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Le secteur des énergies renouvelables aux Emirats Arabes Unis

 

Septième émetteur de gaz à effet de serre par habitant en 2022 (29.33 tonnes de CO2 par habitant), les E.A.U. se sont engagés à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 via l’allocation d’un budget de 163 Md USD qui sera investi dans les énergies renouvelables durant les dix prochaines années. En juin 2022, le Fonds d’Abu Dhabi pour le développement a officialisé un investissement de 400 M USD au sein de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA). Pourtant, les hydrocarbures demeurent perçus comme essentiels pour financer la transition énergétique du pays. La compagnie pétrolière d’Abu Dhabi, ADNOC, investit 150 Md USD pour augmenter ses capacités de production à 5 M de barils par jour d’ici 2027, incluant l’acquisition de nouvelles unités de forage.

Caractéristiques et tendances du secteur des énergies renouvelables aux EAU

La stratégie des E.A.U. en matière d’énergie repose sur trois piliers : la conservation d’un leadership énergétique mondial, la sécurisation de ses approvisionnements et le développement d’une croissance durable. Pour cela, la Fédération s’oriente vers la diversification de son mix énergétique, qui s’appuie principalement sur le développement des énergies renouvelables (solaire en majorité) et de l’énergie nucléaire. Plusieurs plans décennaux et des investissements soutenus ont été lancés depuis 2017, lorsque l’émir de Dubaï et chef du gouvernement fédéral, Mohammed ben Rashid Al Maktoum, a dévoilé un budget de 160 Md USD (600 Md AED) pour que l’association énergies renouvelables et nucléaire atteigne 50% du mix énergétique du pays d’ici 2050, dans le cadre de la « Energy Strategy 2050 »[1]. Le gouvernement de Dubaï a élevé cet objectif à 100% pour son propre émirat, après avoir dépassé ses objectifs en 2020 (9% d’énergies renouvelables dans son mix vs 7% prévues).  Neuvième pays consommateur d’électricité par habitant au monde (130 000 GWh/hab/an en 2020), les EAU rencontrent, depuis le début des années 2010, une explosion de la demande énergétique (+50% depuis 2013), principalement tirée par les augmentations de la consommation domestique (+117,7% de croissance démographique depuis 2005) et de la demande industrielle (+9% en moyenne par an), pour un prix final encore largement subventionné pour le consommateur[2]. Dotés d’une capacité électrique installée de 40 GW, les EAU demeurent largement alimentés par les centrales électriques au gaz (85%), que la simple production domestique ne peut approvisionner[3]. Le reste est essentiellement couvert par la filière solaire (8%), qui, à l’échelle du CCEAG, est concentrée à près de 80% aux EAU, et par le nucléaire (7%).

L’efficacité énergétique des bâtiments et des transports pénètre progressivement l’agenda des émirats de la Fédération, en particulier celui de Dubaï, dont plusieurs quartiers présentent une densité de population supérieure à 100 000 hab/km². 1,9 Md USD d’investissements sont prévus pour le développement d’un réseau électrique intelligent à Dubaï d’ici 2035 : l’autorité de planification, d’achat et de fourniture d’électricité et d’eau dans l’émirat de Dubaï, DEWA, a remplacé les compteurs d’électricité par des compteurs intelligents entre 2015 et 2020, et a installé plus de 380 bornes de chargement supplémentaires pour véhicules électriques. Aussi, DEWA a lancé un outil d’auto-évaluation pour évaluer la consommation d’eau et d’électricité par foyer. L’autorité prévoit également de réduire de 30% la consommation électrique et hydrique, via huit initiatives qui toucheront à la réglementation et la rénovation des bâtiments, à la gestion des eaux usées, à l’efficience énergétique, au luminaire urbain et la production d’énergie solaire privée. Un chiffre de 30 000 bâtiments rénovés à un rythme de 2 000 par an pour les rendre énergétiquement efficients a été annoncé par les autorités. Plusieurs études sont également lancées au niveau fédéral afin d’utiliser les technologies d’intelligence artificielle au service de l’efficacité énergétique.

Les investissements suivent une logique de grands projets

Plusieurs projets d’envergure prévoient de porter à 14 GW la capacité de production d’énergie renouvelable dans le pays, d’ici à 2030 (vs 2,9 GW en 2022). Envisageant d’investir également à l’étranger, les EAU ambitionnent d’atteindre une capacité totale d’énergie renouvelable de 100GW d’ici à 2030. DEWA a lancé en 2012 la construction de la plus grande centrale solaire thermodynamique au monde, le Mohammed bin Rashid Al Maktoum Solar Park, pour un investissement de 13,6 Md USD. Celui-ci sera doté d’une capacité de production totale de 5 GW lors de sa mise en service totale prévue pour 2030 (vs 1.9 GW pour l’heure). A Abu Dhabi, la centrale solaire à concentration thermique[4] Shams (100 MW), co-exploitée par Total (qui a cofinancé le projet à hauteur de 20%), approvisionne depuis 2013 plus de 20 000 foyers dans l’émirat. L’autorité de planification, d’achat et de fourniture d’électricité et d’eau dans l’émirat d’Abu Dhabi, EWEC, a lancé en 2019 la commercialisation du parc photovoltaïque Noor Abu Dhabi (3,2 M de panneaux solaires) d’une capacité de production de 1.2 GW, qui alimente 90 000 foyers. Les autorités d’Abu Dhabi ont également lancé la mise en service commerciale des trois premiers réacteurs de la centrale nucléaire de Barakah à 200 km à l’ouest d’Abu Dhabi, la première du Moyen-Orient. Construite par la société sud-coréenne KEPCO (Korean Electric Power Corporation) depuis 2012 pour un contrat de 20,4 Md USD, celle-ci sera dotée d’une capacité totale de 5,6 GW (quatre réacteurs de 1,4 GW chacun). Le début des opérations commerciales pour le quatrième réacteur est imminent. Les autorités émiriennes envisageraient désormais la construction d’une nouvelle centrale nucléaire composée de quatre réacteurs. Un appel d’offres devrait être lancé dans les prochains mois. En 2020, EWEC a également lancé le projet de la centrale solaire d’Al Dhafra (2.1GW), co-exploitée par EDF Renewables et Jinko Power HK, qui ambitionne de commercialiser l’électricité la moins chère au monde[5] (0,011 EUR/kWh vs 0,074 EUR/kWh actuellement en moyenne) en vue d’alimenter plus de 160 000 foyers d’ici à 2022. ADNOC, la compagnie pétrolière d’Abu Dhabi, s’est engagée à utiliser 100 % d’électricité provenant du nucléaire et du solaire pour alimenter ses installations. Enfin, en mai 2022, EWEC a publié le projet Al Ajban, un projet de centrale solaire photovoltaïque d’une capacité de 1.5GW à Abu Dhabi, d’un montant de 1,125 Md USD, pour répondre aux besoins en électricité d’environ 160 000 foyers.

Les fleurons français des énergies (EDF, Engie, TotalEnergies, Véolia notamment) sont très implantés aux EAU

Dans le secteur des énergies renouvelables, EDF a remporté auprès de DEWA la conception et la réalisation d’une centrale hydroélectrique à Hatta, dans l’émirat de Dubaï, en novembre 2019. Constituée de deux réservoirs situés à des altitudes différentes, la centrale permettra de délivrer une puissance de 250 MW, pouvant s’adapter aux fluctuations de la consommation. En 2018, EDF, en association avec Masdar et DEWA, avait inauguré la première tranche (200 MW) de la phase 3 du projet de parc solaire Mohammed bin Rashid Al Maktoum à Dubaï. EDF détient également 20% des parts[6] de la centrale solaire d’Al Dhafra ainsi qu’un contrat de vente d’électricité (PPA) sur 30 ans. Depuis 2013, Total Solar exploite, avec Masdar, la centrale solaire de Shams (100 MW). Veolia est également présent sur ce marché, via sa filiale Enova issue d’une coentreprise entre Veolia (49%) et le groupe dubaïote Majid Al Futtaim (51%), qui a notamment été sélectionnée par l’émirat de Ras Al Khaïmah (RAK) pour la rénovation de quatre bâtiments municipaux (30% d’économies d’eau et d’électricité). EDF a été sélectionné pour le projet Al Ajban, la centrale solaire photovoltaïque d’une capacité de 1.5 GW à Abu Dhabi[7].  

Concernant les projets de dessalement de l’eau de mer, ENGIE s’est préqualifiée pour le projet de dessalement par osmose inverse destiné aux îles de Saadiyat et de Hudayrat dans l’émirat d’Abu Dhabi. Ce projet comporte la construction de deux usines d’une capacité totale de 100 MIGD. ENGIE travaille actuellement sur sa réponse à l’appel d’offres.

S’agissant du nucléaire (centrale de Barakah), les entités émiriennes en charge du secteur (ENEC et Nawah) ont accordé plusieurs contrats à des entreprises françaises pour la maintenance et les gestion des opérations des réacteurs : Orano (ex-Areva) fournit une partie des concentrés d’uranium ; EDF a signé un accord-cadre en novembre 2018 avec Nawah pour fournir une gamme de services dans l’exploitation et la maintenance ; Framatome a remporté en juin 2021 un contrat de maintenance pour les quatre réacteurs APR1400 de la centrale de Barakah.

Dans le bâtiment, plusieurs entreprises françaises sont présentes telles que Vinci, Eiffage et Saint-Gobain. Ces groupes optimisent la consommation en énergie des bâtiments en proposant des solutions d’isolation et de gestion innovante des bâtiments. Quelques PME françaises sont également présentes dans le secteur de l’électricité et des énergies, dont la société bordelaise Sunna Design qui a remporté le PRIX ZAYED 2020 pour le développement durable, dans la catégorie « Énergie », un an avant l’ONG française Electriciens sans frontières 

[1] Le mix-énergétique attendu est de 12% de charbon, 38% de GNL, 6% de nucléaire et 44% d’énergie renouvelable (solaire, éolien).

[2] Par exemple, dans l'émirat d'Abu Dhabi, le coût moyen de production d'un kWh est estimé à 0,087 USD, alors que son prix pour le consommateur final est de 0,0136 USD. Les subventions ont néanmoins été retirées dans l’émirat de Dubaï depuis 2011.

[3] Le Dolphin Energy Pipeline, qui relie le Qatar à Oman via les EAU fournit par exemple 26% de la demande du pays en gaz (919 Bcf en 2018).

[4] Il s’agit de la plus importante du Moyen-Orient à ce jour.

[5] Ce record a depuis été battu par de nouveaux projets en Arabie saoudite.

[6] Jinko Power en détient 20%, Masdar (filiale du fonds souverain Mubadala) 20% et la holding d’Abu Dhabi TAQA 40%.

[7] Engie et TotalEnergies avaient également été préqualifiés en septembre 2022 (avec 16 autres entreprises) pour soumissionner.