Le progrès technique tend à détruire les emplois peu qualifiés facilement automatisables et à accroître les écarts de salaires moyens entre peu qualifiés et très qualifiés. Toutefois, les données françaises comme britanniques montrent que les salariés peu qualifiés ont un gain salarial à travailler dans des entreprises innovantes plus important que les plus qualifiés. Ces résultats doivent être replacés dans le contexte de la plus faible demande de main d'œuvre peu qualifiée dans ces firmes.

En France depuis une vingtaine d'années, l'emploi des salariés peu qualifiés a fortement décliné par rapport à celui des qualifiés. Entre 2003 et 2018, le nombre de salariés d'un niveau d'études inférieur ou équivalent au premier cycle de l'enseignement secondaire a décru de 42 %, alors que celui des salariés diplômés de l'enseignement supérieur a augmenté de 64 %. Le chômage pour les peu qualifiés, qui était en 2003 deux fois plus élevé que celui des diplômés, est aujourd'hui trois fois plus important.

Le progrès technique pèse sur l'emploi relatif des peu qualifiés. Très souvent complémentaire à la réalisation de tâches abstraites dont il augmente la productivité, le progrès technique tend à réduire les emplois peu qualifiés à fort contenu en tâches routinières facilement automatisables. En modifiant la demande de travail par niveau de qualification, le progrès technique accroit les écarts de salaires entre peu qualifiés et très qualifiés.

Cependant un récent travail sur données britanniques des économistes P. Aghion, A. Bergeaud, R. Blundell et R. Griffith montre que les travailleurs peu qualifiés sont mieux payés lorsqu'ils travaillent dans des entreprises innovantes. Travailler pour une firme qui effectue des dépenses de R&D bénéficie même davantage aux travailleurs peu qualifiés qu'aux travailleurs à hautes qualifications.

La réplication de cette étude sur données françaises aboutit à des résultats similaires. Il y a une prime salariale à travailler dans une firme innovante pour les peu qualifiés, et elle est plus forte que pour les plus qualifiés. L'effet est néanmoins moins marqué que dans le cas britannique.

Ces résultats doivent être replacés dans le contexte de la plus faible demande de main d'œuvre peu qualifiée dans les firmes innovantes. Parmi les 5 % de firmes les plus intensives en R&D, les salariés identifiés comme les moins qualifiés sont en moyenne 3,5 fois moins nombreux que les plus qualifiés. À l'inverse, ils sont 5 fois plus nombreux en moyenne dans les firmes non innovantes. Les salariés concernés par ces plus forts gains salariaux ne représentent donc qu'une petite partie des travailleurs peu qualifiés présents sur le marché du travail.

TE-260 Innovation

 

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