Pourquoi Dubaï relance sa bourse - Brèves économiques - 29 octobre au 4 novembre 2021
Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.
Edito - Pourquoi Dubaï relance sa bourse
On ne connaît ni le calendrier ni les sociétés concernées mais le message est clair. Dubaï veut reprendre la main dans la compétition entre les bourses de la région. Le Vice-émir, Sheikh Maktoum bin Mohammed Al Maktoum, qui vient d’être nommé vice premier ministre et ministre des Finances des Emirats arabes unis, a décidé d’introduire sur le DFM, la Bourse de Dubaï, dix entreprises publiques. L’objectif : porter sa capitalisation à 817 Md USD (3 000 Md AED) contre 111 Md USD actuellement. Un fonds de 2 Md AED va être créé pour soutenir ces opérations et un autre fonds d’1 Md AED servira à soutenir l’introduction de valeurs technologiques. Ces annonces ont été suivies hier par un remaniement du conseil d’administration de la bourse : cinq des sept membres ont été remplacés. En parallèle, Dubai Electricity and Water Authority a manifesté son intérêt pour une cotation qui pourrait valoriser l’opérateur à 25 Md USD.
Depuis plusieurs années, Dubaï est en perte de vitesse. Les volumes d’échanges sur le marché de capitaux sont en baisse. Il n’y a eu qu’une seule IPO depuis 2017, pour trois sorties (DP World, Emaar Mall et DXB Entertainment) lesquelles ont eu lieu avec des décotes notables par rapport aux prix d’introduction (-36% du DP World, -92% pour DXB Entertainment).
En parallèle, deux autres bourses sont montées en puissance. A Riyad, le Tadawul, est devenu depuis 2019 le marché avec la capitalisation la plus élevée de la région, environ 2 790 Md USD (plus que le CAC40) grâce à l’introduction d’Aramco. A Abu Dhabi, ADX a profité du redéploiement des actifs de la famille royale (notamment entre le Royal Group et IHC, contrôlés par Sheikh Tahnoon) et de l’optimisation des actifs publics de l’Emirat au sein d'Adnoc et de la holding ADQ (elle-aussi présidée par Sheikh Tahnoon) qui ont donné lieu à de nombreuses introductions en Bourse. Sa capitalisation boursière atteint 397 Md USD, 3,6 fois plus que celle de Dubaï. Tadawul et ADX font également l’actualité cette semaine : la première a annoncé sa propre introduction en bourse et la seconde, l’ouverture d’un marché de dérivés.
Les places de la région bénéficient d’une forte demande internationale. Les liquidités restent abondantes, le pétrole est en hausse, la pandémie est sous contrôle et l’ancrage au dollar offre un cadre attractif. En septembre, une filiale de Saudi Telecom a attiré un carnet d’ordres de 126 Md USD pour une levée de 966 M USD seulement. Pas question pour Dubaï de passer à côté.
Graphique de la semaine - Capitalisation des bourses du CCEAG (Md USD)
La bourse de Riyad, le Tadawul, a la capitalisation boursière la plus élevée de la région (2 788 Md USD), suivie par Abu Dhabi Securities Exchange (ADX) avec 397 Md USD.
Source : Données au 03/11/2021. KAMCO Invest, SER d'Abu Dhabi
Brèves économiques
Brèves régionales
- L'activité hors-hydrocarbures grimpe dans le CCEAG. Durant le mois d'octobre 2021, les indices PMI de l'Arabie saoudite, des EAU et du Qatar se sont établis à respectivement 57,7 (contre 58,6 en septembre), 55,7 (contre 53,3) et 62,2 (contre 60,6), la limite marquant la contraction de l'activité étant 50. C'est le niveau le plus haut atteint par les EAU depuis juin 2019, où l'activité est soutenue par l'Expo2020 à Dubaï.
Arabie saoudite
- La bourse saoudienne Tadawul a obtenu l'accord de l'Autorité des marchés financiers pour introduire en bourse 36 millions d'actions, soit 30% de son capital. L'opération pourrait valoriser Tadawul entre 3 et 4 Md USD. Prévue depuis 2016, l'IPO devrait être l'une des plus importantes depuis celle d'Euronext en 2014. Une première étape avait été réalisée en avril 2021 avec la restructuration du groupe en quatre entités (la bourse Tadawul, une chambre de compensation, une chambre de dépôt et une filiale spécialisée dans les technologies).
- Selon le ministre des Finances, Mohammed al Jadaan, la TVA ne devrait pas être diminuée à court terme. L'abaissement du taux (actuellement à 15%) pourra être envisagé uniquement après plusieurs années et après l'amélioration de la situation budgétaire du pays. Pour mémoire, l'Arabie saoudite avait triplé sa TVA de 5 à 15% en mai 2020 pour faire face à la dégradation de la situation économique liée à la pandémie. Le troisième trimestre 2021 a enregistré un excédent budgétaire pour la première fois depuis 2019, à 6,7 Md SAR (1,8 Md USD). Le FMI estime toutefois que le déficit budgétaire s'élèvera à 4,2% du PIB en 2021. Au T3 2021, les finances publiques ont été fortement soutenues par la hausse des cours du pétrole: les revenus tirés des hydrocarbures ont augmenté de 60% en g.a pour atteindre 147,9 Md SAR (39 Md USD).
- 44 sociétés étrangères, dont de nombreuses basées à Dubaï, ont reçu des licences de la part des autorités saoudiennes pour établir leur siège régional à Riyad. DWF Group, Unilever, Baker Hughes et Siemens figurent parmi les sociétés citées, qui s'ajoutent aux premières 24 entreprises (dont PespiCo, Deloitte, PwC, etc.) qui avaient annoncé plus tôt dans l'année leur installation dans la capitale saoudienne. En février 2021, les autorités saoudiennes ont annoncé qu'à compter de 2024, les agences, institutions et entreprises publiques saoudiennes n’octroieraient plus de contrats à des entreprises internationales n'ayant pas établi de siège régional en Arabie saoudite. L'Arabie saoudite prévoit d'attirer 480 sièges régionaux de multinationales pour établir leur siège régional au cours de la prochaine décennie.
- Sur les neufs premiers mois de l'année 2021, plus de 200 000 saoudiens auraient rejoint le secteur privé, dont 120 000 femmes. La politique de nationalisation est soutenue par le Human Resources Development Fund (HADAF) en offrant des formations, un accès aux offres d'emplois ainsi qu'une aide financière à de nombreux jeunes saoudiens recherchant un emploi.
Bahreïn
- Bahreïn a dévoilé son plan de croissance pour les prochaines années. Le Royaume prévoit d'investir 30 Md USD afin de stimuler l'activité, d'augmenter l'emploi des nationaux et d'attirer davantage d'IDE. Comme annoncé il y a quelques semaines, un doublement de la TVA (actuellement à 5%) est prévu.Le pays vise l'équilibre budgétaire d'ici à 2024 (initialement prévu pour 2022). Pour mémoire, Bahreïn n'a pas enregistré d'excédent budgétaire depuis 2008 et le FMI estime que le déficit budgétaire atteindra 8% en 2021, après 18% en 2020 (soit le taux le plus élevé du CCEAG). Le Royaume cherche également à attirer 2,5 Md USD d'IDE d'ici à 2023 (le flux d'IDE entrants s'élevait à 1,5 Md USD en 2019). 20 000 emplois pour les nationaux devraient être créer annuellement jusqu'à 2024. Enfin, de nouvelles réformes dans les secteurs stratégiques (tourisme, la logistique, les services financiers, les télécommunications, l'informatique/l'économie numérique et le secteur manufacturier) devraient accroître la contribution du secteur hors-hydrocarbures à l'économie (+5% annuellement à partir de 2022).
- La banque d'investissement islamique GFH Financial Group a acquis, en partenariat avec la société d'investissement américaine Preylock Holdings et d'autres investisseurs internationaux, 14 centres de distributions d'Amazon, situés aux Etats-Unis, dont la valeur dépasse 2 Md USD. Ces dernières années, GFH a investi fortement dans le secteur de la logistique aux Etats-Unis et en Europe, avec un portefeuille s'élevant à 1 Md USD. Cet investissement intervient deux ans après que Amazon a ouvert un centre de données à Bahreïn.
Emirats arabes unis
- Dubaï prévoit d’introduire dix entreprises publiques sur sa bourse Dubai Financial Market (DFM) – qui n’a pas enregistré d’IPO depuis 2017 - afin d’atteindre un objectif de capitalisation boursière de 3 000 Md AED (817 Md USD). L’autorité publique en charge de la distribution de l’eau et de l’électicité dans l’émirat devrait être la première concernée. Afin de soutenir le marché et améliorer sa liquidité, un fonds teneur de marché « market maker » de 2 Md AED (545 M USD) et un autre fonds de 1 Md AED (270 M USD) avec pour mission de soutenir les entreprises tech lors de leur introduction en bourse vont être créés.
- DP World a signé un accord avec le fonds public d'investissement indonésien créé il y a moins d'un an, Indonesia Investment Authority (IAI) afin de créer une coentreprise chargée d'investir dans les infrastructures logistiques et portuaires du pays pour 7,5 Md USD. DP World avait investi pendant ving ans en Indonésie avant de se retirer du pays en 2019. L'annonce de son retour est intervenue à quelques jours d'intervalle avec la visite du président indonésien, Joko Widodo, à Abu Dhabi, le 3 novembre. En mars dernier, l'exploitant portuaire dubaïote avait signé un accord similaire avec le conglomérat indonésien Maspion Group.
- Les EAU vont contribuer à hauteur de 1 Md USD à la Mission d'innovation agricole pour le climat (AIM for Climate) lancée conjointement avec les Etats-Unis. Une trentaine de pays supporte le programme AIM - doté désormais de 4 Md USD - qui vise à soutenir l'innovation et la recherche & développement dans le secteur agricole en faveur de la lutte contre le changement climatique. Les EAU vont également contribuer à la plateforme de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à hauteur de 400 M USD via l'Abu Dhabi Fund for Development. La plateforme aspire à lever 1 Md USD pour accélérer la mise en œuvre de projets et générer 1,5 gigawatt d'énergie renouvelable d'ici à 2030.
Koweït
- La presse s’est fait l’écho des négociations que Jazeera Airways mène actuellement avec Airbus d’une part et Boeing de l’autre dans le but d’acquérir trente appareils pour une valeur de 2 Md USD. Al Jazeera Airways opère actuellement dix-sept appareils (tous Airbus) exclusivement sur un modèle de location.
- Selon l’ONG Kuwait Society for Human Rights, 253 000 expatriés ont quitté le Koweït entre juin 2020 et juin 2021. Le Koweït fait de la nationalisation de ses emplois une priorité. Plusieurs mesures ont été adoptées en ce sens dont la hausse des frais de visa de travail des expatriés et l'obligation que plusieurs postes gouvernementaux (soutien administratif, médias, technologies de l'information) soient occupés par des koweitiens.
- L’Ambassade d’Irak au Koweït a déclaré que l’Irak avait versé 490 M USD au Koweït dans le cadre des compensations qu’elle lui doit suite à l’invasion irakienne de 1990. L’Irak doit encore régler environ 629 M USD de dommages. L'Irak a déjà payé environ 50 Md USD de réparations sur les trois dernières décennies.
- Kuwait Petroleum Corporation (KPC) et UN-Habitat ont signé un accord de coopération dans lequel l’agence onusienne s’engage à accompagner l’entreprise pétrolière dans la réalisation de projets pétroliers prenant en compte les enjeux environnementaux
Oman
- Les exportations omanaises de pétrole ont enregistré une baisse de -1,7% sur les neufs premiers mois de l’année 2021 en g.a., à 211 millions de barils, en raison notamment d’une baisse de la demande chinoise (-8,2% en g.a. pour atteindre 175 millions de barils) selon le Centre national pour les statistiques et l’information (NCSI). Ses exportations à destination de l'Inde ont quant à elles augmenté fortement (+153% en g.a.) à 22 millions de barils.
- Développé et exploité par une co-entreprise entre la compagnie pétrolière publique OQ et Kuwait Petroleum International, le projet de raffinerie de Duqm (capacité de 230 000 barils par jour), estimé à 7 Md USD, pourrait finalement n’être opérationnel qu’au premier trimestre 2023 selon Yousef bin Mohammad al Jahdami, directeur du projet.
- Airbus Helicopters a livré un appareil H145 à cinq pales à Al Sharqiya Aviation (ASA), opérateur d’hélicoptères en Oman, via la société de leasing Milestone Aviation. Cet appareil sera utilisé au Sultanat dans le cadre de missions de transport de passagers et de services médicaux d’urgences, à terre et en mer.
Qatar
- Le Premier Ministre qatarien a dévoilé jeudi la Stratégie Nationale du Qatar pour l’environnement et le changement climatique, à quelques jours du lancement de la COP26 à Glasgow. Cette dernière prévoit de réduire de 60% l’extraction d’eau souterraine, de fermer les décharges insalubres et d’améliorer de 50% la productivité des terres cultivées. Elle inclut également l’élaboration d’une feuille de route visant la réduction de 25% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Pour rappel, le remaniement ministériel du 19 octobre avait conduit à la création d’un Ministère de plein exercice dédié à l’Environnement et au changement climatique. Par ailleurs, QatarEnergy (ex-QatarPetroleum) travaille actuellement à l’élaboration d’un cadre ESG ouvrant la voie à l’émission d’obligations vertes (green bonds) à hauteur de plusieurs milliard de dollars. Si ce projet aboutit, il s’agirait de la première vente d’obligations vertes par une compagnie pétro-gazière nationale du Golfe.
- Accor a remporté un contrat majeur relatif à l’accueil des supporters pendant la Coupe du Monde 2022. Le groupe hôtelier (dont le fonds souverain Qatar Investment Authority constitue 11,3% de l’actionnariat) assurera la gestion des appartements et villas qui hébergeront les fans et fournira le personnel et les services nécessaires, jusqu’à la fin de l’année 2022. Accor exploitera en tout plus de 60 000 lits lors de la Coupe du Monde, pour laquelle le Qatar attend 1,2 M de visiteurs. Le contrat a été signé le 28 octobre à Doha par le PDG d’Accor Sébastien Bazin, le Président du Bureau des Opérations du Supreme Committee et le Directeur général de Katara Hospitality, en présence du Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur qatarien Cheikh Khalid ben Khalifa Al Thani, du Ministre des Finances et Président de Katara Hospitality Ali Al Kuwari et du Secrétaire général du Supreme Committee Hassan Al Thawadi.
- Le Qatar prévoit de lancer un fonds en partenariat avec Rolls-Royce, visant à investir plusieurs milliards de dollars dans de nouveaux projets d’ingénierie verte au Royaume-Uni. Le projet implique la construction d’un campus de science et d’ingénierie au nord de l’Angleterre, qui hébergea des start-ups spécialisées dans les technologies vertes, et d’un autre campus au Qatar, générant à eux deux environ 1000 emplois. Qatar Foundation financera le développement des deux sites et leurs opérations sur vingt ans, tandis que Rolls-Royce apportera ses ressources et son savoir-faire dans les technologies de pointe, et prendra des parts dans certains projets. Le fonds ambitionne de créer cinq licornes d’ici 2030, et vingt d’ici 2040.
- L’agence de notation Fitch a placé sous surveillance (Rating Watch Negative) les principales banques qatariennes (Qatar National Bank, Commercial Bank, Qatar Islamic Bank, Doha Bank, Al Khalij, Dukhan Bank…), ouvrant la voie à une possible dégradation de leurs notations. Cela traduit une préoccupation de Fitch liée à la dépendance croissante du secteur bancaire qatarien aux financements externes et à la croissance rapide des actifs, qui pourraient avoir « affaibli modérément » la faculté des autorités qatariennes à soutenir les banques. Fitch faisait ainsi état de financements étrangers s’élevant à 193 Md USD fin août, et représentant 48% du passif du secteur bancaire qatarien (dix points de plus qu’en 2018).
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