L'union européenne au défi du découplage des chaînes de valeur sino-américaines
Depuis 2017, les États-Unis ont adopté de nombreuses mesures de découplages en réaction aux distorsions de concurrence liées aux politiques industrielles de la Chine. En réponse, la Chine a adopté des contre-mesures comparables. Ces mesures pourraient affecter les exportations de l'UE vers la Chine de biens comportant des composants américains, et les exportations de l'UE vers les États-Unis de biens comportant des composants chinois. La France figurerait parmi les pays de l’UE les plus exposés.
Depuis le début des années 2000, le positionnement des trois principales puissances commerciales dans les échanges mondiaux a connu de profondes évolutions. La Chine et les États-Unis se positionnent de manière croissante en tant que fournisseurs d'intrants au sein des chaînes de valeur mondiales (CVM) et relativement moins en tant qu'acheteurs, tandis que l'Union Européenne (UE) connaît une dynamique inverse. Aujourd'hui, les États-Unis et la Chine sont respectivement le premier et le deuxième fournisseur d'intrants étrangers de l'UE pour la production exportée, ce qui expose l'UE aux stratégies de découplage ciblé mises en œuvre de part et d'autre du Pacifique.
Beaucoup des biens exportés depuis l'UE vers la Chine contiennent des intrants américains (venant des États-Unis) (cf. Graphique). Cela implique que l'UE pourrait être affectée par la politique américaine de renforcement du contrôle des exportations vers la Chine, qui s'applique également aux entreprises européennes si leurs exportations contiennent certains « intrants critiques » américains. La France figure parmi les pays de l'UE dont la part d'intrants américains dans les exportations vers le marché chinois est la plus élevée. De manière symétrique, du fait de la part importante d'intrants chinois dans ses exportations vers les États-Unis, l'UE pourrait aussi subir les effets de la politique chinoise de contrôle des exportations vers les États-Unis, qui s'applique aux entreprises européennes. Là encore, la France compte parmi les pays de l'UE potentiellement les plus exposés.
Dans un contexte plus large de hausse des tensions internationales, l'UE renforce son arsenal d'instruments de politique commerciale et son soutien à l'industrie afin d'être moins dépendante des pays tiers dans certains domaines, comme les semi-conducteurs, tout en préservant son ouverture. Cet objectif « d'autonomie stratégique » permettra de limiter les conséquences du découplage entre les États-Unis et la Chine.
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+ Autres publications à consulter sur le sujet :
- CSIS (2022), The New Arms Race: Sanctions, Export Control Policy, and China
- MERICS - EUCCC (2021), Decoupling
- IMF (2021), Sizing Up the Effects of Technological Decoupling
- Banque de France (2018), Coûts et conséquences d’une guerre commerciale : une analyse structurelle