Une délégation japonaise (ville de Kanazawa et Ambassade du Japon) a été accueillie le 3 décembre à la Maison des projets pour une présentation sur maquette du projet Paris Rive Gauche et une visite sur site conduites par la SEMAPA. Cette visite s'inscrit dans les échanges franco-japonais sur la ville durable, animés par les Ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion des territoires, avec l'appui du service économique régional de l'Ambassade de France au Japon.

Le projet d'aménagement Paris Rive Gauche

Lancée en 1991, l’opération Paris Rive gauche est la plus grande opération d’urbanisme de la ville de Paris.

La délégation japonaise à la Maison des projets Paris Rive GaucheS'étendant sur une superficie de 130 hectares, l’opération Paris Rive Gauche s’attache à développer de nouvelles formes architecturales et une requalification urbaine sur un territoire étendu de la Bibliothèque Nationale de France au périphérique sur environ 2 kilomètres. Initialement composé de voies ferrées et d'industries, le site appartenant à la SNCF, est progressivement abandonné à partir des années 1960, en raison du déclin de l'activité économique locale. En 1988 sont lancées de premières études afin de repenser la fonction urbaine de la zone, et la ville de Paris décide de racheter les terrains afin de lancer un grand plan d'aménagement.

L’enjeu de ce projet est de construire un nouveau quartier sur les voies de la SNCF, sans arrêter le trafic. Il s’agit également d’établir une connexion entre la banlieue sud de Paris et les rives de la Seine. Un des objectifs fondamental de la ZAC est de proposer une mixité fonctionnelle et sociale, de mêler habitat et zones d’activités. Le financement du projet est assuré par la surcharge foncière. La construction d’immeubles de grande hauteur, supérieure à 50 mètres interdits auparavant à Paris, se développe. L’objectif de renforcer les mobilités se traduit par l’arrivée de la ligne 14 en 1998, puis du tramway en plus des lignes de métro 5, 6, du RER C et des bus.

Plan des fonctions Paris Rive Gauche - Source : SEMAPA

La SEMAPA (Socièté d'Economie Mixte d'Aménagement de Paris) intervient dans le cadre d’un contrat avec la ville de Paris qui lui fixe des missions : acheter les terrains, conduire les études urbaines pour implanter le projet et développer le programme.

D'un budget de l'ordre de 4,3 milliards d'euros (achat des terrains, études et construction des infrastructures et réseaux), le projet est prévu jusqu'en 2028 mais ne sera sans doute pas terminé avant 2030-2035 en raison des délais de libération des emprises SNCF. Le coût pour l'aménageur sera équilibré par la vente des terrains aménagés, à travers un mécanisme de mise en compétition des promoteurs qui doivent proposer un projet complet avec des innovations pour requestionner la ville, par exemple sur les performances environnementales mais aussi les façons d'habiter, de travailler et de développer la mixité urbaine.

Symbole de la coopération franco-japonaise, l'architecte japonais Kengo Kuma et le cabinet d'architecture français Marchi ont remporté en novembre 2018 la conception d'un immeuble associant bois, métal et végétal, dans le quartier Paris Rive Gauche, en surplomb de Station F, le plus grand incubateur de startups du monde. Le projet accueillera un hôtel et une auberge de jeunesse.

Le Japon, confronté à des défis urbains inédits

Le Japon est le premier pays du monde à être confronté à une diminution progressive de sa population, en raison du vieillissement et du faible taux de natalité. Cette crise démographique pose de nombreux défis économiques et sociaux, et contraint également le gouvernement et les villes à repenser l'urbanisme.

Une des principales mesures mises en place par le Ministère japonais des territoires, des infrastructures et des transports (MLIT) est la politique "Compact City", qui consiste à réorganiser l'espace urbain en concentrant la population et les services dans des zones limitées. Sur le plan opérationnel, ceci nécessite de modifier la fonction de certaines zones, de réinventer la ville sur la ville, et de développer la mixité des fonctions. Autant de défis qui sont également au coeur du projet Paris Rive Gauche.

La ville de Kanazawa fait partie des villes engagées dans une démarche Compact City. En janvier 2018, une délégation française du Ministère de la transition écologique et solidaire et du Ministère de la cohésion des territoires l'a visitée, accompagnée du MLIT, dans le cadre de la cinquième rencontre biennale franco-japonaise sur la ville durable. Invitée à cette occasion à venir visiter une opération d'aménagement en France, la ville de Kanazawa a profité de sa venue en France dans le cadre de la célébration du 45ème anniversaire de son jumelage avec Nancy pour visiter la plus grande opération d'aménagement de Paris.

ODD11Si les motivations sont différentes, de nombreux pays et villes dans le monde sont confrontés à la problématique de la réinvention de la ville sous des formes plus compactes, que ce soit pour des raisons sociales, économiques ou environnementales - plus souvent, pour un ensemble de ces raisons. Ces nouveaux modèles urbains, encore en émergence, constituent un des moyens de contribuer à l'atteinte de l'Objectif n°11 de l'Agenda 2030 de l'ONU, "Villes et communautés durables". Les échanges internationaux en la matière sont donc essentiels, en particulier entre pays déjà engagés dans de telles politiques de recomposition de villes existantes.

Ville durable : un cadre d'échange riche entre la France et le Japon

Les ministères français et japonais en charge de l'aménagement, de la construction et des transports entretiennent des échanges réguliers dans le domaine de la ville durable (cinquième rencontre en 2018 au Japon) et de la construction (prochaine réunion au premier semestre 2019 au Japon, avec notamment un focus sur la construction bois). Un nouveau cadre de coopération est également en préparation sur le thème de la mobilité, un volet essentiel du développement de villes durables.

Au niveau des collectivités locales, Grenoble Alpes Métropole a été sélectionnée en 2018 par l'Union Européenne comme partenaire de la ville japonaise de Toyota, pour des échanges sur les politiques d'aménagement urbain durable dans le cadre du programme européen International Urban Cooperation (IUC). Lyon et Yokohama, qui célèbreront en 2019 le 60ème anniversaire de leur jumelage, pourraient renforcer leurs échanges dans le domaine de la ville durable et intelligente. Les capitales française et japonaise entretiennent également des échanges sur les politiques urbaines pour l'environnement : Paris et Tokyo sont très impliquées dans le réseau C40 Cities, et les questions environnementales étaient au programme de la rencontre entre la Maire Anne Hidalgo et la Gouverneure Yuriko Koike en novembre 2018 à Paris. En outre, les liens entre développement durable et jeux olympiques se renforcent - le Comité International Olympique et C40 Cities ont ainsi signé en 2018 un accord de coopération, à travers lequel Tokyo 2020, Paris 2024 et Los Angeles 2028 devront permettre d'accélérer la transition des villes vers l'atteinte des Objectifs de Développement Durable de l'Agenda 2030 de l'ONU.

Les entreprises sont également impliquées dans ces échanges. Toshiba a par exemple réalisé le projet smart city Lyon Confluence, avec l'appui de l'agence publique japonaise NEDO. Au Japon, les entreprises françaises participent à la transition écologique des villes de l'archipel - Veolia par exemple est très impliquée sur l'eau et l'assainissement depuis une vingtaine d'années, MC Decaux (filiale de JC Decaux et Mitsubishi) contribue à l'amélioration des services de bus à Tokyo et dans d'autres villes, et plusieurs entreprises françaises sont impliquées dans la production d'énergies renouvelables, au bénéfice de l'ensemble des territoires - notamment urbains qui rassemblent l'immense majorité de la population japonaise. En novembre, la ville de Yokohama a accueilli une délégation de PME françaises, conduite par Business France, pour une visite d'installations d'énergies renouvelables, hydrogène et bâtiment intelligent.

Enfin, les universités et entités de recherche s’inscrivent également dans cette perspective d’échanges. Les 3-4 décembre, une délégation de chercheurs de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées s’est rendue à l’Université de Tokyo pour initier des discussions autour des thématiques de l’aménagement urbain et de la ville durable, en particulier sur les questions de gestion des eaux urbaines, qualité de l’air et gestion des risques. Divers moyens de collaborations ont été évoqués : échange d’étudiants entre laboratoires, mise à disposition d’équipements d’expérimentation à grande échelle ou encore échange de modèles de simulation pour travailler sur des projets communs. Par ailleurs, à l’occasion de sa « semaine internationale de recherche », une quinzaine de chercheurs et étudiants de l’École Urbaine de Lyon  s'est rendue au Japon pour rencontrer ses homologues de plusieurs universités et sur diverses thématiques : « Smart City » (Université de Tokyo), « Le vocabulaire de la vulnérabilité » (Maison franco-japonaise), « Tokyo, ville Olympique » (Maison franco-japonaise), « La gestion du risque naturel et technologique » (Université de Tohoku), et « L’environnement urbain contemporain » (Tokyo Tech).