Du 13 au 15 mai 2019 s'est tenu à Otsu, près de Kyoto, un symposium international consacré à l'agriculture et au changement climatique, organisé par le Ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche japonais. Cet évènement intervient alors que le projet de stratégie à long terme du Japon pour une société décarbonée est soumis à consultation publique.

Le symposium a été l'occasion pour le Japon de se positionner en fédérateur d’une grande diversité d’acteurs locaux et internationaux et de mettre à l’honneur les technologies japonaises, ainsi que les initiatives locales de la préfecture de Shiga.

 

SymposiumLe symposium « Agriculture is the solution for climate change!” s’est tenu du 13 au 15 mai dans la ville d’Otsu, située au bord du lac Biwa au sein de la préfecture de Shiga. Cet évènement de trois jours était organisé par le Ministère de l'Agriculture, des Forêts et de la Pêche japonais (MAFF), avec le soutien de l’Organisation Mondiale des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’initiative 4 pour 1000, la préfecture de Shiga et la Banque Mondiale. Les participants ont eu l’opportunité d’assister à une grande variété de présentations, avec des représentants venus du monde entier : Soudan, Uganda, Iles Fidji, etc. Diverses organisations internationales étaient représentées (World Business Council, IPCC) ainsi que des organismes de recherche nationaux (Tea Research Institute of Shiga, National Agricultural Research Organisation of Uganda (NARO), Japan Fisheries Research and Education Agency, le Forestry and Forest Products Research Insitute of Japan (FFPRI)) ; mais également des ministères étrangers (Ministère de l’Agriculture de Fidji, Ministère des Industries Primaires de la Nouvelle-Zélande, Ministère de l’Agriculture et de la Foresterie du Soudan) ; des entreprises (AEON, Sumitomo Forestry) ; ou encore des syndicats et coopératives agricoles (Shinmen Agricultural Union, JA Group).

L’objectif des sessions était de partager les bonnes pratiques en matière d’agriculture et de présenter des modèles de réussite à travers le monde. Le premier jour était consacré aux conférences générales ouvertes au public, le deuxième jour à des visites de terrain au sein de la préfecture de Shiga, et le troisième à des ateliers de mise en relation des fermiers avec la communauté scientifique.

L’ensemble des diaporamas présentés est téléchargeable par les liens en bas de page ainsi que sur le site du MAFF.

La sécurité alimentaire, une préoccupation mondiale fortement dépendante du changement climatique

Avec une population mondiale s’élevant actuellement à 7 milliards, et qui s’élèvera à 10 milliards en 2050, la sécurité alimentaire mondiale - c’est-à-dire la production d’une nourriture saine et nutritive et l’accès stable aux denrées alimentaires - est un enjeu de plus en plus prégnant. C’est ce qu’a tenu à rappeler Mme Alfaro Valenzuela, rédactrice pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC). Si, en 1950, 1 agriculteur nourrissait en moyenne 16 personnes, en 2020 il en nourrira 200.

Cette hausse drastique des besoins en denrées alimentaires mène à l’intensification des systèmes d’agriculture classique et à l’augmentation des externalités négatives des chaînes alimentaires. Dans ce contexte, l’agriculture joue un rôle significatif dans la production de Gaz à Effet de Serre (GES). Ainsi au niveau mondial, le secteur de l’agriculture et de la foresterie correspond à 24% des émissions de GES. Au sein du secteur de l’agriculture, l’élevage représente la part d’émissions la plus importante. Par ailleurs, le réchauffement climatique a un fort impact sur l'agriculture : s’il peut détériorer la qualité ou la croissance de certains produits, il ouvre également des opportunités de nouvelles cultures.

L’agriculture, bien présente dans le projet de stratégie bas-carbone du Japon

Le MAFF a profité de ce symposium pour exposer la situation actuelle des émissions de GES au Japon, ainsi que les engagements pris par le gouvernement pour les réduire.

Ainsi, le total des émissions s’élevait en 2017 à 1 292 millions tCO2, dont 4% provenaient de l’agriculture, de la pêche et de la foresterie. Le Japon souhaite atteindre 26% de réduction des GES en 2030, par rapport à l’exercice 2013.

EmissionsLe MAFF a également présenté les 4 lignes directrices concernant le secteur de l’agriculture présentes dans le projet de stratégie de long-terme pour 2050 :

  • La pleine utilisation des énergies renouvelables et la mise en place de processus de production décarbonés dans les secteurs de l’agriculture, la foresterie et la pêche ;
  • La promotion des mesures de réduction des émissions provenant des terres agricoles et des industries d’élevage (technologies de gestion, développement de nouvelles variétés de riz moins émettrices en méthane, développement de micro-organismes pour réduire les émissions de protoxyde d’azote) et l’augmentation des leviers d’action pour les consommateurs ;
  • La promotion de la séquestration et du stockage du carbone (terres agricoles, champs d’algues, forêts) et l'utilisation des ressources en biomasse (développement de matériaux dérivés de la biomasse, conversion en énergie) ;
  • Contribution à la réduction des émissions de GES au niveau mondial (promotion des technologies japonaises, coopération internationale).

La représentante du Ministère a également présenté différents impacts du changement climatique observés au Japon, dont l’inhibition de la croissance et la détérioration de la qualité de certaines cultures (riz, pommes, raisins, etc). Cependant, les opportunités offertes par le changement climatique ont également été évoquées, notamment l’extension des régions cultivables grâce à la hausse des températures, mais également l’opportunité pour le Japon - fortement dépendant des importations - de développer de nouvelles variétés de produits.  

L'agriculture et la foresterie au service de la lutte contre le changement climatique : le potentiel des puits de carbone

4 pour 1000Le potentiel des sols comme puit de carbone a été fortement mis en avant. Le symposium a été l’occasion de communiquer auprès du public asiatique sur l’initiative 4 pour 1000, lancée par la France en 2015 à la COP21. Cette initiative fédère tous les acteurs volontaires du public et du privé (Etats, collectivités, entreprises, organisations professionnelles, ONG, établissements de recherche, etc.) et a pour objectif de promouvoir le rôle des sols agricoles pour la sécurité alimentaire et le changement climatique. Différentes stratégies de séquestration du carbone dans le sol comme les techniques culturales, l’utilisation de paillis ou encore la gestion de l’érosion ont ainsi été présentées. Par ailleurs, l’organisme de recherche Japan Fisheries Research and Education Agency a présenté ses résultats de recherche sur le blue carbon, le carbone capturé par les océans et les écosystèmes côtiers. Le potentiel de séquestration au sein des zones côtières est particulièrement important et la culture de macro algues pourrait représenter une mesure d’atténuation du changement climatique. Enfin, l’entreprise forestière Sumitomo Forestry a rappelé l’importance des forêts comme puits de carbone et la nécessité de les gérer de manière durable : le Japon a en effet la chance d’être recouvert à près de 70% de forêts.

Mise à l'honneur des initiatives locales au sein de la préfecture de Shiga

Les visites sur le terrain ont été l’occasion pour la préfecture de Shiga de mettre à l’honneur son patrimoine naturel ainsi que diverses initiatives locales. La préfecture abrite notamment le lac Biwa, plus grand lac du Japon certifié Nationally Important Agricultural Heritage System et présentant un écosystème riche. Par ailleurs, les cultures du riz et du thé vert sont particulièrement développées au sein de la préfecture.

Les participants ont ainsi eu l’occasion de découvrir les activités citoyennes de la ville de Higashiomi et notamment le « Nanohana Eco Project ». Initié dès la fin des années 70, ce projet citoyen vise à promouvoir la circulation des ressources, la production locale pour une consommation locale ainsi que l’autonomie régionale. Différentes activités ont été développées, notamment, la production de savon et de biocarburants à partir d’huile usagée, mais également la production locale d’huile de colza et de compost. Le biocarburant produit est utilisé pour les transports publics, les véhicules officiels, les tracteurs et l’éclairage le long du lac Biwa. La station Nanohana-kan qui abrite les machines et installations, fonctionne entièrement à l’énergie renouvelable (notamment grâce aux panneaux solaires), dispose de processus de récupération d’eau de pluie, et assume également le rôle de déchetterie.

La visite d'Asagoi Farm, une serre de culture hydroponique de tomates qui a obtenu la certification Japan Good Agricultural Practice de la Fédération nationale des associations de coopératives agricoles (JA Group), a quant à elle permis de mettre en avant des outils de contrôle environnemental avancés. Enfin, les activités de réintroduction des poissons du lac au sein des rizières menées par le groupe communautaire Seseraginosato, a constitué un exemple parfait de collaboration fructueuse entre une grande diversité d’acteurs, notamment entre étudiants et entreprises.

Visite

Visite de la serre Asagoi

 

Auteur : Albane Demaret, pôle développement durable, service économique régional de Tokyo