Situation économique et financière des Emirats Arabes Unis

En 2022, les Emirats ont connu une reprise solide de l’économie nationale (5-6 % de croissance, potentiellement plus), portée par la remontée des cours du pétrole mais également par l’activité hors-hydrocarbures qui retrouve progressivement les niveaux prépandémiques. Le pays conserve un profil macroéconomique résilient s’appuyant sur sa diversification, des réserves financières importantes, des ratios d’endettement limités et sous contrôle, une balance courante largement excédentaire, un secteur bancaire stable et l’ancrage du dirham au dollar. Une ombre au tableau : l’inflation (+5% en 2022), certes maitrisée mais dont la dynamique doit être surveillée.

 

1. Une fédération de sept émirats dominée par Abu Dhabi et Dubaï

Indépendants depuis 1971, les EAU sont une fédération composée de sept émirats – Abu Dhabi et Dubaï étant les deux plus importants. Cette fédération est dirigée par le Conseil suprême réunissant les sept émirs qui élit pour cinq ans le Président (issu de la famille royale d’Abu Dhabi, les Al Nahyan) et le Premier ministre (issu de la famille royale de Dubaï, les Al Maktoum), et désigne les membres du conseil des ministres. Chaque émirat dispose de son propre gouvernement et conserve une large autonomie notamment en matière budgétaire et économique. Cet éclatement du pouvoir explique les divergences de stratégie constatées par exemple entre Abu Dhabi et Dubaï en matière de politique de diversification. Depuis le sauvetage de Dubaï en 2010, Abu Dhabi impose toutefois de plus en plus ses objectifs à ses voisins. La population est évaluée à 9,3 M d’habitants (dernier chiffre disponible publié par l’agence des statistiques nationales), dont 88 % d’expatriés. Le PIB (nominal) devrait être proche de 500 Md USD en 2022, au 33ème rang mondial (entre le Nigéria et l’Egypte). Exprimé par habitant, le PIB dépassera 47 000 USD en 2022, au 20e rang mondial (FMI).

 

2. Post-covid: une reprise qui se confirme, portée par la conjoncture favorable sur les marchés pétroliers

Après une contraction en 2020 (-4,8%) et un redressement en 2021 (3,8%), l’activité économique émirienne va rebondir encore davantage en 2022 avec un taux de croissance qui sera supérieur à 5% (le FMI anticipe 5,1% dans son WEO d’octobre 2022 et la Banque centrale 7,6% en décembre 2022). Un taux élevé de 11,2% a d’ailleurs été constaté à Abu Dhabi lors du S1 2022. L’économie nationale a pleinement bénéficié des prix pétroliers élevés de l’année 2022 (le Brent à 102 USD). Le PIB pétrolier devrait ainsi croître d’environ 8,1% en 2022, contre 4% pour les activités non-hydrocarbures (selon le FMI). La production émirienne de pétrole a augmenté en 2022 avant de baisser à la fin de l’année en parallèle d’une baisse de ses quotas OPEP+. Au total sur l’année 2022, la production annuelle devrait s’approcher de 3,05 Mb/j (contre 2,7 Mb/j en 2021). La capacité de production nationale (environ 4 Mb/j) demeure donc toutefois bien supérieure à la production réelle, qui reste limitée par les quotas de l’OPEP+. A moyen terme, la compagnie pétrolière nationale ADNOC prévoit de larges investissements CAPEX (150 Md USD entre 2023-27) afin notamment d’augmenter sa production de pétrole et d’atteindre une capacité de 5 Mb/j d’ici 2027. Cette stratégie d’augmentation des capacités vise à capter le plus de valeur possible à moyen terme tout en libérant des liquidités à investir. Pour mémoire, selon BP, les Emirats détenaient 5,6 % des réserves prouvées de pétrole à fin 2020 (98 Md de barils, 8e rang mondial) et 3% des réserves de gaz (5900 Md m3, 8e rang mondial). L’OPEP estime en revanche les réserves de pétroles à 111 000 Md de barils à fin 2021 (7,2% des réserves mondiales sans compter les sables bitumineux canadiens).

Outre Abu Dhabi qui a pleinement bénéficié de la manne pétrolière, la reprise économique s’est également confirmée à Dubai, dont l’économie est peu dépendante des hydrocarbures, mais qui a retrouvé un certain dynamisme dans ses secteurs clés (tourisme, immobilier, services logistiques). A titre d’illustration en ce qui concerne le tourisme, 11,4 M de visiteurs ont été accueillis à Dubaï sur les dix premiers mois de l’année 2022, contre moins de 5 M sur la même période en 2021 (et 13,5 M en 2019 – selon la banque ENBD). Dans un contexte international encore marqué par la pandémie, les Emirats ont bénéficié en 2021 et 2022 d’un régime sanitaire parmi les plus cléments du monde (vaccination et dépistage massifs, et réduction rapide des contraintes à Dubaï) ce qui a permis d’attirer cadres et capitaux. On estime ainsi à 72 000 le nombre d’entreprises créées à Dubai en 2021, contre 20 000 en 2018 (en termes de nouvelles licences d'exploitation). Enfin, les Emirats ont continué à attirer des capitaux étrangers et les deux grandes bourses du pays (ADX à Abu Dhabi et DFM à Dubai) ont accueillis d’importantes IPOs dont DEWA (6 Md USD levés), Borouge (2 Md USD) et Salik (1 Md USD).

 

3. Un risque pays très faible : des positions fiscales et externes positives, des acteurs bancaires solides

Concernant la position fiscale des EAU, cette dernière s’est renforcée en 2022, bénéficiant pleinement des prix pétroliers élevés puisque les hydrocarbures représentent 55% des revenus du gouvernement. L’excédent budgétaire devrait ainsi représenter 7,7% du PIB en 2022, après 2,1% en 2021 et un déficit record de 5,2% du PIB en 2020. Pour mémoire, les finances publiques s’équilibrent en 2022 quand le baril dépasse un seuil compris entre 64 USD (FMI WEO) et 67 USD (FMI article IV), un niveau bien en deçà des prix moyens en 2022. En outre, la dette publique s’est réduite en 2022 et devrait représenter 31% du PIB à la fin de l’année (contre 40% en 2020). Le service de la dette n’est d’ailleurs pas problématique étant donné les importantes réserves d’actifs détenues par le pays via les fonds souverains (+1400 Md d’actifs sous gestion), les réserves de change de la Banque centrale (119 Md USD en août 2022) et les dépôts du gouvernement auprès des banques locales (106 Md USD en août 2022).

Les comptes extérieurs de la Fédération se sont également améliorés en 2022. La balance courante du pays devrait être fortement excédentaire et représenter 14,7% du PIB (après 11,4% en 2021 et 5,9% en 2020). Selon le FMI, la balance courante du pays en 2022 s’équilibre quand le prix du baril est de 26 USD (le plus bas de la région), un prix, ici encore, bien en deçà de la moyenne annuelle. La dette externe a poursuivi sa dynamique baissière en 2022 et devrait s’établir à 86% du PIB en 2022 (contre 107% fin 2020), une dynamique positive aidée par l’effet dénominateur. Dans ce contexte et étant données les importantes réserves de change de la Banque centrales et les actifs mobilisables des fonds souverains si besoin, la parité fixe du dirham vis-à-vis du dollar US (3,67125 AED / USD, depuis 1997) n’est pas menacée.

Enfin, le secteur bancaire reste stable tout comme ses principaux ratios prudentiels. Les banques du pays sont globalement liquides, prudemment capitalisées et bénéficient actuellement de la politique monétaire restrictive américaine et de ses multiples hausses de taux d’intérêt. Le taux de créances douteuses des banques émiriennes (6,8%), bien qu’en baisse depuis fin 2021, reste cependant supérieur à celui de nombreux voisins.         

Une ombre au tableau mais qui reste toutefois maitrisée : l’inflation. Les EAU font face à une hausse des prix estimée à 5,2% par le FMI en 2022. Il s’agit d’un phénomène peu observé dans la Fédération au cours de la décennie écoulée étant donné le contexte international mais aussi des facteurs propres au CCG dont les Emirats (boucle prix/salaire très faible avec l’abondance de travailleurs migrants, importation de la crédibilité de la politique monétaire américaine avec le taux de change fixe, tarification subventionnée de matières premières…). L’inflation est actuellement maitrisée mais la dynamique est à surveiller.       

 

4. Réformes structurelles : vers une refonte du modèle économique émirien

Au-delà des éléments conjoncturels, le gouvernement émirien a ouvert dans le sillage de la pandémie un cycle majeur de réformes qui visent à redynamiser une économie solide mais fragilisée depuis le milieu de la décennie 2010 par la baisse de la rente pétrolière ou encore par la montée de la concurrence régionale notamment saoudienne. Plusieurs réformes de rupture ont été annoncées et mises en œuvre : alignement sur le weekend occidental, autorisation des investissements étrangers à 100%, libéralisation du statut des étrangers, introduction d’un impôt sur les sociétés. D’autres accélèrent des tendances déjà à l’œuvre : localisation industrielle, émiratisation, optimisation de la filière hydrocarbure pour aborder la transition énergétique.

Pour renforcer leur rôle de plateforme mondiale, les Emirats ont également lancé en septembre 2021 des négociations commerciales bilatérales avec huit pays représentant 10 % du PIB mondial. Menées au pas de course, elles ont déjà conduit à la signature d’un accord global (CEPA) avec l’Inde (le 18 février 2022), d’un accord de libre-échange avec Israël (le 1er avril 2022, ratifié en décembre 2022). Cette accélération des réformes profite du contexte narratif du cinquantenaire de la fédération qui a été célébré le 2 décembre 2021 et sur lequel le Gouvernement s’appuie pleinement (Projets et Principes des 50, UAE Centennial 2071).

 

Macro ser

Source: FMI. 

Publié le