Brèves de l'OMC n° 2 - Février 2019 : Le développement : totem et tabou
Extrait de l'éditorial :
Totem : le statut (auto-déclaré) de pays en développement (PED), qui donne droit à ses détenteurs(*) aux avantages du «traitement spécial et différencié» (TSD), c’est-à-dire un allégement des disciplines. Tabou : celui que vient briser la toute récente proposition américaine consistant en une déchéance automatique de ce même statut, pour les pays devenant membres de l’OCDE, ceux catégorisés en «haut-revenu» par la Banque Mondiale, les membres du G20, ou ceux qui disposeraient d’une part de 0,5% du commerce mondial. En pratique, la proposition américaine aboutirait à sortir 35 pays de la catégorie des PED. Dix-huit ans après le lancement de « l’agenda de Doha pour le développement» que penser de ce «pavé dans la mare»?
Sur le fond, le refus radical de toute différenciation des PED entre eux ne résiste pas à l’analyse. Juridiquement, le texte fondateur du statut des PED à l’OMC (clause d’habilitation de 1979) n’a jamais eu vocation à rendre ce dernier irrévocable, mais au contraire en faire une étape vers une prise de responsabilité entière au sein de l’organisation. Economiquement, plus un pays converge vers les niveaux de commerce et de richesse du monde développé, plus son comportement commercial exerce d’impact sur celui des autres : il est donc normal que ces «externalités» soit davantage encadrées par l’application pleine des disciplines. Socialement, en refusant la différenciation, les «grands émergents » pénalisent de facto les pays les plus pauvres, qui auraient besoin d’adaptations opérationnelles des règles de l’OMC à leurs besoins spécifiques, pour mieux lutter contre la pauvreté: c’était bien là l’objectif initial du mandat de Doha...