière au Japon, contre 31% pour la France), seulement 6% du bois utilisé au Japon est du bois local - le reste est importé. L'entreprise a rappelé les vertus du bois comme matériau de construction, en particulier pour le confort des habitants. NICE Corporation a également souligné l'importance de ses échanges avec la France : partenariat avec l'institut FCBA signé en 2016 lors de l'année de l'innovation franco-japonaise, travaux de recherche en commun, projets "Suteki Home" à Paris et Bordeaux, projet "City Zen Wood" avec le FCBA et l'hôpital de Bordeaux.

Vue concept du stade olympique de Tokyo - Architecte : Kengo Kuma

Bioénergies : biogaz et agriculture, biocarburant pour l'aviation, réseaux de chaleur bois

Le Japon accuse un certain retard par rapport à la France dans la mobilisation des ressources biomasse, davantage adaptées à la production de chaleur et de gaz qu'à la production électrique, sur laquelle la politique énergétique du Japon est encore très focalisée. Rappelée par la NEDO, la cible fixée en 2030 par le gouvernement japonais est d'environ 4% de biomasse dans le mix électrique (sur un total de 22-24% de sources renouvelables), et aucune cible n'est fixée pour l'usage de biomasse hors production d'électricité. Dans ce contexte existent tout de même 6 projets d'études de "Régions autonomes en biomasse". Hors électricité, la NEDO a fortement insisté sur un projet de R&D sur le biocarburant pour l'aviation, présenté comme solution alternative à l'électrification des avions pour réduire les émissions de CO2 du transport aérien. Ce projet, qui utilise des microalgues, est porté par l'entreprise IHI ; la NEDO souhaite en faire une démonstration au moment des Jeux Olympiques de Tokyo, mais au delà devront être réglées les questions de certification par les autorités de l'aviation civile, de stabilité de la productivité des microalgues, et de maintien d'un coût de production économiquement viable.

De son côté, l'ADEME a présenté les investissements importants réalisés pour soutenir les projets de chaleur renouvelable produite à partir de biomasse (programme d'investissements d'avenir, fonds chaleur), notamment dans l'industrie et les réseaux de chaleur avec des entreprises telles que Compte R ou Engie.

Le réseau de chaleur de ParisLes entreprises japonaises Fuji Clean et IHI ainsi que le groupement des coopératives agricoles de Hokkaido ont fait état de leurs projets de biogaz et biocarburants. Fuji Clean travaille en particulier sur la production d'énergie à partir de déchets organiques, avec la capacité de traiter des mélanges de biomasses de différents types et origines ; l'entreprise a souligné sa volonté de contribuer ainsi à la revitalisation économique régionale et à l'amélioration de l'image de la filière des déchets. Japan Agricultural Cooperatives Akan travaille de son côté sur un démonstrateur de production de biogaz impliquant 24 agriculteurs laitiers ; l'objectif est d'établir un circuit court, avec une utilisation locale du biogaz pour produire de l'électricité et chauffer des serres.

Côté français, la PME Naskeo et les grands groupes Veolia et Engie ont présenté leurs solutions de mobilisation des bioénergies pour la transition énergétique.  Créée en 2005 et soutenue par l'ADEME, Naskeo est spécialisée dans la méthanisation, à travers des projets individuels ou territoriaux ; l'entreprise réalise actuellement un projet à Hokkaido en coopération avec les agriculteurs et la ville de Tsurui. Veolia a mis en avant sa capacité à utiliser les ressources bois et les résidus agricoles pour produire de l'énergie renouvelable, avec des exemples dans de nombreux pays, et des centres de R&D spécialisés en France et en Corée du Sud. Au Japon, Veolia exploite déjà plusieurs centrales, utilisant le bois comme à Tsugaru et Hanamaki, ou le biogaz comme à Okinawa.

Engie de son côté a mis en avant l'intérêt des réseaux de chaleur pour mobiliser massivement les gisements de biomasse (mais également de toutes autres sources d'énergies renouvelables et de récupération), au bénéfice de la réduction de l'empreinte carbone des zones urbaines. L'entreprise a cité l'exemple du réseau de chaleur de Paris (image ci-contre), un des plus grands d'Europe, qui a su s'adapter au fil des décennies et des générations successives de technologies de chauffage urbain. Ces technologies très matures entrent dans leur 4ème génération sur la période 2020-2050. Sur ce sujet, l'ADEME a rappelé les mécanismes de soutien financier du gouvernement français et des collectivités et les enjeux importants sur la récupération de chaleur rejetée par les usines et les datacenters.

En savoir plus sur ces sujets...

La coopération ADEME-NEDO

Coopération ADEME-NEDOLes relations étroites entre les deux agences nationales en charge du développement des technologies énergétiques et environnementales, l'ADEME pour la France et la NEDO pour le Japon, existent depuis plus de 25 ans. Elles ont pour but d’échanger sur les priorités de R&D dans les domaines :

  • des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique,
  • de la gestion des déchets,
  • des technologies de l’environnement,
  • de la prévention du changement climatique,
  • de la coopération avec les pays tiers.

Les rencontres entre les deux organismes font régulièrement l’objet de séminaires conjoints rassemblant pouvoirs publics, chercheurs, entreprises et experts, organisés alternativement en France et au Japon.

L'ADEME est par ailleurs impliquée dans la coopération pour une société bas-carbone respectueuse de l'environnement entre les ministères français et japonais.

Thèmes des précédents séminaires annuels ADEME-NEDO :
  • 2005 - Villepinte - « Les nouvelles technologies de l’énergie et de gestion des déchets »
  • 2006 - Tokyo - « Les stratégies développées pour l’efficacité énergétique et l’environnement »
  • 2007 - Valbonne et Paris - « L’efficacité énergétique et l’intégration des énergies renouvelables dans les bâtiments » et « Les feuilles de route des véhicules automobiles à l’horizon 2030-2050 »
  • 2008 - Kawasaki - « Le raccordement des énergies renouvelables aux réseaux électriques »
  • 2009 - Pollutec Paris - « Les réseaux électriques intelligents »
  • 2010 -Tokyo - « Les villes intelligentes »
  • 2011 - Perpignan - « L’énergie solaire photovoltaïque et thermodynamique »
  • 2012 - Tokyo - « Le stockage de l’énergie »
  • 2013 - Nantes - « Les énergies marines »
  • 2014 - Tokyo - « Les bâtiments performants »
  • 2015 - Pollutec Paris - « Les démonstrateurs de réseaux et quartiers intelligents »
  • 2016 -Tokyo - « L’économie circulaire »
  • 2017 - Paris - « Infrastructures hydrogène et électrique pour la mobilité du futur »

Fichiers attachés