Le Japon mise fortement sur l’utilisation de l’hydrogène comme nouveau vecteur énergétique pour la sécurisation de son approvisionnement énergétique, la réduction de ses émissions de CO2 et son développement économique et industriel. Le gouvernement a ainsi adopté en 2017 sa « stratégie fondamentale de l’hydrogène », qui présente sa vision à l’horizon 2050 et son plan d’action pour 2030, puis établi en mars 2019 une feuille de route précisant les actions concrètes. Le Japon cherche à se positionner comme leader international de la future « société hydrogène ».

Une stratégie nationale amorcée dès 2014 et régulièrement actualisée

Station hydrogène au Japon - Source : METI/IwataniFace à un quadruple enjeu énergétique (« 3E+S » pour Energy security, Economic Efficiency, Environment + Safety), le Japon a fait de l’hydrogène une priorité et se veut pionnier d’un déploiement à grande échelle. L’hydrogène-énergie pourrait en effet permettre de contribuer à un approvisionnement en énergie stable et au déploiement des renouvelables dans le pays, tout en réduisant ses émissions de CO2 et promouvant une filière industrielle touchant de nombreux secteurs.

Après des programmes initiés dès les années 1970 (cf. Historique de l'hydrogène au Japon), le Japon a adopté une première feuille de route nationale pour l’hydrogène en 2014 puis en 2017 une stratégie fondamentale de l’hydrogène à l’horizon 2050 visant une chaîne d’approvisionnement internationale, le développement des technologies de production et l’abaissement des coûts. Une nouvelle feuille de route pour la stratégie hydrogène et les piles à combustible a été établie en mars 2019 (cf. Feuille de route (2019) du Japon pour l'hydrogène). Cette dernière précise les actions pour atteindre les objectifs de la stratégie fondamentale (cf. Stratégie fondamentale (2017) pour l'hydrogène). Reflétant le Tokyo Statement adopté à l’occasion de la première réunion ministérielle internationale sur l’hydrogène organisée par le Japon en 2018, la feuille de route porte sur l’établissement d’une chaîne d’approvisionnement stable, la diversification des usages (mobilité, production d’électricité, industrie, résidentiel) et la réalisation d’une société hydrogène mondiale.

Cible : un hydrogène à bas coût pour des usages mobiles, résidentiels et industriels

Le Japon cherche à agir sur l’ensemble du cycle de vie de l’hydrogène : production, stockage, transport, utilisation. Il envisage ainsi une production à moindre coût en ayant recours aux ressources étrangères, parmi lesquelles le lignite – une approche qui semble contradictoire avec la mise en avant de l’hydrogène comme vecteur énergétique propre. Le Japon mise sur le développement en parallèle des technologies de capture et stockage du carbone, qu’il considère comme indispensables pour le déploiement de l’hydrogène à moyen terme, en attendant une production renouvelable économiquement viable – laquelle est attendue autour de 2032 avec l’abaissement des coûts de production par électrolyse à 50 000 yen/kW (contre 200 000 yen/kW en 2019).

Le Japon vise à promouvoir l’hydrogène pour la mobilité et le résidentiel mais aussi la production d’électricité à grande échelle, en remplacement du gaz naturel. Dans la mobilité, dont les objectifs de déploiement à 2025 et 2030 sont chiffrés (cf. tableau), la feuille de route vise la production en série de véhicules, un déploiement accéléré des stations et une réglementation simplifiée afin de réduire les coûts.

  2019 2025 2030
Stations 103 302 900
Voitures 3000 200000 800000
Bus 18 - 1200
Chariots élévateurs 160 - 100000

Dans le résidentiel, les coûts de production d’ENE-FARM (pile à combustible à usage domestique, cf. Historique de l'hydrogène au Japon) devraient être réduits afin d’être compétitifs sans subvention dès 2020. La cible est de 5,3 millions d’unités installées d’ici 2030 (2019 : 270 000 unités). L’amélioration de la performance des piles à combustible industrielles est également visée, avec deux objectifs : la décarbonation de l’industrie et la baisse des coûts de l’hydrogène grâce à son utilisation massive. Des secteurs, absents de la stratégie nationale actuelle, pourraient également à terme bénéficier d’un recours à l’hydrogène – par exemple l’aviation, secteur fortement carboné et dont le Japon est très dépendant.

Dans son budget 2020, le gouvernement prévoit 70 milliards de yen (600 M€) pour les actions pour la société hydrogène (cf. Budget 2020 pour le développement de l'hydrogène). Au-delà de l’impulsion du gouvernement central, de nombreux acteurs se mobilisent : les industriels comme Toyota mais également les collectivités locales, comme Tokyo ou Kobe (voir note SER « Actions des collectivités et industriels pour l’hydrogène au Japon »). Les Jeux Olympiques 2020 seront utilisés comme une vitrine de la société hydrogène.

Une volonté de leadership international

En complément de sa politique nationale ambitieuse, le Japon cherche à se positionner en leader international de la transition vers la société hydrogène.Hydrogen Ministerial Meeting 2019 - Tokyo

Au plan technique, il participe ainsi activement aux échanges sur la création de normes internationales, et se place au premier rang mondial en nombre de brevets déposés dans le domaine de l’hydrogène. Au plan politique, il organise depuis octobre 2018 une réunion internationale annuelle sur l’hydrogène associant les ministres de l’énergie de plusieurs pays. Les éditions 2018 et 2019 ont toutefois été dominées par des pays dont la priorité est l’hydrogène à bas coût, pas nécessairement décarboné.

Autre initiative internationale, lors du G20 Energie et Environnement en juin 2019 à Karuizawa, la présidence japonaise, appuyée notamment par l’Agence Internationale de l’Energie, a fortement mis en avant la technologie hydrogène. Ces actions multilatérales sont complétées par des échanges bilatéraux, notamment avec les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne ou encore la France.

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