La loi n°2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre a été promulguée le 27 mars 2017. Fruit d’un long parcours législatif, ce texte complète le dispositif normatif applicable en France en matière de responsabilité sociétale des entreprises. Il conduira les entreprises à devoir mieux maîtriser les risques de toute nature associés à leur chaîne de sous-traitance.

Cette loi créé l’obligation, pour les sociétés par actions employant, en leur sein ou dans leurs filiales, au moins 5 000 salariés en France ou au moins 10 000 salariés dans le monde, d’établir un plan de vigilance, de le mettre en œuvre et de le publier.

Ce plan comporte les mesures de « vigilance raisonnable propres à identifier et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement ». Il couvre les activités de la société, de ses filiales directes ou indirectes, de ses sous-traitants et fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie, dans la mesure où ces activités sont rattachées à la relation.

Le plan de vigilance comprend notamment les mesures suivantes :

  • une cartographie des risques ;
  • des procédures d’évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs ;
  • des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;
  • un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques ;
  • un dispositif de suivi et d’évaluation des mesures mises en œuvre.

La promulgation de cette loi constitue l’achèvement d’un travail législatif de plusieurs années. Il avait débuté par le dépôt d’une première proposition de loi le 6 novembre 2013, à l’initiative des députés Auroi, Potier et Noguès, en réaction à la catastrophe du Rana Plaza, immeuble situé à Dacca abritant des ateliers de confection textile dont l’effondrement avait provoqué la mort de près de 1 200 personnes et suscité une vive émotion dans la société civile. Cette proposition initiale a été retirée au profit d’une nouvelle version déposée le 11 février 2015, au rapport de Dominique Potier, juridiquement plus précise.

La mise en œuvre des obligations de vigilance désormais en vigueur pourra s’appuyer notamment sur les référentiels de soft law existants, en particulier les principes et guides de l’OCDE, en lien avec les travaux du Point de contact national, dont la présidence et le secrétariat sont assurés par la DG Trésor.

 

Décision du Conseil constitutionnel

Dans sa décision 2017-750 DC du 23 mars 2017, le Conseil constitutionnel a censuré les alinéas prévoyant l’imposition d’une amende civile en cas de manquement à l’obligation de vigilance, laissant ainsi subsister l’ensemble des obligations créées par le texte. Le motif de cette censure partielle se fonde sur le principe de légalité des délits et des peines découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, exigeant qu’une sanction ayant le caractère d’une punition ne puisse réprimer que des manquements définis en des termes suffisamment clairs et précis[1]. Le Conseil a en revanche écarté les griefs tirés de la méconnaissance de la liberté d’entreprendre et du principe de responsabilité en estimant que la référence au droit commun de la responsabilité délictuelle introduite dans la loi écartait tout régime de responsabilité du fait d’autrui. Il a également écarté les griefs tirés de la méconnaissance des principes d’égalité, d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi invoqués par les requérants. Un dispositif de sanction subsiste par la possibilité d’une mise en demeure pouvant entraîner le prononcé d’une injonction sous astreinte par le juge commercial. Le rappel de l’application à ces nouvelles obligations des règles de responsabilité civile de droit commun (article 2 de la loi) est complété par la possibilité offerte au juge de publier sa décision. Bien que les obligations prévues par le texte soient d’application immédiate, ce dispositif de sanction ainsi que l’obligation de rendre compte de la mise en œuvre du plan n’entreront en vigueur qu’à partir des rapports de gestion portant sur le premier exercice ouvert à partir de la promulgation de la loi.
« Compte tenu (…) du caractère large et indéterminé de la mention des « droits humains » et des « libertés fondamentales » et du périmètre des sociétés, entreprises et activités entrant dans le champ du plan de vigilance qu’il instituait, le législateur ne pouvait (…) retenir que peut être soumise au paiement d’une amende (…) la société qui aurait commis un manquement défini en des termes aussi insuffisamment clairs et précis. » (cons. 13).