Du 8 au 10 mai 2019 avait lieu à Tokyo la 12ème rencontre franco-japonaise sur le logement et la construction. Les échanges ont porté sur une grande variété de sujets : l’efficacité énergétique des bâtiments, la construction bois, les modèles numériques de bâtiments, et l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Cet évènement a permis d'accélérer et de structurer les échanges techniques entre les deux pays sur la construction bois, avec des perspectives prometteuses pour 2020/2021. Cette rencontre a également permis à la France de valoriser les activités de la Global Alliance for Building & Construction (GlobalABC) auprès des autorités japonaises.

1.      Une coopération ancienne, qui accélère sur les sujets liés au bâtiment durable, intégrant les questions environnementales et sociales

La 12ème édition du dialogue institutionnel entre la France et le Japon sur le bâtiment s’est tenue à Tokyo du 8 au 10 mai. Les réunions ont lieu tous les deux ans, depuis 1992, en alternance avec les rencontres sur la ville durable. Les délégations étaient conduites par le ministère japonais du Territoire, des Infrastructures, des Transports et du Tourisme ( MLIT) et par les ministères français de la Transition Ecologique et Solidaire (MTES) et de la Cohésion des Territoires et des Relations avec les Collectivités Territoriales (MCTRCT). Des centres techniques étaient également associés : le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et l'Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement (FCBA) côté français, et le Building Center of Japan (BCJ) et le Building Research Institute (BRI) côté japonais. Le FCBA est spécialisé sur le bois, et le BRI est un centre de recherche sous tutelle du MLIT. Le BCJ quant à lui, est une structure non lucrative autonome, spécialisée dans la certification de bâtiments. Le MLIT avait également associé diverses entreprises japonaises du secteur : YKK AP, Toto, Takenaka, Sumitomo Forestry, Sekisui House, Yamashita Sekkei, Nihon Sekkei, Daiwa House, CBL.

Participants

Dans la continuité de l’édition précédente qui avait eu lieu fin 2016 à Paris, le thème de la construction bois était un des principaux sujets. Les deux pays ont par ailleurs présenté leurs politiques en matière de logement en lien avec la démographie et les questions sociales, ainsi que les efforts menés en matière d’efficacité énergétique des bâtiments, d’utilisation des maquettes numériques (BIM – Building Information Modelling) et d’accessibilité des logements aux personnes handicapées ou âgées.

Comme ce fut le cas début 2018 lors de la rencontre ville durable, les angles choisis par les deux pays reflètent des priorités différentes. Du côté français, les questions environnementales et sociales sont centrales. Côté japonais ce sont plutôt les enjeux démographiques, de sécurité, de confort et de santé qui priment. Ainsi, si la question de l’empreinte énergie-carbone est bien présente au sein des politiques japonaises, l'introduction par le gouvernement français de règlementations strictes sur la construction de bâtiments démontre une avance importante de la France, aussi bien dans la conception des règlementations, que dans leur acceptation par les acteurs. 

ConstructionAu Japon, une des principales préoccupations mise en avant est celle de l’augmentation du nombre de logements vacants, qui a quasiment doublé en 20 ans, atteignant 8 millions d’unités sur un parc de 60 millions. En réponse, le gouvernement national et les collectivités mettent en place des mesures fiscales et de soutien financier pour encourager l’utilisation de ces logements, ce qui a permis de ralentir la croissance du nombre de logements vacants depuis 2014. Ce sujet est une des trois priorités de la politique du logement sur 10 ans, les deux autres étant le développement d’un parc de logements adaptés à différentes populations (jeunes, personnes avec jeunes enfants, personnes âgées) et la revitalisation de l’industrie du logement.

Malgré un stock de logements vacants en augmentation, le Japon ne dispose pas de politique forte sur la rénovation des habitations. Selon le MLIT, ce faible taux de rénovation s'explique par les 1 millions de constructions nouvelles sortant de terre chaque année, qui offrent un accès facile à des logements neufs, plus surs et plus performants.

En lien avec ce sujet, les délégations ont également échangé sur les situations actuelles en France et au Japon en matière d’hébergement touristique par les plateformes en ligne comme AirBnB. Les deux pays ont restreint le nombre de jours de location autorisée chaque année. Dans le même temps, le Japon cherche à promouvoir la transformation de logements vacants en capacités hôtelières, en assouplissant les règles de sécurité (incendie, évacuation…).

2.      Accélération et structuration des échanges sur la construction bois

La question de l’usage du bois était déjà à l’ordre du jour des dernières rencontres, favorisant des rapprochements, par ailleurs accélérés grâce à l’implication et la détermination d’un acteur français : le FCBA. Institut technologique spécialisé sur le bois, ce dernier a identifié le Japon comme partenaire stratégique il y a plusieurs années. En 2016, le FCBA a signé avec l’entreprise japonaise NICE Corporation un accord de coopération, dans le cadre du grand forum de l’innovation franco-japonaise. Ceci a permis de développer des projets de recherche conjoints, notamment sur le confort dans les constructions bois (en partenariat avec l’université Keio à Tokyo) et de consolider une participation japonaise importante au tout premier congrès mondial Woodrise sur les immeubles bois de grande hauteur, qui s'est déroulé à Bordeaux en septembre 2017.

Un accord technique entre le FCBA et le BRI a été discuté à partir de l’été 2018, et a pu être signé le 8 mai 2019 en marge de la rencontre. Cet accord vise à positionner le FCBA et le BRI comme « têtes de pont » pour relier les réseaux français et japonais impliqués dans la recherche et l’innovation pour l’usage du matériau bois dans les bâtiments.

Signature FCBA BRI

Signature Accord Technique FCBA-BRI

Par ailleurs, la Japan International Association for the Industry of Building and Housing (JIBH) a signalé sa volonté de rejoindre l’alliance Woodrise. La JIBH est une structure jeune, créée en 2018, qui regroupe déjà 60 membres, dont des acteurs emblématiques du secteur comme le BCJ et Sumitomo Forestry. La JIBH propose en outre d’organiser au Japon en 2021 la 3ème édition de Woodrise, après le Canada qui accueillera l’édition 2019 à Québec, du 30 septembre au 4 octobre.

3.      Echanges scientifiques et techniques : des perspectives encourageantes

BRILe service pour la science et la technologie de l’Ambassade a profité de cette séquence pour rencontrer les représentants du FCBA et du CSTB. Il leur a présenté les différents dispositifs de soutien à la coopération scientifique entre les deux pays, tels que les programmes de mobilité étudiante au niveau master et doctorat, les programmes de financement de la recherche et de mobilité des chercheurs ou encore le soutien à l’organisation de séminaires scientifiques.

Pour le FCBA, ces outils pourraient accompagner le démarrage des activités de R&D dans le domaine de la construction bois mentionnées dans le cadre de l’accord signé avec le BRI. Il a été évoqué par exemple la possibilité de démarrage d’un doctorat partagé ou encore l’organisation en 2020 d’un séminaire en vue de préparer le volet scientifique de Woodrise 2021, qui pourrait avoir lieu au Japon. Dans la continuité de la trajectoire imprimée depuis quelques années, les échanges entre le Japon et le FCBA se sont avérés très fructueux.

Quant au CSTB, les activités scientifiques avec le Japon dans le domaine de la construction existent depuis de nombreuses années : depuis les années 1980 avec le BCJ et depuis 2012 avec le BRI. L’entretien a permis de faire un point sur ces activités, d’évoquer les difficultés rencontrées (notamment autour des questions linguistiques) et d’identifier des priorités thématiques. La visite des impressionnantes installations du BRI le 10 mai a permis au CSTB d’identifier un nouveau potentiel de coopération, autour des expérimentations pour les bâtiments.

4.      Recherche d’une plus grande implication du Japon dans l’alliance GlobalABC

En complément du programme de la rencontre biennale, la délégation française du MTES-MCTRCT a souhaité profiter de sa venue à Tokyo pour faire un point avec les autorités japonaises quant à l’implication du Japon dans la GlobalABC.

Lancée lors de la COP21 par la France, fortement soutenue par quelques pays dont l’Allemagne, la Suisse, le Canada, le Mexique, le Maroc et les Emirats Arabes Unis, cette alliance vise à accélérer la transition bas carbone des bâtiments, secteur stratégique pour la réalisation de l’Accord de Paris. Le Japon est membre de la GlobalABC depuis sa création, avec 3 membres : le MLIT (représentant le gouvernement), le Tokyo Metropolitan Government (TMG) et l’entreprise Sekisui House. Cependant, le Japon demeure en retrait des évènements et discussions.

Yves-Laurent Sapoval, co-président au nom de la France de la GlobalABC, a donc  rencontré le MLIT (Policy Bureau), le ministère des Affaires Etrangères japonais (MOFA), l’agence de développement JICA et le TMG. Plusieurs propositions opérationnelles de renforcement de la participation du Japon ont été formulées, dont un projet de table ronde régionale GlobalABC en Asie (que le Japon pourrait accueillir ou co-financer, s’il le souhaite), un soutien officiel du gouvernement japonais à l’appel mondial pour l’efficacité énergétique des bâtiments (signé par la France, l’Allemagne, le Mexique et le Maroc, et qui sera mis en avant au sommet climat ONU de septembre et/ou à la COP25 au Chili), ou encore une participation au financement de l’alliance GlobalABC.

 

La semaine de rencontre s'est soldée par la visite de deux sites japonais : l'impressionnant bâtiment de l'association des coopératives japonaises du bois (Mokuzai Kaikan) à Tokyo, et le centre de recherche du BRI à Tsukuba. La prochaine session se déroulera en France en 2020.

VisiteMokuzai Kaikan

Visite du Mokuzai Kaikan à Tokyo