Le transport ferroviaire, malgré une forte progression du transport routier depuis 1950, reste un mode de transport très important au Japon. Les infrastructures sont exploitées par de nombreuses entités, dont les sept JR issues de la privatisation de la compagnie nationale en 1987 et 150 autres compagnies privées couvrant principalement le milieu urbain. Les compagnies mènent diverses initiatives d’interconnexion de leurs services et travaux d’amélioration du confort et de la sécurité, diversifient leurs activités (aménagement, espaces commerciaux, etc.) et commencent à s’engager sur une trajectoire de réduction de leur empreinte environnementale.

1. Un mode de transport très développé, géré par de très nombreuses entités privées

Shinkansen Hokuriku - JR EastDepuis l’ouverture de la première ligne en 1872, le transport ferroviaire japonais s’est fortement développé et est aujourd’hui le principal mode de déplacement dans les zones urbaines. Le réseau ferroviaire atteint 27000 km (dont 10% adaptés à la grande vitesse), et transporte près de 442 milliards de voyageurs-kilomètres[1] par an, soit quatre fois plus qu’en France. Le système ferroviaire japonais est reconnu pour sa ponctualité : en 2018, le retard moyen du Shinkansen Tokaido reliant Tokyo à Osaka (373 trains par jour) était inférieur à une minute.

Historiquement dominant pour le transport de passagers, le rail a été dépassé par la route en 1970 ; la part ferroviaire s’établit depuis 1990 à 25-30%. Beaucoup plus qu’en France, le train reste le mode de transport privilégié pour les distances de quelques centaines de kilomètres. C’est également le principal moyen de transport au sein des trois grandes zones urbaines du Japon (Tokyo, Nagoya et Osaka) qui représentent 85% du volume national du transport ferroviaire de passagers, avec seulement 18% du linéaire de réseau du pays. Si le rail reste important pour le transport de passagers, la situation est très différente pour le transport de marchandises : seulement 4% (en tonnes-kilomètres), contre 60% pour la route et 30% pour le maritime.

Réparation des modes de transport de passagers au Japon

Carte des régions et réseaux JRIl existe au Japon plus de 200 compagnies ferroviaires. L’ancienne société publique nationale JNR, privatisée en 1987 en raison d’un endettement colossal, a été scindée en 6 compagnies JR régionales pour les passagers et une compagnie JR nationale pour le fret. Les 6 JR régionales interviennent principalement sur l’interurbain et la longue distance (notamment avec les trains à grande vitesse Shinkansen). Sur leurs 20 000 km de réseau, les JR transportent 63% du total national de voyageurs-kilomètres. JR East, West et Central couvrent les zones les plus rentables. Présente à Tokyo, JR East réalise à elle seule un chiffre d’affaires équivalent de celui de la SNCF, avec un réseau 4 fois moins étendu. JR Central gère le Shinkansen Tokaido, qui représente 85% du transport de passagers entre Tokyo et Osaka et 92% du chiffre d’affaires ferroviaire de la compagnie. JR Shikoku et Hokkaido sont dans des situations moins favorables, couvrant des territoires ruraux frappés par le dépeuplement.

Environ 150 compagnies ferroviaires  privées, les mintetsu, se concentrent sur les transports urbains de courte distance. Les 16 plus grandes transportent à elles seules 29% du total national. La plus importante est Tokyo Metro, un des deux opérateurs du réseau de métro de la capitale (22 milliards de voyageurs-km par an), suivie de Tokyu Corporation (11 milliards de voyageurs-km par an) couvrant la région sud-ouest de Tokyo. Dans les 3 grandes zones urbaines, les mintetsu assurent près de la moitié du transport urbain. Plus marginalement, certaines collectivités exploitent, directement ou à travers des compagnies publiques ou sociétés d’économie mixte, des systèmes de métros, trains urbains, monorails ; en volume, ces lignes représentent moins de 5% des voyageurs-kilomètres. Certaines villes disposent également de tramways, généralement anciens, le pic de développement remontant aux années 1930 ; quelques villes s’intéressent au tramway moderne tel que redéveloppé en France à partir des années 1980, mais les projets avancent très lentement et la réglementation nationale est peu incitative.

Evolution des passagers du transport ferroviaire au Japon

Depuis les années 1960, les compagnies développement l’interconnexion. 75% du réseau ferroviaire de Tokyo est couvert par l’interconnexion, permettant par exemple d’embarquer dans une station de métro dans le centre de la capitale et de débarquer dans une gare ferroviaire dans la ville voisine de Yokohama, en ayant emprunté les réseaux de trois compagnies, avec un seul ticket et sans changer de train. Cette interopérabilité entre compagnies se matérialise également avec les cartes Suica et PASMO. Lancée en 2001 par JR East avec une technologie Sony, Suica est une carte de paiement sans contact, rechargeable, permettant de fluidifier le flux de passagers dans les stations. Plus de 60 millions de Suica ont été émises. En 2007, Tokyo Metro a lancé une carte similaire, la PASMO. Elles sont interopérables : la Suica permet d’emprunter le réseau Tokyo Metro et la PASMO donne accès aux lignes JR East. Ces cartes sont désormais utilisables pratiquement partout au Japon, de Hokkaido au nord à Okinawa au sud, dans des trains, métros et bus gérés par des dizaines de sociétés indépendantes.  Ces cartes permettent également de payer dans de nombreux commerces de la vie quotidienne.

L’exploitation du service ferroviaire par les compagnies, y compris les JR, repose sur l’autosuffisance financière, sans intervention publique, hors prêts pour travaux sur les infrastructures. JR East, West et Central, les trois JR les plus rentables, ont été introduites en bourse entre 2002 et 2006 pour finaliser leur privatisation. En 2016, JR Kyushu a à son tour été introduite en bourse après des efforts pour créer des lignes à forte valeur ajoutée.

2. Des stratégies de création de lignes, diversification des activités et mobilité durable

Le réPiste d'essai du Maglev - JR Centralseau est globalement mature, mais fait encore l’objet de développements. JR Central a ainsi un programme d’extension de lignes de Shinkansen jusqu’en 2030 au moins et la compagnie a engagé en 2014 la construction d’une ligne de train à lévitation magnétique (Maglev) visant à relier Tokyo et Osaka (438 km) en 67 minutes (3 fois moins qu’actuellement) d’ici 2045, avec une 1ère tranche Tokyo-Nagoya pour 2027. Les travaux, d’un montant total de 9 300 Mds JPY sont soutenus par un prêt de l’Etat de 3 000 Mds JPY. Un autre projet de nouvelle ligne, à plus court terme, est celui du Haneda Access, liaison ferroviaire directe entre l’aéroport de Tokyo Haneda et le centre-ville.

En parallèle à ces projets de nouvelles lignes ou extensions, différentes initiatives sont prises pour améliorer le confort et la sécurité : doublement des voies pour réduire la congestion, équipements pour les personnes à mobilité réduite, signalétique pour les utilisateurs étrangers, suppression de passages à niveau, sécurisation des quais, etc. Ces travaux peuvent bénéficier de prêts étatiques.

En complément du transport, les activités non ferroviaires constituent aujourd’hui un axe stratégique en croissance pour le modèle d’affaire de toutes les grandes compagnies. Ces dernières valorisent notamment les espaces dans les gares ou leurs environs pour le développement de zones commerciales. L’activité non ferroviaire représente aujourd’hui 60% du chiffre d’affaires de JR Kyushu, 32% pour JR East, 23% pour JR Central. Les grandes mintetsu développent des projets immobiliers le long de leurs lignes, contribuant à l’augmentation de la population utilisatrice de leurs services ferroviaires. Elles investissent aussi dans des services visant à la fois à augmenter leurs revenus non ferroviaires et à rendre leurs lignes plus attractives : commerces autour des gares, services de bus et de taxis, etc.

Plus récemment, les compagnies ont commencé à s’engager dans des initiatives pour la réduction de leur empreinte environnementale. Tokyu Corporation a été la première compagnie ferroviaire au monde à rejoindre l’initiative RE100 fin 2019, s’engageant à utiliser 100% d’électricité renouvelable d’ici 2050. En mai 2020, JR East a annoncé son objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 ; symbole de cette ambition, la nouvelle gare Takanawa Gateway sur la ligne intra-urbaine Yamanote à Tokyo met en avant l’usage du bois de construction, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

L’épidémie de COVID-19 en 2020 laissera vraisemblablement des traces dans le paysage ferroviaire japonais : même si le secteur est moins touché que le transport aérien, certaines compagnies qui étaient déjà en difficulté, comme JR Shikoku ou Hokkaido, ont dû contracter des prêts pour surmonter les baisses de revenus. Beaucoup de compagnies, dont les JR, ont enregistré sur les premiers mois de 2020 les pires résultats financiers de leur histoire.

Annexes

Evolution du volume de fret par mode de transport

 

Repartition des passagers par type de compagnie en zone urbaine


[1] Un voyageur-kilomètre représente le transport d’une personne sur une distance d’un kilomètre. 100 personnes transportées sur 1 km représentent le même nombre (100) de voyageurs-kilomètres qu’1 personne transportée sur 100 km.