Toute l'actualité économique et financière hebdomadaire de l'Arabie Saoudite, du Bahrein, des Emirats arabes unis, du Koweit, d'Oman, du Qatar et du Yémen.

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Edito

 

De Vienne à Pékin 

 

Nous évoquions il y a deux semaines de cette lettre la “parenthèse dorée” dont jouit le Golfe en ce moment. En opposition avec la conjoncture mondiale, l’activité dans la région est au plus haut, l’inflation reste partiellement contenue et les flux financiers vers la région atteignent des niveaux records. L’actualité de la semaine en fournit de nouvelles illustrations qu’il s’agisse des PMI d’Arabie saoudite, des Emirats et du Qatar que des derniers chiffres de croissance saoudiens (+12 % sur un an au T2).

 

Le catalyseur principal de ce décalage est le prix du pétrole qui a renoué avec les niveaux du début de la décennie 2010 et qui, en dépit des efforts de diversification, reste fondamental pour les économies de la région. Depuis le 4 janvier, le Brent n’est jamais repassé sous la barre des 80 USD le baril et les pays de la Péninsule arabique ont tout intérêt à maintenir le baril à des niveaux élevés afin de restaurer leurs finances mise à mal par la pandémie ces deux dernières années (selon le FMI, le point d'équilibre budgétaire pré-pandémique de la région se situait entre 51 USD le baril pour le Qatar et près de 100 USD le baril pour Bahreïn). 

 

Face à la baisse récente des prix du pétrole (-14 % en juillet-août) et à la montée des incertitudes, l’OPEP+, Arabie saoudite en tête, a annoncé depuis son siège à Vienne une réduction de sa production de pétrole le mois prochain. 100 000 barils par jour en moins, soit la quantité exacte ajoutée en septembre, afin de réduire la volatilité sur le marché. Une baisse d'autant plus faible qu'une majorité des membres de l'OPEP a des difficultés à atteindre leur quota. 

 

La quantité est certes symbolique mais pouvait sembler suffisante pour relancer les prix compte tenu des pressions haussières actuelles (difficultés de production persistantes dans certain pays, sanctions sur le pétrole russe et absence d’avancées dans les négociations avec l’Iran à Vienne également).

 

Dans les faits, la décision a toutefois été suivie par une chute des cours du barils. Le Brent est repassé pour la première fois depuis le 2 février sous la barre des 90 USD. Mercredi 7, il a perdu 5,2 %, à 88 USD, à la suite des annonces de nouveaux confinements à Chengdu et Shenzhen. La Chine est en effet devenue pendant la dernière décennie le premier acheteur d’hydrocarbures du Golfe. Pour connaître les perspectives économiques du CCEAG, sans doute faut-il donc regarder vers Pékin autant, si ce n’est plus, que vers Vienne ou Washington.

 

Jean-Hippolyte Feildel

Conseiller financier régional

 
 

Graphique de la semaine

 

Valeur du Brent (USD/baril)

Brent évolution

 

Sources : MarketWatch, SER

 
 

Pétrole et gaz

 

Brent (cours au 08/09/2022 à 17h GST) : 88,6 USD 
- 8,3 % depuis un mois
+ 12,3% depuis début 2022 

 

Les membres de l’OPEP+ ont adopté, le lundi 5 septembre, une réduction de leur production de pétrole brut de 100 000 barils par jour pour le mois d’octobre. La raison principale évoquée par le cartel est le soutien à la stabilité du marché en cette période de forte volatilité marquée par une hausse des incertitudes. Il s’agit d’un volume peu conséquent, en comparaison à la production mondiale quotidienne qui s’élève à environ 100 M barils. Surtout symbolique, cette faible baisse vient effacer la précédente augmentation de la production qui avait été approuvée pour le mois de septembre (+ 100 000 barils par jour). La décision collégiale du 5 septembre a été immédiatement suivie d’une hausse des cours du pétrole qui s’est ensuite résorbée le mardi 6 septembre. Le marché est depuis soumis à une dynamique baissière, principalement due à la hausse des mesures sanitaires en Chine qui pèsent sur l’activité économique du pays. 

 

OPEP

 

Sources : OPEP, SER

 

 

Région

 

Les perspectives économiques régionales restent optimistes selon les indices des directeurs d’achat, récemment publiés par IHS Markit (indices PMI). Le PMI des EAU augmente ainsi à 56,7 en août 2022 (contre 55,4 en juillet). Il s’agit de son plus haut niveau depuis juin 2019 alors même que la conjoncture économique est marquée par une baisse du prix du pétrole. En comparaison, l’indice des directeurs d’achat d’Arabie Saoudite est également en hausse à 57,7 (contre 56,3 en juillet) alors que l’indice qatari poursuit une dynamique inverse, en baisse à 53,7 (contre 61,5 en juillet). Pour rappel, un indicateur supérieur à 50 reflète la confiance des directeurs d’achat dans l’expansion de l’activité manufacturière.

 

Les entreprises émiriennes bénéficient d’une base de financement plus diversifiée que leurs homologues saoudiens. Selon une étude de l’agence de notation Fitch, les entreprises des deux principales économies de la Péninsule arabique présentent  des profils de financement bien différents. Dans le détail, les émissions sur les marchés de capitaux représentent aux EAU 32 % de la structure de financement des entreprises au premier semestre 2022 (contre 68 % pour les emprunts bancaires).  En Arabie saoudite, la part des émissions sur les marchés de capitaux était seulement de 2 % en 2021. A l’heure où l’Arabie saoudite souhaite développer sa Bourse, les marges de progression apparaissent donc immenses

 

Arabie saoudite

 

La croissance du PIB réel saoudien atteint 12,2 % au deuxième trimestre 2022 par rapport au deuxième trimestre 2021. Selon les estimations de l'Autorité générale des statistiques (GASTAT), il s’agit de la plus forte croissance en glissement annuel depuis le troisième trimestre 2011Cette croissance est principalement due à la forte augmentation des activités pétrolières (+22,9 % en glissement annuel et +4,4 % en glissement trimestriel). Les activités non pétrolières ont, quant à elle, augmenté de 8,2 % par rapport à l'année précédente (+4,5 % par rapport au trimestre précédent). 

 

L’investissement privé étranger dans les actions cotées au Tadawul, la place boursière saoudienne, a dépassé le seuil de 10 % au cours de la semaine se terminant le 1er septembre (sans compter Saudi Aramco). En revanche, la part des investisseurs privés du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) est restée inchangée à 1,72% de la capitalisation boursière totale, toujours à l’exclusion de Saudi Aramco. 

 

L’Arabie saoudite a annoncé vouloir investir 186 Md USD afin de développer l'économie verte, créer des emplois et offrir d’ambitieuses opportunités d’investissement au secteur privé. 

 

Bahreïn

 

Salman bin Hamad Al-Khalifa, le prince héritier de Bahreïn, a annoncé la restructuration du conseil d’administration de Mumtalakat. Selon le décret publié par l’agence de presse nationale BNA, le conseil d’administration sera présidé par l’actuel ministre des finances, Salman bin Khalifa Al-Khalifa. Le fonds souverain, qui gère environ 18 Md USD sous gestion, est  exposé aux récentes pertes annoncées par McLaren dont il détient 60 % des parts. L’entreprise anglaise a récemment annoncé des pertes d’environ 120 M GBP (138,4 M USD au 8 septembre 2022).

 

Le fonds de réserve pour les générations futures de Bahreïn a réalisé un profit de 50,7 M USD en 2021. Le retour sur investissement enregistré sur cette même année est de 10,4 %. C’est une amélioration notable de la situation comptable du fonds qui avait enregistré une forte chute de la valeur de ses actifs sous gestion pendant l'année 2020 (520,9 M USD contre 917,8 M USD en 2019). 

 

Emirats arabes unis

 

Abu Dhabi Commercial Bank PSJC, la deuxième plus grande banque de l’Emirat, serait en discussion afin de vendre environ 1 Md USD de créances irrécouvrables. Cette opération financière vise à assainir son bilan comptable durement affecté par plusieurs faillites récentes d’entreprises (dont NMC Health et l’entreprise de paiement Finablr). Selon Bloomberg, une vente d’une telle ampleur pourrait inciter d’autres institutions financières émiriennes à effectuer des opérations similaires.

 

La société Mubadala Petroleum, la filiale spécialisée dans les hydrocarbures du fonds souverain Mubadala Investment Company, a annoncé le changement de son nom en « Mubadala Energy ». Cette nouvelle identité reflète la volonté du fonds d’élargir son portefeuille dans des secteurs contribuant à la transition énergétique (dont le LNG, l'hydrogène bleu et la capture du carbone). Pour mémoire, Mubadala Energy a annoncé avoir atteint cette année et ce, pour la première fois, la production de 500 000 barils par jour.

 

Koweït

 

Kuwait National Petroleum Company (KNPC), l’entreprise nationale de raffinage et de distribution des produits pétroliers, a mis à jour sa stratégie à l’horizon 2040. Selon le quotidien koweïti Alanba, KNPC prévoit d’investir 4.2 Md USD d’ici 2040 afin de répondre aux objectifs chiffrés de sa stratégie. Ces derniers portent notamment sur l’augmentation de la capacité nationale de raffinage à 1,6 M barils par jour d’ici 2025 (contre 800 000 en 2021 selon l’entreprise) et sur la construction de 181 nouvelles stations-service d’ici 2040 (dont 18 ont déjà été construites). 

 

La liste des candidats aux élections parlementaires du 29 septembre a été arrêtée. 376 candidats se disputeront donc cinquante sièges. A noter que l’actuel président de l’Assemblée Nationale, Marzouq al-Ghanim, a décidé de ne pas se représenter.  

 

Oman

 

Les exportations de pétrole du Sultanat d’Oman ont progressé de 16,7 % sur les sept premiers mois de l’années 2022, en glissement annuel et selon les données du Centre national pour les statistiques et l’information (NCSI). Le prix de vente moyen du baril omanais s’est élevé à 92,8 USD sur la période (contre 61 USD un an auparavant). La Chine est demeurée le premier client du pétrole omanais, absorbant plus de 76 % des exportations.

 

Les autorités omanaises ont annoncé le lancement officiel de la production de l'usine d'ammoniac vert située dans la zone franche de Salalah. Ce projet est estimé à 463 M USD. Opérée par un consortium international dirigé par le groupe public omanais OQ, l'usine devrait produire à terme jusqu'à 1 000 tonnes par jour. 

 

Les stocks de blé d'Oman devraient être suffisants pour répondre aux besoins du marché domestique pendant près de six mois. Dans le sillage des tensions observées sur le marché mondial du blé, le groupe omanais Salalah Mills Company a annoncé la réception de près de 62 000 tonnes de blé en provenance d'Australie. Pour rappel, l'entreprise avait déjà enregistré la livraison de 66 000 tonnes de blé australien en juillet 2022. 

 

Qatar

 

Microsoft a annoncé l'ouverture au Qatar d'un centre de données géant dédié aux services cloud pour les entreprises, un investissement de 18,7 Md USD qui pourrait créer 36 000 emplois dans les cinq prochaines années. Les services cloud  pourront notamment être utilisés par les entreprises spécialisées dans l'analyse de données, l'intelligence artificielle, l'internet des objets et la cybersécurité. Cet investissement massif dans des infrastructures numériques a pour objectif de faire, à terme, du Qatar un centre digital régional capable de concurrencer les EAU et l'Arabie Saoudite. Cette annonce intervient une semaine après que Amazon Web Services (AWS) a pris la décision d'investir 5 Md USD à Abu Dhabi. Cet investissement permet aussi de sécuriser les informations numériques sur le sol qatari, tout en s'inscrivant dans la stratégie de diversification de l'économie nationale (plan Vision 2030). Enfin, la position géographique des pays du Golfe, entre Europe et Asie, est intéressante pour la connectivité des deux marchés via des câbles sous-marins, par lesquels transitent 98% des données informatiques.

 

L’autorité en charge de réguler le Qatar Financial Centre (QFC) ainsi qu’UBS Asset Management ont signé une lettre d’intention pour travailler conjointement sur une initiative dans l’investissement durable. Cette initiative englobe notamment le stockage d’énergie, l’écomobilité, la sécurité alimentaire et le capital-risque dédié aux technologies vertes. L’investissement d’amorçage est prévu à 500 M USD tandis que les prochaines étapes pourraient bénéficier de l’appui d’autres investisseurs. 

 

Indosat Ooredoo Hutchinson prépare une nouvelle cession de tours de télécommunication (potentiellement 1 800 pour 250 M USD) afin de financer l'expansion de son réseau LTE en Indonésie. Indosat est une joint-venture entre Ooredoo et Hutchinson Asia Telecom Group et est présente sur le marché indonésien des télécommunications. Cette opération intervient après le contrat de vente et de cession-bail en mars 2021 de 4 200 tours pour 750 M USD à EdgePoint Indonesia, filiale de Edge Point Singapore détenue par le fonds DigitalBridge (ex-Digital Colony).