Extrait de l'éditorial :

Les Etats-Unis ont déclenché une escalade tarifaire telle que l’on peut se demander, avec l’éditorialiste Robert Samuelson: « si ce n’est pas une guerre commerciale qu’est-ce que c’est ?» Que voit-on dans la dynamique actuelle ?

 Une réaction en chaine. Aux droits américains sur l’acier et l’aluminium, peut-être demain sur l’automobile, au nom de la «sécurité nationale», s’ajoutent les sanctions unilatérales prises contre la Chine, au titre de la propriété intellectuelle et de l’investissement. Canada, Chine, Inde, Japon, Mexique, Russie, Union Européenne et Turquie ont immédiatement engagé des «mesures de rééquilibrage».

 Des masses commerciales d’ampleur déjà macro-économique. Les ordres de grandeur des flux commerciaux couverts par la présente escalade dépassent optiquement ceux des «batailles» antérieures. Côté importations américaines: 48 Mds d’USD pour l’acier et l’aluminium (section 232) + 46Mds$ contre 1102 produits technologiques originaires de Chine, avec une possibilité de 200 Mds$ supplémentaires, annoncée par le Président Trump. Dans le reste du monde: l’UE vient de « rééquilibrer » 2,8 Mds€ d’exportations américaines et en réserve 3 Mds € supplémentaires, la Chine en a frappé 45Mds $, le Canada 12,5 Mds etc…

 Une crainte avérée pour la croissance mondiale. La directrice générale du FMI, les banques centrales ont averti contre le risque de surenchère protectionniste. Outre l’impact direct des droits de douane sur le commerce des produits concernés, on doit redouter les effets «de second tour » (transmission des surcoûts vers la transformation en aval et les consommateurs finaux, réduction des commandes aux fournisseurs participant aux chaines de valeur internationales) et les effets d’incertitude, liés aux réactions boursières déjà visibles, au possible report d’investissements des entreprises ou consommateurs se sentant menacés dans leur emploi. Deux estimations «de coin de table» convergent sur l’ampleur du risque en cas d’affrontement commercial généralisé. Le Pr. Paul Krugman, prix Nobel, retient1 la possibilité d’imposition globale d’une fourchette de tarifs allant de 30 à 60%, qui engendrerait une diminution de 70% des flux commerciaux et une réduction du PIB mondial de 2 à 3%. De manière assez proche, le DG de l’OMC a imaginé, pour l’exemple2, l’hypothèse d’un monde dont les droits de douanes reviendraient à leur niveau d’avant la création du système multilatéral: s’ensuivrait une possible réduction des flux commerciaux de l’ordre de 60% et une contraction de l’économie globale de 2,4%...