Tokyo
Le Japon prépare la décarbonation du bâtiment. D’ici 2050 le parc immobilier japonais devra être amené - en moyenne – au niveau des standards « énergie zéro ». Les normes d’efficacité énergétique sont renforcées et deviennent obligatoires pour toutes les constructions neuves. Des prêts à taux bas soutiennent la rénovation des bâtiments existants. Les collectivités locales ont de nouvelles compétences pour promouvoir des énergies renouvelables. Le recours aux matériaux à faible empreinte carbone, comme le bois, est favorisé.

1.      La décarbonation du bâtiment, enfin une priorité affichée par le Japon

Engagé sur l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050, le Japon s’attaque au bâtiment. Représentant 30% de la consommation énergétique du pays et un poste majeur d’émissions de gaz à effet de serre (GES), le secteur est ciblé par deux objectifs de réduction fixés dans le cadre du plan national de la lutte contre le changement climatique adopté en octobre 2021 : -66% de GES pour le secteur résidentiel et ‑50% pour le secteur commercial et des services d’ici 2030 (par rapport à 2013). D’ici 2050, le parc immobilier devra en outre répondre - en moyenne [1] - aux standards « Net Zero Energy Building » (ZEB) et « Net Zero Energy Housing » (ZEH) (voir annexe 1). Ce plan du gouvernement, qui s’appuie sur un paquet législatif voté en juin 2022, mobilise plusieurs leviers : la performance énergétique des bâtiments, les énergies renouvelables (EnR) et l’utilisation de matériaux à faible empreinte carbone comme le bois pour la construction. Pour l’année fiscale 2024, un budget de 842 Mds JPY (environ 5,6 Mds EUR) est prévu pour l’efficacité énergétique de logements dont 632 Mds JPY (4,2 Mds EUR) pour la rénovation énergétique de logements existants.

Le Japon part de loin et le temps presseLa majorité du parc de logements a moins de 30 ans (voir annexe 2) et les objectifs 2050 se jouent donc dès maintenant avec le renouvellement du parc. L’enjeu porte moins sur les constructions neuves (900 000 logements construits chaque année), la proportion de logements qui se conforme aux standards d’efficacité énergétique étant déjà relativement élevée bien que facultative [2], que sur le parc de 50 millions de logements existants : seuls 13% sont conformes, 29% ne disposent d’aucune isolation.

2.      De nouvelles normes pour le neuf et des prêts bonifiés pour rénover l’ancien

Révolution pour le secteur, toutes les constructions neuves devront désormais respecter des normes de performance énergétique à partir d’avril 2025 (voir annexe 3)Cela fait suite à une loi votée en juin 2022. Pour l’instant, seuls les grands bâtiments non résidentiels sont soumis à une telle obligation. En outre, certaines exigences pesant déjà sur les « grands constructeurs » [3] (démarche « top runner »), qui représentent environ 50% des constructions neuves, seront renforcées et seront plus exigeantes que les normes de droit commun. L’ensemble doit converger vers les standards ZEH et ZEB d’ici 2030 pour les nouvelles constructions. Les standards avancés ZEH+ et LCCM (life cycle carbon minus) seront également promus. A noter que la performance énergétique sera désormais mise en avant au moment de la vente et de la mise en location avec un système d’affichage recommandé par le gouvernement [4].

Concernant le bâti existant, la rénovation énergétique est favorisée par des prêts à taux bas. D’un montant maximum de 5 millions JPY (environ 33 000 euros), ils sont accordés par l’agence publique Japan Housing Finance Agency, sans commission ni garantie, pour financer des travaux de performance énergétique ; si la rénovation permet d’atteindre le standard ZEH, le taux est bonifié (1,36% au lieu de 1,66%). A noter : le gouvernement ne communique pas sur un objectif chiffré de rénovations. Par ailleurs, les démolitions-reconstructions restent fréquentes, notamment pour les bâtiments d’avant 1981 (renforcement des normes parasismiques pour toutes les logements) et 2000 (nouveau renforcement pour les maisons individuelles). 

3.      Energies renouvelables : mobilisation des collectivités locales

Pour le développement des énergies renouvelables (EnR), les collectivités locales se voient confier un nouveau rôle. Elles pourront désormais créer des « zones de promotion des EnR », dans lesquelles, avant toute mise en travaux, les propriétaires se verront adresser des informations sur l’intérêt d’installer des équipements utilisant des énergies renouvelables (réduction des émissions, économies d’énergie, résilience en cas de coupure d’approvisionnement électrique extérieur, etc.). Le système est expérimenté à Kyoto.

Face à cette mesure timide, Tokyo a pris les devants. Dans cette région qui représente 13,8 millions d’habitants, l’installation de panneaux solaires sera obligatoire à partir d’avril 2025 sur les nouvelles constructions de moins de 2 000 m² (ce qui inclut toutes les maisons individuelles), lorsqu’elles construites par des « grands constructeurs » [5], soit la moitié des constructions annuelles à Tokyo. Pour les constructions de plus de 2 000 m², des équipements de production d'énergie solaire seront obligatoires sur au moins 5 % de la superficie. 

4.     Développement des matériaux à faible empreinte carbone

Les efforts de décarbonation portent également sur les matériaux de construction eux-mêmes. D’une part, le gouvernement met l’accent sur le bois [6], qui dispose d’un bilan carbone très positif et qui pourra désormais être utilisé pour la construction de grands bâtiments (plus de 3 000 m2). Jusqu’ici, la règlementation restait très contraignante - lointain héritage des incendies du séisme du Kanto de 1923 et de la Seconde guerre mondiale. D’autre part, des efforts de recherche sont menés sur le béton, à la fois dans les universités et dans les entreprises, pour améliorer son bilan carbone, voire le rendre négatif [7].

 


[1] L’objectif est exprimé en moyenne, certains bâtiments anciens pourront donc rester en l’état.

[2] 87% des maisons individuelles neuves respectent les standards, dont 25% au niveau ZEH ; la proportion est de 72% pour les logements collectifs, dont 2% au niveau ZEH.

[3] Critères : construire plus de 150 maisons individuelles préfabriquées, ou 300 maisons individuelles en fabrication sur mesure, ou 100 ensembles d’appartements destinés à la location, etc.

[4] Il n’est pas prévu de sanction en cas de défaut d’information, mais un « name and shame » est possible.

[5] Critère : construire une surface totale annuelle supérieure à 20 000 m².

[6] Cf. Note séparée : « Dernières évolutions de la politique japonaise pour la construction bois »

[7] Béton de carbonate de calcium de l’université de Tokyo, béton clean-crete d’Obayashi Corporation, béton CO2-Suicom Kajima Corporation et gamme de béton T-econcrete de Taisei.

 

ANNEXES

 

Annexe 1 : Logements et bâtiments « énergie zéro » ZEH et ZEB

 

La révision de la loi sur l’efficacité énergétique des bâtiments de juin 2022 vise, dans le secteur des bâtiments, qu’en moyenne, les logements existants répondent à des standards ZEH (Zero Energy Housing) ou ZEB (Zero Energie Building) des bâtiments à énergie zéro nette (ZEB) ou des maisons à énergie zéro nette (ZEH). Cela suppose d’après le gouvernement que d’ici 2030 presque tous les bâtiments nouvellement construits soient dans les standards ZEH ou ZEB. Les standards ZEH et ZEB comprennent plusieurs niveaux progressifs, dont seulement les niveaux maximaux sont réellement à énergie nette zéro (et appelés eux-mêmes ZEH, ZEB ; en japonais ils sont parfois aussi décrits comme « zéro » pour lever l’ambiguïté avec l’ensemble des sous-standards).

 

  • ZEH – Maisons zéro énergie (Zero Energy Housing)

Dans la feuille de route ZEH compilée par le Comité d’examen de la feuille de route ZEH du ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI), une ZEH est définie comme « une maison dans laquelle l’énergie consommée par an est approximativement nulle ou négative sur une base nette en s’efforçant d’économiser autant d’énergie que possible grâce à une isolation thermique élevée et à des équipements à haut rendement dans la maison, tout en maintenant un environnement intérieur confortable et en créant de l’énergie par la production d’énergie solaire et d’autres moyens. »

Les ZEH possèdent donc trois caractéristiques : (1) une isolation thermique élevée plus stricte que les normes d’efficacité énergétique, (2) des équipements possédant un rendement élevé et (3) possédant des équipements producteurs d’énergie (panneaux photovoltaïques etc…).

La norme ZEH décrit plusieurs niveaux progressifs, exigeant des économies d’énergie primaire de 20% ou plus par rapport à la référence de performance énergétique (« Energy Saving Standard ») :

1. « ZEH » (ou parfois, en japonais, « zéro ») : une réduction de 100% ou plus de la consommation d’énergie (en comptant l’installation d’ENR comme une réduction de la consommation tirée du système énergétique externe),

2. « Nearly-ZEH » : une réduction de 75% ou plus, et moins de 100%, de la consommation d’énergie

3. « ZEH oriented » : conformité simple au minimum d’économie d’énergie primaire (20%, sans compter les conversions vers des ENR) de la norme ZEH.

 

  • ZEB – Bâtiment zéro énergie (Zero Energy Housing)

Un ZEB  est un bâtiment qui vise à augmenter autant que possible l’indépendance énergétique et à réduire à zéro le bilan de la consommation annuelle d’énergie primaire en introduisant des énergies renouvelables et en réalisant des économies d’énergie significatives tout en maintenant la qualité de l’environnement intérieur en réduisant la charge énergétique par une conception avancée du bâtiment, en utilisant activement l'énergie naturelle par l'adoption d'une technologie passive et en introduisant des systèmes d'équipement hautement efficaces.

La réalisation de telles bâtiments passe par des systèmes lumineux à haut rendement énergétique, des ventilations naturelles, des brises soleil, une bonne isolation et des panneaux photovoltaïques etc. Afin d’obtenir les 5 étoiles BELS, certains bâtiments de 10 000 m2 seront orientés ZEB. Les écoles, bureaux et usines devront faire au moins 40% d’économie d’énergie. Quant aux hôtels, hôpitaux, restaurants, grands magasins et lieux de rassemblement, ils devront faire au moins 30% d’économie d’énergie.

La norme ZEB, qui exige des économies d’énergie primaire de 30% ou 40% au moins (selon les catégories de bâtiments) pour le niveau le plus faible ZEH oriented pour les grands bâtiments et 50% au moins pour les niveaux à partir de ZEB-ready, se décline selon les niveaux suivants :

 1. « ZEB » (ou parfois, en japonais, « zéro ») : une réduction de la consommation d’énergie primaire de 50% au moins (sans compter l‘introduction des ENR) et une réduction de 100% ou plus de la consommation d’énergie (en comptant l’introduction des ENR comme une réduction de consommation),

2. « Nearly-ZEB » : une réduction de la consommation d’énergie primaire de 50% au moins (sans compter l‘introduction des ENR) et une réduction de 75% au moins, et de moins de 100%, de la consommation d’énergie (en comptant l’introduction des ENR comme une réduction de consommation)

3. « ZEB-Ready » : une réduction de la consommation d’énergie primaire de 50% au moins (sans compter l’introduction des ENR)

4. [Pour les bâtiments de plus de 10 000m²] « ZEB-Oriented » une réduction d’au moins 30 % (seuil pour les hôtels, restaurants, grands magasins, lieux de rassemblements…) ou d’au moins 40 % (seuil pour les écoles, bureaux, usines…), avec introduction de technologies permettant des réductions de consommation supplémentaires lors de l’usage du bâtiment.

 

Annexe 2 : Inventaire du parc de logements existant (Enquête Logement et Territoire 2018 du bureau statistique du ministère des affaires internes et de la Communication [MIC], source : site internet MIC)

En milliers

Matériau de construction

Année de construction

Nb total logements

Bois

Bois et ignifugé

Béton armé

Non rapportée

Avant 1950

1951-80

1981-90

1991-2000

2001 - 2013

2014 - Sept 2018

53 616

12 162

18 385

18 204

4 708

1 356

10 655

9 123

10 784

12 913

4 077

 

23%

34%

34%

9%

3%

20%

17%

20%

24%

8%

 
Annexe 3 : Extension des obligations de conformité aux normes de performance énergétique par la révision de juin 2022 de la loi sur l’efficacité énergétique des bâtiments (schéma du ministère du territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme [MLIT])

 Tableau MLIT

Entrée en application de la révision à partir de l’année fiscale 2025.

 
Annexe 4 : Principaux labels et certifications en place concernant la décarbonation des bâtiments
  • CASBEE

L’association du bâtiment durable japonais (JSBC) et le Centre d’économie d’énergie japonais (ECCJ) ont développé depuis 2001 avec l’appui du gouvernement le Comprehensive Assessment System for Built Environment Efficiency, CASBEE. Il s’agit d’un outil d’évaluation privé de la performance environnementale des bâtiments privés et publics ainsi que des villes. Cet outil prend en compte 4 caractéristiques : (1) l’efficacité énergétique, (2) l’efficacité des ressources), (3) l’environnement local et (4) l’environnement intérieur. Un concept d’éco-efficacité a été introduit dans le cadre de CASBEE afin de permettre l’évaluation intégrée de l’intérieur et l’extérieur du site de construction.          
Plusieurs déclinaisons de CASBEE existent pour les différents bâtiments et utilisations. L’outil possède trois grands types d’évaluations communes à tous les bâtiments : une évaluation complète tout au long du cycle de vie du bâtiment, une évaluation de la qualité de l’environnement bâti et enfin une évaluation basée sur le nouvel indicateur d’efficacité de l’environnement bâti (BEE).

  • BEE

Le Built Environment Efficiency, dérive directement de CASBEE. Il s’agit d’un indicateur prenant en compte la quallité de l’environnement du bâti ainsi que sa charge.

L’utilisation du BEE  a permis de simplifier l’évaluation de la performance de l’environnement des bâtiments.

  • BELS

Le système de certification Building-Housing Energy Efficiency Labelling System (BELS) a été lancé en 2016 par le ministère du territoire, des infrastructures, des transports et du tourisme (MLIT). Il s’agit d’un système permettant d’indiquer les performances en matière d’économie d’énergie des bâtiments non résidentiels. Les sociétés immobilières et d’autres entreprises du bâtiment doivent afficher la performance d’efficacité énergétique des bâtiments en vente ou en location conformément à la loi sur l’efficacité énergétique des bâtiments de juillet 2015 à travers leur label BELS. L’évaluation du bâtiment donne lieu à une certification sur 5 étoiles.