Neutralité carbone - Brèves économiques - 21 au 28 octobre 2021

Edito - De la neutralité carbone à l'économie circulaire du carbone

En l’espace de quelques semaines, trois Etats du Golfe se sont engagés à atteindre la neutralité carbone. Début octobre, à l’Expo2020, le gouvernement émirien a annoncé vouloir atteindre le « net zero » en 2050. Cette semaine, ce sont l’Arabie saoudite et Bahreïn qui ont officialisé cet objectif, à l’horizon 2060 pour leurs parts. 

Ces engagements, s’ils se concrétisent, annoncent un virage majeur. Les pays de la région sont en effet parmi les principaux émetteurs de CO2 au monde quand on ramène leurs émissions à leur population : de 14 t de CO2 / an par personne en Oman, au 18ème rang mondial, à 39 t au Qatar au premier rang. 

Chaque pays a détaillé des propositions concrètes pour atteindre la neutralité. Les Emirats vont investir 160 Md USD dans les énergies renouvelables avec pour objectif de générer 15 GW d’électricité décarbonée en 2030.  Adnoc, la compagnie pétrolière d’Abu Dhabi, s’est engagé à utiliser 100 % d’électricité provenant du nucléaire et du solaire pour alimenter ses installations. L’Arabie saoudite a également annoncé des investissements de l’ordre de 187 Md USD dans l’économie verte. Ces investissements serviront notamment à planter 450 millions d’arbres d’ici 2030, et dix milliards d’arbres d’ici 20 ans. Bahreïn mise sur les technologies de captation du carbone et sur la reforestation. 

A l’approche de la COP26 qui débutera à Glasgow ce dimanche, les pays de la région alignent leurs objectifs sur celles des grandes économies en matière de neutralité carbone. Ils le font toutefois avec une approche différente. Le prince héritier saoudien en a défini le concept à l’occasion du forum de la Saudi Green Initiative, qui s’est tenu en début de semaine : l’économie circulaire du carbone. 

Pour Riyad, comme pour ses voisins, les hydrocarbures ont une place centrale à jouer dans le verdissement de l’économie. Non seulement, ils sont nécessaires pour compléter les énergies intermittentes, mais ils sont surtout indispensables pour financer une transition qui va être coûteuse. A l’échelle globale, les compagnies pétrolières du golfe savent aussi que la demande en hydrocarbures va rester forte dans les pays émergents qui cherchent à développer leurs économies avant de les verdir. 

60 % des besoins énergétiques dans le monde sont comblés par des hydrocarbures selon le CEO d’ADNOC Sultan Al Jaber. Abandonner le pétrole et le gaz, commentait en juin le ministre saoudien de l’énergie le Prince Abdulaziz Bin Salman, c’est croire à « La La Land ».  

Graphique de la semaine - Emission de CO2 par personne (tonnes) en 2019

Les pays du CCEAG font partie des plus grands émetteurs de CO2, mesuré par habitant. Le Qatar arrive en première position mondiale avec 39 tCO₂ émis par habitant en 2019.

Source : Global Carbon Atlas

Brèves économiques 

Brèves régionales

• Le FMI a publié son analyse économique régionale semestrielle dans laquelle il anticipe un rebond de la croissance à 2,5% pour le CCEAG en 2021 puis 4,2% en 2022 après une récession à 4,8% en 2020. La reprise de l'activité économique dans le CCEAG est essentiellement soutenue par la hausse des cours des hydrocarbures et une couverture vaccinale élevée. Les pays de la zone ont tous vacciné au moins 40% de leur population et devraient dépasser la barre des 70% à la fin de l'année. Toutefois, le Fonds a souligné que l'année 2020 a enregistré le taux de chômage le plus élevé de l'histoire du CCEAG, à 5,4% (+3 points en g.a.).

Arabie saoudite

• L'Arabie saoudite s'engage pour la neutralité carbone d'ici à 2060. Reconnaissant l’ampleur des défis climatiques et ses conséquences sur l’environnement dans la région, l’Arabie saoudite s’est engagée à mettre en œuvre un programme ambitieux pour la lutte contre le changement climatique. A la veille de la COP 26, le prince héritier Mohammed bin Salman a déclaré que le royaume saoudien a fixé des objectifs clairs devant être atteints d’ici 2030 afin de respecter l’Accord de Paris. Le prince héritier a déclaré que l'Arabie saoudite visait à réduire ses émissions de carbone de 278 millions de tonnes par an d'ici 2030. Pour y parvenir, l’Arabie saoudite a de nouveau insisté sur le concept d’économie circulaire du carbone – Circular Carbon Economy (CCE). Dans le même temps, le pays s’engage pour la protection de l’environnement et prévoit de planter 450 millions d'arbres et de réhabiliter 8 millions d'hectares de terres dégradées d'ici 2030. Cette mesure doit permettre la réduction 200 millions de tonnes d'émissions de carbone. L’objectif final est de parvenir à planter 10 milliard d’arbres au cours des deux prochaines décennies en Arabie et 40 milliard au niveau de la région. La série d'initiatives annoncées représente plus de 160 Md EUR (700 Md SAR) d’investissements en faveur de la croissance de l'économie verte. Le forum Saudi Green Initiative, durant lequel le prince héritier a fait ces annonces, s’est tenu le 23 octobre 2021 à Riyad, réunissant des intervenants internationaux issus de la sphère publique et du monde des affaires. 
• La cinquième édition du Future Investment Initiative (FII), surnommé le Davos du désert, s'est tenue à Riyadh du 25 au 28 octobre sur le thème “Investir dans l'humanité”, discutant des investissements dans l'intelligence artificielle, l'éducation, la durabilité et la santé. A cette occasion, le ministre délégué en charge du commerce extérieur et de l'attractivité, Franck Riester, s'est rendu en Arabie saoudite.

Bahreïn 

• Bahreïn vise la neutralité carbone d'ici 2060. Le Royaume prévoit d'adopter une stratégie d'économie circulaire du carbone afin d'atteindre son objectif zéro émission. Bahreïn fait partie des plus gros émetteurs au monde (au 7ème rang) avec 21 tCO₂ par habitant en 2019.
• Bahreïn aspire à ce que le tourisme représente 11,4% de son PIB d'ici à 2026. Selon le ministre du tourisme, qui a présenté cet objectif, le secteur a contribué  à hauteur de 6,8% dans le PIB en 2019. Le pays entend compter sur le tourisme d'affaire avec l'organisation de conférences et expositions.

Emirats arabes unis   

• L’un des principaux fabricants de semi-conducteurs au monde, GlobalFoundries, détenu par le fonds souverain d’Abu Dhabi Mubadala, a été introduit en bourse. Le prix de l'action avait été fixé à 47 USD, lui permettant de lever 2,6 Md USD. Mubadala continuera de détenir une part substantielle de l’entreprise (89,4%) suite à l’entrée en bourse. L'opération intervient en période de pénurie mondiale de puces électroniques.
• ADNOC, la compagnie pétrolière de l'émirat d'Abu Dhabi, approvisionnera ses installations avec de l'énergie 100% nucléaire et solaire. La compagnie pétrolière a signé un partenariat en ce sens avec EWEC, l'entité de distribution d'eau et d'électricité d'Abu Dhabi. 
• DP World, le quatrième manutentionnaire portuaire mondial basé à Dubaï, a traité un volume de 58,4 M d'EVP (équivalent vingt pieds) dans l'ensemble de ses terminaux au cours des neuf premiers mois de 2021 (+11,9 % en glissement annuel), dont 19,8 M au cours du troisième trimestre 2021. 3,4 M d'EVP ont été traités par DP World depuis le port de Jebel Ali au cours du T3 2021, en hausse de +0,6% en glissement annuel. 

Koweït

• Le FMI a publié ses remarques préliminaires à l’issue de sa mission Article IV au Koweït. Le fonds recommande au Koweït de recourir à un ajustement fiscal solide en votant notamment la loi d’endettement. Pour mémoire, depuis 2017, le gouvernement n’est plus en mesure d’émettre de la dette en l’absence de base légale et a de plus en plus de difficultés à trouver des liquidités pour financer son déficit. Le FMI souligne en outre la nécessité de mettre en place un plan de réforme économique portant en particulier sur les subventions sociales, le marché du travail, l’allocation des terrains immobiliers et l’environnement du travail afin de promouvoir la croissance du secteur privé. La nécessité de rationaliser les dépenses publiques et de réguler les subventions sociales sont également des points sur lesquels a insisté l’Emir cette semaine dans son discours à l’occasion du lancement de l’année parlementaire. Il a souligné la détermination du gouvernement à mettre en place ces réformes économiques et sur le fait que ces dernières ne toucheront pas les citoyens aux revenus modestes. Les subventions sociales représentent près de 17% du total des dépenses de l’Etat koweïtien, soit la plus grande proportion parmi les pays du CCEAG.
• Selon le rapport de la compagnie pétrolière du Koweït, Kuwait Oil Company (KOC) pour l’année fiscale mars 2020 – mars 2021, la capacité de production de pétrole brut de la compagnie est de 2,63 M de barils par jour, ce qui marque une diminution de 177 000 b/j par rapport à l’année précédente. Ce niveau, le plus bas jamais atteint en 12 ans, est loin de l’objectif des 3,10 Mb/j que la compagnie s’était fixée pour 2020. La capacité de production de KOC constitue l’essentiel de la capacité de production du Koweït (le seul autre apport provient du champ pétrolier partagé avec l’Arabie Saoudite dont le Koweït peut extraire environ 85 000 b/j).  La semaine dernière, le Ministre du pétrole a déclaré qu’il souhaitait que la capacité de production du Koweït parvienne à 3,5 Mb/j en 2025 et 4 Mb/j en 2035.
• La National Bank of Kuwait a réalisé un bénéfice net de 844.8 M$ sur les neuf premiers mois de 2021. NBK est la plus grande banque du pays en terme d'actifs avec un total de 107,8 Md USD, une augmentation de 7% en glissement annuel. Elle se classe en 7ème position parmi les banques du CCEAG.

Oman

• L’inflation a progressé de +2,5% en septembre 2021 en g.a, selon les données du Centre national des statistiques et de l'information (NCSI). Cette dernière a cependant baissé de -0,1% par rapport au mois précédent. Dans le détail, cette hausse générale des prix en glissement annuel a été principalement alimentée par l’augmentation du prix des transports (+8,2%) et des biens et services (+3,3%).
• Bank Muscat - principale banque du Sultanat -, National Bank of Oman et Sohar International ont signé des MoU de coopération avec l’agence de crédit export saoudienne Saoudi Export-Import Bank. Cette démarche s'inscrit dans une volonté conjointe de renforcer la relation économique bilatérale. Dans le détail, ces accords de coopération prévoient des programmes de formation (analyse des risques, gestion des prêts, etc.) et des discussions sur certaines garanties de financement pour les clients omanais. Cet accord intervient peu de temps après la visite du Sultan en Arabie saoudite en juillet, marquant sa première visite officielle depuis sa prise de fonction.
• Air France a inauguré sa nouvelle liaison Paris-Oman avec un premier vol le 24 octobre. Dans le détail, trois vols hebdomadaires sont prévus les lundi, mercredi et jeudi et la ligne sera opérée avec des appareils Boeing 787-9 Dreamliner de 279 sièges. Pour mémoire, près de 70 000 touristes français ont visité le Sultanat en 2019.
• Duqm Hongtong, usine chinoise d’une superficie de 60 000 m² spécialisée dans la fabrication de tuyaux en polyéthylène, a démarré ses activités dans le parc industriel sino-omanais (Sino-Omani Industrial Park) de la zone économique spéciale de Duqm. La capacité de production annuelle de Duqm Hongtong serait de près de 700 km de tuyaux en polyéthylène destinés à la collecte et au transfert d’hydrocarbures.

Qatar 

• La balance commerciale de marchandises a affiché un excédent de 5,3 Md USD en septembre 2021, soit un résultat en hausse de +199% en glissement annuel. Les exportations totales ont augmenté de +108% sur la même période (7,7 Md USD). Les importations ont, elles, augmenté de +26% (2,4 Md USD). Sur les neuf premiers mois de l’année, la balance commerciale affiche un excédent de 39,7 Md USD, soit un résultat en hausse de +110% en glissement annuel. L'excédent a été largement supporté par la hausse des cours du gaz naturel, le secteur représentant 47% du PIB.
• D’après les chiffres publiés par la Banque Centrale du Qatar (QCB), le Real Estate Price Index (qui mesure l'évolution des prix sur le marché immobilier) a augmenté de +3% à la fin du troisième trimestre 2021 en glissement annuel. Le mois de juin 2021 avait marqué la première hausse des prix (+1%) en g.a. depuis juin 2019.
• Qatar Energy (ex-Qatar Petroleum) a signé un accord avec la société pétro-gazière américaine ExxonMobil. Suite à ce partenariat, la compagnie qatarienne prend une participation de 40% dans la licence d’exploration d’un des principaux projets offshore d’Exxon au Canada.
• La compagnie qatarienne de transport de gaz Nakilat et le groupe turc Karpowership ont signé un mémoire d’entente pour établir une coentreprise visant à détenir et opérer conjointement des unités flottantes de stockage et de regazéification (FSRU, Floating Storage Regasification Units). Ce partenariat poursuit l'ambition de Nakilat de diversifier son portefeuille et renforcer sa position dans le secteur du transport de l'énergie.
• Qatar Energy (ex-Qatar Petroleum) et H2Korea (Hydrogen Convergence Alliance, organisme consultatif sud-coréen créé en 2017 par le gouvernement pour promouvoir l’hydrogène) ont signé le 25 octobre un accord de coopération dans le domaine de l’hydrogène. Cet accord vise à encourager l’expansion de l’industrie et à soutenir les efforts dans les enceintes multilatérales pour accélérer le recours aux technologies liées à l’hydrogène. Il a été signé en présence du Ministre qatarien de l’énergie et PDG de QatarEnergy Saad Al-Kaabi et du Ministre sud-coréen du Commerce, de l’Industrie et de l’Énergie.

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