Le fossé s’accroit entre un commerce mondial qui s’enfonce et une OMC perchée hors du temps. Le ralentissement économique provoqué par les tensions sino-américaines n’est plus une menace mais une certitude : la guerre commerciale exerce un effet récessif sur l’économie réelle, toutes les sources en attestent, OMC, OCDE, FMI. Les barrières tarifaires ont directement ralenti le commerce des biens (comme l’analyse en détail l’étude du Trésor français jointe à la présente lettre), indirectement celui des services (dont l’OMC souligne la contraction au second semestre 2019), et les effets induits d’incertitude paralysent les décisions d’investissement. Pour 2019 et 2020, l’OCDE redoute une croissance mondiale enregistrant sa pire performance depuis la crise de 2008. Malgré les propositions de négociations formulées par l’Europe, les menaces américaines de rétorsions commerciales dans l’affaire Airbus-Boeing et le possible choc d’un Brexit sans accord au 31 octobre en accroissent le risque. Une réorganisation structurelle des chaines de valeur mondiale commence à s’observer de manière nette. Des gestes de bonne volonté ont été émis (report américain du 1er au 15 octobre de l’imposition de droits nouveaux, allègement partiel des tarifs chinois), mais Chine et Etats-Unis ne sont par certains d’aboutir à un accord. Or, les effets récessifs frappent de manière asymétrique : encore dopés par le stimulus budgétaire, les Etats-Unis paraissent pour l’instant souffrir relativement moins que la Chine et désormais la zone euro. A mesure que l’Amérique s’avancera dans la campagne présidentielle, sa propre capacité de résilience aux dommages économiques qu’inflige sa politique commerciale deviendra une variable politique déterminante.

Face à cela, l’OMC s’enferme dans une quasi-paralysie de ses principales négociations. Incapable depuis plus de deux mois (du fait d’une opposition entre groupes asiatique et latino-américain) de désigner un président pour conduire les négociations sur les subventions à la pêche : or il s’agit d’un mandat assigné à l’OMC au titre des objectifs de développement durable (ODD 14.6), avec échéance en décembre 2019. Chaque jour de retard renforce désormais le scenario de l’échec sur ce sujet pourtant majeur pour la crédibilité de l’organisation. Les discussions devant permettre le déblocage des recrutements à l’organe d’appel sont encore dans l’impasse, faute d’implication des Etats-Unis, qui se bornent à en rejeter la responsabilité politique sur les autres membres. Celles sur l’amélioration du fonctionnement ordinaire (notification, transparence) patinent tout autant...