Deuxième exportateur mondial de nickel, l’Indonésie a annoncé que les exportations de minerai de nickel brut seraient interdites à partir du 1er janvier 2020. Le gouvernement justifie sa décision par la volonté d’encourager les investissements dans la transformation du minerai. La mesure reflète également le souhait de l’Indonésie de se positionner comme un acteur majeur dans la production de sels de nickel pour batteries électriques.

fonderie

 

Interdiction d’exportation de minerai de nickel : un effet immédiat sur les prix mondiaux

Le 28 août, le ministère de l’énergie et des ressources naturelles a publié une réglementation stipulant que les exportations de minerai de nickel brut seraient interdites à partir du 1er janvier 2020. Au vu de la forte hausse des exportations de minerai vers la Chine induite par cette annonce, le nouveau gouvernement étudierait désormais la possibilité d’une application immédiate.

L’Indonésie figure parmi les premiers exportateurs mondiaux de minerai de nickel, à l’origine de 37% du volume des exportations mondiales en 2018 (20 millions de tonnes). Au premier semestre 2019, les exportations indonésiennes de minerai de nickel se sont élevées à 382 millions USD, en hausse de 34% par rapport à la même période en 2018 (286 millions USD), après avoir été multipliées par 4 entre 2017 et 2018 (de 155 millions USD à 630 millions USD). Le nickel entre dans la composition de l’acier inoxydable et des batteries pour véhicules électriques (sous forme de sulfate de nickel, il peut constituer jusqu’à 85% de la cathode d’une batterie). La demande mondiale pour les années à venir devrait augmenter, compte tenu des importants besoins dans les pays en développement et de l’essor de la production de véhicules électriques. Outre l’Indonésie, les principaux exportateurs de nickel sont les Philippines (25 M T, 460 M USD), la Nouvelle Calédonie (6 M T) et le Zimbabwe (200 000 T).

Exportations mondiales de nickel en millions de tonnes

Source : ITC Trade statistics, UN Comtrade

L’annonce a eu un effet immédiat sur les cours mondiaux du nickel qui ont bondi jusqu’à leur plus haut niveau depuis 2014. À la clôture du LME le 2 septembre, après l’annonce du ministère, le prix enregistrait une hausse de 24 % par rapport au 1er aout (à 18118 USD contre 14578 USD le 1er août) et s’établissait à 16835 USD/tonnes fin octobre (soit +47% en g.a.).

Evolution du prix du nickel en 2019

Source : Markets BusinessInsider

Volonté de soutenir les producteurs de ferronickel, d’acier inoxydable et de promouvoir la filière des batteries électriques

L’interdiction d’exportation de minerais bruts est inscrite dans la loi indonésienne depuis 2009 (Loi minière). Elle a pour but d’encourager la transformation sur le territoire et d’accroitre la valeur ajoutée créée localement. Elle était entrée en vigueur une première fois en 2014 et s’était accompagnée d’une forte hausse des investissements dans l’industrie métallurgique : ils sont passés de 2,6 Mds USD par an en moyenne entre 2007 et 2009, à 9 Mds USD par an en moyenne après 2009. Ils proviennent en partie de l’entreprise chinoise Tsingshan qui a investi 4 Mds USD dans un complexe sidérurgique à  Morowali (Sulawesi). Ces investissements ont contribué à la hausse de la production indonésienne de ferronickel et d’acier inoxydable (cf. article sur la production de nickel et d’acier). Ainsi, l’Indonésie est devenue le premier producteur mondial de ferronickel  (la capacité de production atteindra 500.000 tonnes en 2020) et un acteur important sur le marché mondial de l’acier inoxydable (production de plus de 5 millions de tonnes et forte croissance des exportations, quasiment inexistantes jusqu’en 2016, qui ont atteint 1,9 million de tonnes en 2018).

Les exportations de minerai de nickel avaient été temporairement ré-autorisée en 2017 (pour une période maximale de 5 ans, jusqu’à janvier 2022) dans la limite des quotas fixés par le Ministère et à condition que leur teneur en nickel soit inférieure à 1,7%. La nouvelle mesure avance donc de 2 ans la date l’interdiction des exportations. Elle a plusieurs explications :

  • Les difficultés des autorités indonésiennes à contrôler la teneur en nickel de leurs exportations.
  • Les ressources minières indonésiennes sont majoritairement exportées puis transformées en produits que l’Indonésie importe ensuite à un prix plus élevé. Pour le fer et l’acier, le déficit commercial de l’Indonésie s’élevait à 4,5 Mds USD en 2018 (1er poste d’importation hors hydrocarbures).
  • Les investissements dans le secteur de la métallurgie ont ralenti en 2018 (-11%) après la suspension de l’interdiction de l’exportation, alors qu’ils avaient crû de 20% par an en moyenne entre 2012 et 2017. La mesure devrait stimuler à nouveau les investissements.
  • Le pays veut développer une filière locale de production de véhicules électriques, en commençant notamment par la production de batteries électriques, dont le nickel est un composant clé (cf. article sur la filière des véhicules électriques).
  • Les nouvelles usines chinoises d’acier inoxydable et de précurseurs pour batteries électriques implantées dans le pays ont besoin de nickel à un coût compétitif.

Investissements dans l'industrie métallurgique et dans les mines

Source : BKPM

Des effets inégaux sur les producteurs

Ce nouveau changement devrait s’avérer profitable pour les entreprises ayant déjà investi dans la transformation du nickel. C’est le cas notamment de l’entreprise publique minière Antam, du Brésilien Vale et de Tsingshan. La mesure place également les sociétés chinoises (Lygend Obi, GEM, Huayou et leur partenaire Tsingshan) en bonne position pour rentabiliser et poursuivre leurs investissements dans la production de précurseurs (sels) pour batteries électriques. En revanche, les petits producteurs de minerai (représentés par la Nickel miners association -APNI) ont exprimé leur mécontentement. En effet, ils exportent leur minerai brut et rencontrent des difficultés pour financer le développement de fonderies.