Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

 

en tete

Edito - La paix pour le commerce ?

Il y a deux ans cette semaine, le 15 septembre 2020, Bahreïn et les Emirats arabes unis signaient avec Israël les Accords d’Abraham. Après l’enthousiasme et les annonces qui ont marqué la première année, les relations prennent depuis un an une dimension plus concrète. Pour les Emirats, les statistiques indiquent que le commerce bilatéral aurait atteint 1,2 Md USD en 2021, soit déjà plus du triple des échanges avec l’Egypte, qui a normalisé ses relations avec Israël en 1979. Le UAE-Israël Business Council estime que les échanges pourraient s’élever à 2,5 Md USD dès 2022, et les gouvernements, volontiers optimistes, anticipent 10 Md USD d’ici 5 ans grâce à l’accord de libre-échange bilatéral signé au printemps 2022.

A Bahreïn, l’impact est moindre. Le Royaume a toutefois vu se multiplier les visites officielles de part et d’autre et a accueilli, fin juin 2022, la première réunion de pilotage du Forum du Neguev. Ce forum, qui réunit outre Bahreïn, les Etats-Unis, Israël, l’Egypte, les Emirats et le Maroc, doit renforcer la coopération régionale dans divers domaines dont la sécurité alimentaire et hydrique, les énergies propres, le tourisme, la santé, l’éducation et la sécurité.

Autre illustration des virages géopolitiques à l’œuvre dans la région, l’émir du Qatar Tamim bin Hamad Al Thani a accueilli cette semaine le président égyptien Abdel-Fattah Al Sissi. Il y a trois mois, c’est l’émir qui était au Caire pour une visite officielle au cours de laquelle QIA a annoncé 5 Md USD d’investissements. Un an et demi après la déclaration d’Al Ula qui a mis fin au blocus que l’Egypte, l’Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats imposaient au Qatar, la relation entre les deux pays est au plus haut. Doha, comme Riyad et Abu Dhabi, perçoit nettement les opportunités que recèle le marché égyptien et ses 100 millions d’habitants.

Les accords Abraham et la déclaration d’Al Ula sont la face émergée d’une nouvelle donne qui entend remettre la coopération économique au cœur des relations régionales. D’autres basculements pourraient avoir lieu. Les EAU renouent depuis un an avec la Turquie, par exemple, où ils ont annoncé 10 Md USD d’investissements. Ils ont également renvoyé un ambassadeur à Téhéran en août pour la première fois depuis six ans. Dans une interview en mars, le prince-héritier saoudien Mohammed Bin Salman affirmait pour sa part qu’Israël pouvait être un allié potentiel et qu’il fallait trouver des moyens de coexister avec l’Iran. Le Golfe paraphrase le vieil adage libéral, la paix pour le commerce, en quelque sorte.

 

Graphique de la semaine - Objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre à la suite des accords de Paris - En fonction d'un scénario national dit de “Business as usual” ; en vert les pays ayant annoncé un objectif zéro carbone (Arabie saoudite et Bahreïn en 2060, les EAU en 2050)

Objectifs de réduction des émissions de GES

 

Pétrole et gaz

 

Brent (cours au 15/09/2022 à 15h GST) : 93,5 USD 
- 1,4 % depuis un mois
+ 18,8 % depuis début 2022 

Le prix du pétrole a rebondi cette semaine. Le baril de la référence Brent s'échange désormais à près de 94 USD après avoir atteint 87,3 USD le 8 septembre dernier, son plus faible niveau depuis janvier 2022. En cause principalement : les perspectives de demande en hausse et les craintes autour de la capacité d'exportation russe. 

Côté demande, la Chine a décidé ce jeudi 15 septembre de lever le confinement de la mégalopole de Chengdu (20 M d'habitants), laissant espérer une augmentation de la demande chinoise en produits pétroliers, après une baisse de 9% au mois d'août. La ville de Shenzhen (17,5 M d'habitants) reste cependant confinée. Autre élément poussant les prix pétroliers à la hausse : l'annonce du gouvernement américain de reconstituer prochainement sa réserve stratégique. Washington n'a cependant pas précisé la date ni le prix de déclenchement d'un tel achat. 

La dynamique haussière récente des prix du pétrole est également liée à des craintes du côté de l'offre. Plus précisément, les négociations européennes autour d'un plafonnement du prix du gaz russe ont été suivies par des menaces de Moscou portant sur un arrêt de la livraison de gaz au marché commun. L'idée d'un tel plafonnement a été abandonnée par la Commission Européenne mais les tensions subsistent.  
Les prix du pétrole sont donc de retour à leur niveau de début août alors même que la production de pétrole de l'OPEP a augmenté sur cette période (+ 680 000 M barils par jour en août selon l'Agence Internationale de l'Energie). En témoigne la production saoudienne, qui a atteint son plus haut niveau mensuel depuis avril 2020. De quoi soutenir les perspectives économiques pour les pays du Golfe à court terme.

 

 

Brèves économiques

 

Region

Les accords Abraham fêtent leur deuxième anniversaire. Pour mémoire, le 15 septembre 2020, Israël signait des accords de paix avec les EAU et Bahreïn (accords auxquels participent également le Maroc et le Soudan). Les retombées économiques de ces accords sont multiples mais particulièrement visibles en ce qui concerne les échanges de biens et services ainsi que la coopération en matière technologique. Israël a notamment signé un accord de libre échange avec les EAU en mai 2022 afin de graduellement exempter de droits de douane 96 % des produits échangés entre les deux pays. Quant à la coopération technologique, plusieurs accords ont été signés dans des secteurs stratégiques, dont le militaire, l'intelligence artificielle, l'agriculture ou la sécurité informatique. Les entreprises israéliennes ont signé de tels accords avec les EAU mais également avec Bahreïn, comme en témoigne le récent accord de coopération entre Israel Advanced Technology Industries et Bahrain FinTech Bay en matière de fintech. 

L'Arabie saoudite et le Qatar font la course en tête concernant les projets de construction et d'infrastructure attribués en août dans le Golfe. Dans le détail, Riyad a attribué 1,5 Md USD de projets et Doha environ 550 M USD (contre 1,1 Md USD en juillet). A noter que le Koweït s'est classé dernier au niveau régional, avec seulement 28 M USD de contrats attribués le mois dernier. La paralysie politique actuelle du Koweït joue pour beaucoup dans ce faible montant. 

 

Arabie saoudite 

La production de pétrole saoudienne a atteint 11 millions de barils par jour en août  dernier selon le rapport mensuel de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Il s'agit du niveau de production mensuel le plus élevé que le royaume ait communiqué à l'OPEP depuis avril 2020, lorsque la production avait ponctuellement atteint 12 millions de barils par jour pendant une courte guerre des prix avec la Russie, leader de l'OPEP+. L'arrivée des barils supplémentaires a correspondu à un recul des prix du brut, qui ont perdu environ 23 % au cours des trois derniers mois. 

Les ports saoudiens enregistrent une croissance de plus de 14 % des volumes de conteneurs en août pour atteindre 942 621 équivalents vingt pieds (EVP) en août 2022, contre 823 542 EVP enregistrés à la même période l'année dernière. De même, le débit de conteneurs exportés en août a connu une hausse de 21,92 % pour atteindre 218 375 EVP contre 179 238 EVP en août 2021. Cette hausse des échanges témoigne de la volonté du Royaume de devenir un centre logistique important, en accord avec sa Vision 2030. 

Le PIF, le fonds souverain saoudien, investie 776 M USD pour un projet d’intelligence artificielle (IA) avec l'entreprise chinoise SenseTime. La coentreprise exploitera un centre de recherche sur l'IA, permettant notamment à la prochaine génération de data scientists saoudiens de bénéficier de transferts de technologie.

Riyad annonce des projets sidérurgiques d'une valeur de 9 Mds USD. Bandar al-Khorayef, ministre saoudien de l'industrie et des ressources minérales (MIMR), a déclaré à l’occasion de la Conférence internationale saoudienne sur le fer et l'acier, le 12 septembre 2022, que le ministère travaillait avec des bailleurs de fonds locaux et internationaux afin de créer des opportunités d'investissement dans le secteur du fer et de l'acier. Trois projets sont en cours de construction et leur valeur est estimée à 9,33 Md USD (35 Md SAR). Les usines auront une capacité de production combinée de 6,2 millions de tonnes de fer sous diverses formes par an (t/an). 

 

Bahreïn 

Le trafic aérien reprend à Bahreïn : 3 M de passagers ont transité par le nouveau terminal de l'aéroport de Manama au cours du premier semestre de l'année. Selon le gouvernement, le Royaume a accueilli environ 1,7 M de visiteurs au cours des six premiers mois de l'année 2022, contre seulement 152 000 pendant la même période l'an passé et sur fond de crise sanitaire. Pour mémoire, Bahreïn a ouvert en 2021 un nouveau terminal dans lequel le pays a investi 1,1 Md USD. 

Bahreïn dispose de stocks suffisants de riz, selon des négociants en matières premières agricoles. Cette information survient alors que l'Inde, premier exportateur de riz au monde, vient d'interdire l'exportation de brisures de riz tout en imposant une taxe sur d'autres variétés. 

 

Emirats arabes unis 

Le taux de croissance économique réel des EAU s’établit à 8,4 % au premier trimestre de l’année, selon le gouvernement. Quant aux prévisions annuelles, la banque Emirates NBD anticipe une croissance réelle de 5,7 %. L'agence de notation Moody's se montre plus optimiste avec un taux compris entre 6 et 7 %. Cette hausse du PIB réel est liée à la conjoncture favorable sur les marchés pétroliers, aux bonnes performances du tourisme ainsi qu'au dynamisme du secteur immobilier. Concernant ce dernier secteur, les prix actuels très élevés devraient tout de même se stabiliser sur les douze prochains mois avec la décélération de la croissance chez certains investisseurs clés, les incertitudes autour de l'économie chinoise et la hausse continue du dollar. 

Les EAU relèvent leur objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 31 % d’ici 2030. Le précédent taux de réduction, présenté par le pays en 2020 dans le cadre de l'Accord de Paris, s’établissait à 23,5 %. Afin d’atteindre cet objectif, cinq secteurs sont jugés prioritaires par les autorités émiriennes : l’électricité, les transports, l’industrie, la gestion des déchets ainsi que la capture et le stockage du carbone (CCUS). Pour mémoire, les EAU ont été le premier pays de la région à ratifier l'Accord de Paris et a annoncer une stratégie nationale afin d'atteindre des émissions nettes nulles d'ici 2050.  

Le nombre de millionnaires à Abu Dhabi, Dubai et Sharjah a augmenté de 17, 6 % au cours des six premiers mois de l'année 2022 et se rapproche de 100 000. Dans le détail, la hausse est la plus élevée à Sharjah (+ 20 %) mais Dubaï reste l'Emirat concentrant le plus de millionnaires (67 900). Cette forte croissance - parmi la plus rapide du monde - est  liée à la conjoncture pétrolière actuelle puisqu'elle s'observe également dans d'autres villes possédant une forte exposition aux hydrocarbures comme Riyad, Luanda, Doha ou Lagos.

 

Koweït   

KAMCO, la filiale d’investissement de KIPCO (Kuwait Project Company), prévoit que les prix du pétrole au quatrième trimestre de 2022 se stabiliseront au niveau de 101 dollars le baril. Il s’agit d’une hausse par rapport à la précédente estimation du mois dernier, qui indiquait un prix de 104 dollars. Pour rappel, le prix d’équilibre budgétaire du pétrole koweïtien se situe aux alentours de 75 USD le baril de pétrole. 

L’Institute of Chartered Accountants in England and Wales (ICAEW) a déclaré que le Koweït resterait le pays le moins strict du Golfe en matière de hausse des taux d’intérêt. L'ICAEW s'attend à de nouvelles hausses de taux d’intérêt de la part de la Banque centrale du Koweït (CBK) mais ces augmentations ne devraient par pour autant suivre le rythme des taux d’intérêt de la Réserve fédérale américaine (FED). Pour rappel, le dinar est adossé à un panier de devises non déclarées et pas seulement au dollar américain, contrairement aux autres pays du CCG.

Le projet de ville nouvelle de Subbiya, vieux de plusieurs années et en arrêt total depuis plus d'un an, devrait reprendre sous peu, et entrer dans les dernières phases d'approbation. Ce projet de développement se situera de l'autre côté de la baie de Koweït, à la fin du pont Jaber, seul projet de "Kuwait Vision 2035" ayant vu le jour jusqu'ici.

 

 

Oman

Selon le ministère des Finances, Oman a enregistré un excédent budgétaire de 2 Md USD au premier semestre 2022 contre un déficit de -2,9 Md USD un an auparavant. Dans le détail, les revenus ont augmenté de +54,2 %, à 17,4 Md USD, tirés notamment par la forte hausse des recettes pétrolières et gazières. Les dépenses publiques ont dans le même temps progressé de +8,6% en g.a., à 15,3 Md USD.

Le stock d’investissements directs étrangers (IDE) au Sultanat a atteint 17,9 Md OMR (46,6 Md USD) au premier trimestre 2022, soit 62 % du PIB, selon le Centre national pour les statistiques et l’information (NCSI). Les principaux pays investisseurs en Oman sont le Royaume-Uni (47,4 % du stock total d’IDE), suivi des États-Unis (14,9 %), des Émirats arabes unis (6,9 %), du Koweït (5,9 %) et de la Chine (4,7 %).

L’entité publique en charge du traitement des déchets, Oman Environmental Service Holding Company (Be'ah), a annoncé le lancement d’ici fin 2022 d’un appel d’offres pour le développement dans la région d’Al Batinah du sud d’une usine de biogaz d’une capacité de 150 à 200 tonnes par jour.

 

Qatar

Après l’Arabie Saoudite et les EAU, Oman et la Jordanie annoncent accepter les détenteurs de la carte Hayya (faisant office de visa au Qatar pour les supporters) pendant la Coupe du Monde. Au Qatar, les supporters ayant cette Hayya card pourront inviter jusqu’à trois personnes ne l’ayant pas, avec des frais d’entrée (pour les plus de 12 ans). Enfin, l’aéroport international de Doha (DIA) réouvre afin d’augmenter les capacités de trafic aérien d’ici la Coupe du Monde, et treize compagnies aériennes (dont Etihad Airways, Fly Dubai et Air Arabia) y opèrent désormais plutôt que depuis l’aéroport Hamad.

Le président égyptien Abdel-Fattah Al Sissi était en visite officielle à Doha les 13 et 14 septembre, trois mois après la visite de l’émir Tamim bin Hamad Al Thani au Caire, confirmant le rapprochement entre le Qatar et l’Egypte. Parmi les trois protocoles d’accord signés, le MoU entre les fonds souverains qatarien (QIA) et égyptien (TSFE) devrait accroître les liens économiques entre les deux Etats, alors que le Qatar avait annoncé 5 Md USD d’investissement en Egypte au mois de mars. Pour rappel, l'Egypte était l'un des quatre pays de la région ayant participé au blocus du Qatar en 2017 et 2021. 

Le QIA a racheté au sud-coréen SK Group des parts dans le concessionnaire ATAS du tunnel turc Avrasya (Eurasie), qui connecte les parties européenne et asiatique d'Istanbul par 5,4 km de route depuis 2016. Si le montant n’a pas été communiqué, la convention d’achat d’actions de juin mentionnait une participation indirecte à 24,5 % pour 160 M USD, la concession expirant en 2042.

 

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