Editorial : « L’OMC face au risque de fragmentation de l’économie mondiale ».

Le monde actuel est confronté à de nombreux challenges, tant géopolitiques que climatiques et économiques, qui accroissent le risque de fragmentation de l’économie mondiale. Déjà matérialisé par la hausse des mesures restrictives au commerce ces dernières années et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement pendant la crise sanitaire, ce risque s’accroît avec les tensions géopolitiques et le risque de constitution de plusieurs blocs économiques rivaux.

L’OMC comme le FMI ont alerté récemment sur le coût économique élevé qu’aurait cette fragmentation pour tous les pays, mais plus encore pour les pays en développement. Bien que les estimations varient, une étude du FMI estime que l'augmentation des restrictions au commerce international pourrait réduire la production économique mondiale de 7 % à long terme, soit l’équivalent de la taille combinée des économies française et allemande.

Les économistes de l'OMC ont analysé quant à eux différents scénarios sur le futur du commerce mondial d’une reprise de la coopération internationale (« reglobalisation ») à une scission en deux blocs commerciaux rivaux, en passant par des schémas de rivalité partielle entre plusieurs blocs. Selon eux, le niveau à long terme (jusqu’en 2050) du PIB mondial réel pourrait diminuer d'au moins 5 %, certaines économies en développement étant confrontées à des pertes de bien-être à deux chiffres (ici).

Ces scénarios sombres peuvent être évités ou leurs effets les plus négatifs sur la croissance mondiale atténués. Les ministres du commerce extérieur des pays du G20 viennent ainsi lors de leur réunion de Jaipur (ici) en Inde de réaffirmer « qu'un système commercial multilatéral fondé sur des règles, non discriminatoire, juste, ouvert, inclusif, équitable, durable et transparent, avec l'OMC en son centre, est indispensable pour faire progresser nos objectifs communs de croissance inclusive, d'innovation, de création d'emplois et de développement durable ».

L’OMC, malgré tous ses défauts bien connus qu’accentuent les tensions actuelles, joue un rôle important à cet égard. Tout d’abord, en continuant de garantir stabilité et prévisibilité des règles commerciales internationales, d’où l’importance des travaux en cours pour réparer son système de règlement des différends. Ensuite, en encourageant des accords sur les défis communs pour lesquels un consensus est atteignable, à l’image de l’accord de l’OMC de juin 2022 sur l’interdiction des subventions à la pêche illégale. Enfin, en étant un lieu de dialogue et d’échanges sur les enjeux nécessitant une plus grande compréhension mutuelle et coopération internationale, par exemple sur le numérique, l’environnement et la politique industrielle.

Une feuille de route ambitieuse alors que débute la préparation de la 13ème Conférence ministérielle de l’OMC à Abou Dhabi fin février 2024.