Les 22 et 23 octobre 2018 s'est tenu à Yokohama le 2ème « World Circular Economy Forum » (WCEF), co-organisé par le Ministère de l'Environnement japonais et Sitra, un fonds d'innovation finlandais. Cet évènement d’ampleur sur le thème de l'économie circulaire a réuni 1 100 participants de 80 pays, dont des représentants de haut niveau du gouvernement japonais, de l’UE, d’organisations internationales et de multinationales. Il a permis la mise en lumière d’enjeux environnementaux autres que climatiques, dans la lignée de la dynamique des Objectifs de Développement Durable (ODD) de l'ONU, qui en sortent renforcés. Le gouvernement japonais a, à cette occasion, affiché sa volonté de se positionner comme leader sur les questions de circularité des ressources et mis en avant la thématique de lutte contre la pollution marine aux déchets plastique, qui sera à l’agenda du G20 2019 sous présidence japonaise.

wcef2018

1.     Un évènement d’ampleur mettant l’accent sur la dynamique mondiale en faveur d’une économie circulaire

Les 22 et 23 octobre derniers, s’est tenue à Yokohama la deuxième édition du World Circular Economy Forum co-organisée par le fonds d’innovation finlandais Sitra et le Ministère de l’Environnement japonais. À l’occasion de 4 sessions plénières et 12 sessions parallèles, plus de 1 100 participants en provenance de 80 pays ont pu échanger sur les perspectives d’intégration du concept de circularité dans tous les secteurs, à l’échelle locale comme internationale, et sur les conséquences de cette dynamique pour les économies nationales.

Parmi les intervenants, on note plusieurs personnalités de haut niveau : le Premier Ministre japonais Shinzo Abe (message vidéo), les Ministres de l’Environnement japonais et finlandais, Yoshiaki Harada et Kimmo Tiilikainen, le Vice-Président de la Commission Européenne, Jyrki Katainen, le DG Environnement de la Commission européenne, Daniel Calleja, la DG et présidente du GEF, Naoko Ishii, le Secrétaire général adjoint de l’OCDE, Masamichi Kono, ou encore les co-présidents du Groupe international d'experts sur les ressources de l’ONU, Izabella Teixeira et Janez Potočnik.

Plusieurs messages sont ressortis des débats :

  • Le concept d'économie circulaire, encore absent il y a quelques années, semble se diffuser rapidement à tous les niveaux. Jyrki Katainen y a fait référence comme « l’une des deux méga-tendances qui sauveront nos économies et sociétés », avec l’intelligence artificielle.
  • Si le climat est une problématique centrale, l’attention de la communauté internationale semble progressivement s’étendre aux autres défis environnementaux et humains de ce siècle – raréfaction des ressources naturelles, perte de biodiversité, ou encore pollution des océans, de l’air et des sols. À ce titre, les références aux Objectifs de Développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 de l’ONU sont omniprésentes. L’accent a ainsi été mis sur l’interdépendance de ces défis et le besoin de créer une dynamique intégrant toutes les politiques publiques et les mettant en cohérence.
  • La publication du Global Material Resources Outlook to 2060 de l’OCDE – concluant notamment que la demande de matériaux au niveau mondial doublera d’ici 2060 – a souligné l’urgence et l’inévitabilité d’un changement de paradigme économique. Ces évolutions devront affecter la façon dont les biens et services sont produits et consommés mais aussi tels qu'ils sont échangés et transportés puis traités en tant que déchets. La vitesse et l’échelle des changements déjà perceptibles vont s'intensifier.
  • La transition vers une économie circulaire est à la fois possible (la montée des prix des matières premières crée des incitations à la réduction des déchets et à une utilisation plus efficiente des ressources ; la valorisation des déchets constitue un "business model" attractif ; de nombreuses créations d’emplois peuvent en découler) et désirable (les attentes des citoyens et consommateurs évoluent en ce sens). Elle peut constituer une opportunité de saut technologique et économique pour les pays en développement.
  • Cette transition va de pair avec la 4ème révolution industrielle : les nouvelles technologies de l’information, la Fintech, ou encore les nouvelles solutions de mobilité permettront à l’économie circulaire de fleurir, autant qu’elles-mêmes ont besoin de ce changement de paradigme pour se développer.
  • Réunissant également de nombreux acteurs du secteur privé (Google, Apple, Unilever, Coca-Cola ou encore Philips et ING), le forum a été l’occasion de présenter des actions concrètes et bonnes pratiques d’entreprises en vue d’intégrer les concepts de circularité et d’efficience des ressources employées, tant dans la conception des produits que dans les processus organisationnels.
  • La transition vers une économie circulaire sera facilitée par: des coopérations et partenariats entre toutes les parties prenantes (à l’échelle locale, nationale et internationale), l'innovation (technologique et de procédés), une meilleure régulation (correction des incitations économiques inefficientes et création de nouvelles formes de soutien, lutte contre les externalités, diffusion de l’information), l'adoption d’une approche plus systémique et la promotion auprès de la société civile (éducation, formation et sensibilisation à l’aide d’un narratif plus efficace).

2.     Une occasion pour le Japon d’afficher sa volonté de prise de leadership sur cette thématique

Les interventions de Shinzo Abe (Premier Ministre, par message vidéo), Yoshiaki Harada (Ministre de l’Environnement) et Tsukasa Akimoto (Secrétaire d’Etat à l’Environnement) ont souligné l’intérêt du gouvernement japonais pour l’économie circulaire.

Le Japon s’affiche depuis quelques années sur la scène internationale comme le porte-drapeau du développement d’une société fondée sur la circularité des ressources : le pays a notamment été à l’origine de l’initiative « 3R » (Reduce, Reuse, Recycle), qu’il promeut aux niveaux national[1] et international. Shinzo Abe a rappelé l’engagement du Japon en faveur de cette initiative et désigné la transition vers une économie circulaire comme « premier défi de ce type dans l’histoire de l’humanité ». Le Ministre Harada a par ailleurs qualifié le changement climatique d’incontestable et appelé à l’action pour « éviter la destruction de la planète ».

La volonté du gouvernement japonais – de plus en plus fréquemment évoquée ces dernières semaines – de s’attaquer aux problématiques de pollution par les déchets plastique (en particulier en milieu marin) a été rappelée à de nombreuses reprises. Dans cette dynamique, le MOE a annoncé le lancement de sa « Plastics Smart campaign » en octobre pour soutenir les initiatives en faveur de la réduction de la pollution aux déchets plastique, et son partenariat avec la Platform for Accelerating the Circular Economy (PACE) du World Economic Forum. Le Japon fera de cette thématique un sujet phare du G20[2] sous sa présidence en 2019 et s’est également engagé à porter les conclusions du WCEF 2018 au Forum de promotion des 3R Asie-Pacifique et à l'Assemblée des Nations Unies pour l'environnement.

La réalité de l’engagement du Japon en faveur de la réduction des déchets plastique reste toutefois à nuancer. On peut notamment rappeler que le Japon a refusé d’adopter la Charte sur les plastiques dans les océans au G7 2018. La présidence japonaise du G20 en 2019 permettra de mesurer l’évolution de la position japonaise sur ce sujet, dans les enceintes internationales.

Shinzo Abe a par ailleurs évoqué la campagne en cours afin de produire les médailles des JO 2020 de Tokyo à partir de métaux recyclés. On notera enfin la signature, en marge du Forum, d'un Mémorandum de coopération environnementale entre les Ministres de l’Environnement du Japon et de la Finlande.

Pour aller plus loin...

[1] Le concept de développement d’une société respectueuse du cycle des matériaux est entériné dans la loi et fait l’objet de plans publiés tous les cinq ans.

[2] Plus spécifiquement, du G20 Ministerial meeting on Energy Transitions and Global Environment for Sustainable Growth.