Alors que la stratégie domestique de développement des infrastructures au Japon s’appuie sur un ambitieux plan de relance (i) et sur la participation du secteur privé, notamment au travers du modèle de projet PFI/PPP (ii), le gouvernement japonais a également pour ambition d’exporter et promouvoir ses technologies de pointe et ses systèmes d’infrastructures avancées à l’échelle internationale (iii), à l’image de la promotion faite autour du Shinkansen.

1.      Dans le cadre de son nouveau plan de relance, le Premier Ministre Abe élève le développement des infrastructures japonaises au rang de priorité.

1.1 Le développement des infrastructures japonaises est une question cruciale qui doit répondre à 4 problèmes majeurs au Japon : (i) l’imminence et la fréquence des désastres naturels, (ii) le vieillissement accéléré des infrastructures japonaises, (iii) les milieux ruraux délaissés couplés à la population en déclin, et (iv) la concurrence internationale croissante. Les investissements dédiés au développement des infrastructures sociales permettent également de favoriser la participation du secteur privé dans l’amélioration des services publics, la création d’emploi et la construction d’infrastructures stimulant la croissance économique en générant des revenus.

Extrait du site de promotion des infrastructures japonaises1.2 Le premier Ministre a annoncé, fin Juillet 2016, un nouveau plan de relance massif de 28 000 milliards de yens (246 Mds EUR), dont 10 700 Mds JPY (91.7 Mds EUR) alloués au financement d’infrastructures au Japon. Ce montant couvrira des projets pour les années fiscales 2016 et 2017, dans le cadre du financement de plans en faveur du développement des infrastructures et des modes de transport. Le MLIT estime que ce besoin de financement s’établira entre 4 300 et 5 100 Mds JPY/an en 2023 (+40% par rapport à 2013), et entre 4 600 et 5 500 Mds JPY/an en 2033. Le plan de relance comprend également 6 000 Mds JPY (52,6 Mds EUR) de prêts à intérêt faible visant à promouvoir de grands projets tels que l’agrandissement des installations portuaires et la construction de la ligne Maglev, train à sustentation électromagnétique entre Tokyo et Osaka via Nagoya. Le Plan de relance prévoit également des projets à court-terme moins ambitieux en vue d’accueillir un nombre croissant de touristes avant (pour atteindre l’objectif des 40 millions de touristes d’ici 2020) et pendant les Jeux Olympiques (JO) de 2020. A court terme, il s’agit principalement de soutenir des projets plus modestes de développement et modernisation des infrastructures de transport, notamment en vue des JO et de l’objectif de 40 millions de touristes par an visés d’ici 2020[1].    

1.3 Le MLIT  a en outre formulé son 4ème Plan prioritaire de développement des infrastructures couvrant les années fiscales 2015 à 2020 et approuvé le 18 Septembre 2015 par le Cabinet Office. Ce plan est formulé par le MLIT sur une base quinquennale afin de promouvoir intensivement et efficacement le développement de projets d’infrastructure conformément à la Loi sur le Plan prioritaire de Développement des Infrastructures[2], une décision du Cabinet Office étant nécessaire pour valider son entrée en vigueur. Cette loi concerne tous les projets relatifs aux routes, aux infrastructures de sécurité routière, aux lignes ferroviaires, aux ports et aéroports, aux espaces verts, aux systèmes d’assainissement et aux rivières, en comptant les projets en connexion avec ces projets afin d’améliorer leur efficacité. Le 4ème Plan prioritaire met en avant les priorités du gouvernement japonais qui sont la maintenance et la résistance des infrastructures aux catastrophes naturelles, l’adaptation des équipements à une population vieillissante, le développement des « compacts cities » et le recours accru aux investissements privés. Dans cette perspective, le MLIT prévoit d’élaborer d’ici l’année fiscale 2020 tous les plans détaillés visant à améliorer la durabilité des infrastructures et compléter, au moins à hauteur de 80%, la construction des routes périphériques prévues dans trois grandes régions métropolitaines.

1.4 Enfin, le Plan fondamental pour le Transport[3] a été adopté par le Cabinet Office[4] en Février 2015 et couvre les années fiscales 2014 à 2020. Il est inclut dans le Livre Blanc annuel 2016 sur le Territoire, les Infrastructures, le Transport et le Tourisme, et présente les mesures et les objectifs chiffrés à atteindre dans le cadre du développement et de l’amélioration des systèmes de transport au Japon. Trois priorités ont été définies dans le cadre de ce Plan : (i) assurer des modes de transport favorables à la réalisation d’un cadre de vie national plus sain, (ii) créer un réseau logistique inter-régional et international de distribution, ainsi qu’un réseau de transport de passagers, favorisant la croissance, l’efficacité et la prospérité, et (iii) développer des infrastructures de transport durables, sûres et sécurisées. Le principal objectif visé est l’amélioration des réseaux urbains desservant les aéroports Narita et Haneda, qui vont notamment faire l’objet d’ajout de près 80 000 slots[5] d’ici 2020, en vue des JO de Tokyo. Au programme des mesures prévues dans le Plan, un déploiement plus important des services de bus[6] et de taxis dans au moins 400 communes[7], et l’équipement de façades de quais pour améliorer la sécurité dans plus de 800 stations de trains au Japon.

 

2.      Le gouvernement japonais a fait le choix de promouvoir les investissements privés et le modèle PFI/PPP[8] pour revitaliser le marché japonais des investissements dans le secteur des infrastructures, réduire le déficit national et créer des opportunités d’affaires pour le secteur privé.

2.1 La révision en 2011 de la loi sur la promotion de l'initiative de financement privé (PFI Act) a introduit les concessions comme nouveau modèle de projets dans lequel les entreprises privées peuvent exploiter et entretenir des infrastructures de service public existantes en se rémunérant sur les frais d’utilisation payés par les usagers. Les principaux domaines visés par les concessions japonaises sont pour l’instant l’aéroportuaire, les systèmes d’approvisionnement en eau, le traitement des eaux usagés et les logements publics. Le 6 juin 2013, le Conseil pour la promotion des initiatives de financements privés[9] a rédigé le «Plan d'action pour les réformes fondamentales des PPP / PFI». Ce plan d'action vise à promouvoir les projets PPP/PFI pour assurer une gestion et une rénovation plus efficace des infrastructures, améliorer la qualité des services et réduire les charges budgétaires publiques. Dans le cadre de ce plan d'action, le Cabinet Office a annoncé que plus de 2 trillions JPY (approximativement 16,6 Mds EUR) seraient alloués à la promotion des projets de concessions, comme définis par la Loi PFI, dans les secteurs des aéroports, de l’eau ou des systèmes d'assainissement. Ce montant sera principalement consacré à 19 projets de concession : 1 projet de route, 6 projets d’aéroports, 6 projets de système d’eau potable et 6 projets de systèmes de traitement des eaux usées.

2.2 En 2011, le MLIT a notamment présenté un plan d’envergure visant à privatiser tous les principaux aéroports japonais (voir annexe n°1) d’ici 2020. Cette privatisation implique un contrat de concession à long-terme pour la gestion des pistes, des infrastructures et des parkings, sans inclure la gestion du contrôle du trafic aérien qui relève toujours de la compétence du gouvernement national. Après la concession des aéroports internationaux d’Osaka, gérés depuis Avril 2016 par le consortium composé des groupes Orix et Vinci Airports, des études de faisabilité sont en cours pour la privatisation des autres principaux aéroports nationaux (Kobe, Takamatsu, Fukuoka[10], Sapporo Chitose…). Le plus avancé est le projet de Kobe, pour lequel les groupes Orix, au sein d’un consortium dont Vinci Airports fait partie[11], et Itochu  envisagent de répondre à l’appel d’offre, pour une privatisation opérationnelle dès 2018. Les autorités municipales vont en effet organiser des enchères en 2017 afin de céder la concession de cet aéroport.

 

3.      La stratégie d’expansion des systèmes d’infrastructures à l’étranger : une initiative du Cabinet Office pour booster les investissements privés à l’étranger et mettre le savoir-faire japonais sur le devant de la scène internationale.

3.1 Le Premier Ministre Abe a annoncé l’établissement d’un « Partenariat pour les infrastructures de qualité »[12] en mai 2016[13] au sommet du G7 d’Ise Shima. Au moyen de ce partenariat, le Japon va promouvoir le développement des investissements dans les infrastructures de qualité grâce à une coopération renforcée avec d’autres pays ainsi que des organisations internationales. Le Premier Ministre Shinzo Abe a également affirmé son intention de consacrer jusqu’à 200 Mds USD, sur une période de 5 ans, aux projets d’infrastructures à l’étranger. En collaboration avec la Banque asiatique de développement, le gouvernement japonais va verser approximativement 110 Mds USD au cours des cinq prochaines années, principalement en Afrique et en Asie[14]. Parmi les mesures prévues dans le cadre du « Partenariat pour les infrastructures de qualité », une augmentation de 50% des capacités de prêts en intégrant les deux comptes de la Banque asiatique de développement (OCR  et ADF) et une augmentation à hauteur de 25% des prêts japonais ODA pour les infrastructures en Asie.

3.2 La capacité du Japon à fournir des systèmes d’infrastructures de haute qualité[15] constitue un atout important à valoriser sur les marchés émergents. La réalisation des objectifs japonais passe par un renforcement des assises financières des agences réalisant des projets d’exportations d’infrastructure, telles que la JICA et la NEXI. L’exportation d’infrastructures est en effet un des piliers de ce Plan de relance. Dans cette perspective, la « Stratégie pour l’exportation des systèmes d’infrastructures » a été établie avec pour objectif de générer 30 trillions JPY (approximativement 250 Mds EUR) grâce à l’exportation de systèmes d’infrastructures en 2020.

3.3 Les besoin en infrastructures en pays-tiers sont très importants et sources d’opportunités pour la France comme pour le Japon. Pour la sixième édition de la TICAD en Août 2016, le Premier Ministre Shinzo Abe s’est engagé à consacrer 30 Mds US$ aux investissements en Afrique, dont 10 dans le développement des infrastructures, sur une période de trois ans. Dans le secteur des infrastructures, le Japon s’est fixé plusieurs objectifs chiffrés parmi lesquels (i) l’augmentation des capacités de génération d’électricité jusqu’à 2000 MW au moyen de contrats en partenariat public-privé, notamment dans le secteur de la géothermie avec pour but de fournir en électricité 3 millions de foyers d’ici 2022, et (ii) la réalisation de schémas directeurs pour le développement urbain durable de 5 villes. Contrairement à la coopération franco-japonaise en Afrique, la coopération sur l’Asie n’est pas encadrée ou soutenue par un plan politique. A l’occasion de la réunion annuelle de la Banque Asiatique de Développement (BAD) qui s’est tenu le 5 mai 2017, le Vice-Président de la BAD a annoncé durant une conférence sur les infrastructures en Asie que le fossé existant entre les investissements actuels en Asie et les investissements nécessaires s’élevaient à hauteur de 459 Mds USD par an, en insistant sur le rôle essentiel du secteur public et privé. Les besoins des pays émergents asiatiques en infrastructures est porteur d’opportunités (demande croissante en énergie, construction de réseaux de transport…etc.), pour le secteur privé français et une occasion pour les groupes français d’exporter leur savoir-faire et technologies en Asie. A l’occasion de la réunion annuelle de la BAD, le Vice-Premier Ministre Taro Aso a également annoncé que le Japon verserait une somme de 40 M USD au profit de projets d’infrastructure de grande échelle en Asie. L’objectif de cette manœuvre est d’encourager le secteur privé japonais à augmenter ces investissements au sein des pays asiatiques.

 


[1] Doublement par rapport à l’année 2015 avec 19,75 millions de touristes

[2] « Act on Priority Plan for Infrastructure Development »

[3] Basic Plan on Transport Policy

[4] Le Plan a été réalisé en concertation avec le Conseil pour le Transport (Council of Transport Policy) et le Conseil pour le Développement des Infrastructures (Infrastructure Development Council), rattachés au MLIT.

[5] 750 000 slots (capacité des aéroports Narita et Haneda) à jour de 2015.

[6] Augmentation du ratio de bus à plancher bas à 70% d’ici 2020 (43% en 2013).

[7] Près de 311 communes dans la zone de Tokyo ont déjà été dotés de services de transports urbains renforcés, le but à l’horizon 2020 étant d’atteindre un objectif de 700 communes disposant de services améliorés.

[8] Durant l’année fiscale 2015, le MLIT a adopté 32 projets en PPP visant la reconstruction et la réhabilitation des zones sinistrées à la suite de la catastrophe de Fukushima en 2011.

[9] Council for the promotion of Private Finance Initiatives, rattaché au Cabinet Office

[10] La privatisation de l’aéroport international de Fukuoka est prévue en 2019. Le consortium composé du groupe Shangi Airport, Mitsubishi Corp., Kyushu Electric Power et Nishi-Nippon Railroad se positionne déjà pour acquérir la concession de l’aéroport.

[13] Cependant, ce Plan a été officiellement lancé par le Premier Ministre Shinzo Abe en mai 2015.

[15] Cette notion d’infrastructures de haute qualité a été mise en avant par le Japon lors des G7 de 2016, afin d’apporter une réponse pour concurrencer les offres chinoises.