Extrait de l'Editorial :

"L’OMC est aujourd’hui traversée par trois forces à l’incohérence apparente.

La première résulte du grand affrontement qu’ont engagé les Etats-Unis avec leurs partenaires commerciaux, au premier rang desquels la Chine, en recourant à des mesures unilatérales à la légalité contestée. Sans surprise, les risques de guerre commerciale qui en découlent viennent bousculer toute l’activité de l’organisation, formelle comme informelle. Dans ses comités techniques tels que celui des sauvegardes (où Chine, Union Européenne puis Russie ont mis en cause les restrictions américaines sur l’acier et l’aluminium), ou devant le mécanisme de règlement des différends : deux nouveaux contentieux y ont été engagés par la Chine contre les Etats-Unis (mesures annoncées ou prises au titre des « sections » 232 et 301) et, réciproquement, par ces derniers au titre de la propriété intellectuelle.

La seconde force, est celle que les Etats-Unis exercent pour obtenir une réforme de l’OMC, espérant ainsi mettre fin à ce qu’ils dénoncent comme une longue période de dérive de l’organisation, dans chacune de ses fonctions. Mise en œuvre défectueuse des disciplines, notamment en matière de transparence, puisque de nombreux membres de l’OMC - et non des moindres - ne s’acquittent pas de leurs obligations minimales de notification, par exemple en matière de subventions ou de licences à l’importation. Paralysie de la fonction de négociation, entravée par la règle du consensus. Expansion estimée abusive de la fonction contentieuse, que l’organe d’appel aurait progressivement transformé en une forme de source de droit «jurisprudentiel», aboutissant à changer l’économie des traités conclus (en particulier dans le domaine des instruments de défense commerciale). Les Etats-Unis estiment devoir contrer ces tendances en bloquant le processus de renouvellement des membres de l’organe d’appel après leur fin de mandat. Or, si aucune solution n’est trouvée l’instance cessera de fonctionner en décembre 2019. Faute de pouvoir rendre des décisions d’appels, le mécanisme de règlement des différends de l’OMC, grand acquis du cycle d’Uruguay, reviendra donc de facto au temps de celui du GATT, en se limitant à la production de « panels » aux recommandations non contraignantes..."