Sonnée par son échec de Buenos-Aires, l’OMC peine à redémarrer son activité en ce début de 2018.

La réunion ministérielle n’a véritablement donné d’indication que pour une seule des négociations à l’ordre du jour, celle des subventions à la pêche : elle a donc repris officiellement fin janvier. La perplexité règne sur la manière de relancer les autres sujets embourbés en Argentine. D’aucuns penchent pour un « temps de réflexion », permettant de reposer les bases d’une discussion saine, en particulier pour l’agriculture: à défaut, plaident-ils, les mêmes causes produiront les mêmes effets lors de la prochaine conférence dans deux ans. A court terme, la première question à résoudre va être celle de la sélection de nouveaux présidents pour trois groupes de négociation (agriculture, services et règles).

Nombreux sont ceux qui affichent leur foi dans la bouée salvatrice du «plurilatéralisme », soit la négociation d’accords n’engageant pas tous les membres de l’OMC, à géographie variable selon les sujets. Il est vrai qu’une majorité de pays veut aller ainsi de l’avant et a signé à Buenos-Aires des déclarations d’intention pour de telles négociations, sur le commerce électronique, la facilitation de l’investissement, et la réglementation intérieure des services. L’inspiration est bonne, tous les pays n’ont pas nécessairement à s’engager à la même vitesse. Mais la démarche plurilatérale n’offre pas de baguette magique et soulève toujours d’importantes questions de principe : le bénéfice des accords ainsi négocié devra-t-il être étendu à tous par le jeu de la clause de la nation la plus favorisée ? Si oui, comment éviter les comportements de «passager clandestin»? Les accords seront-ils fermés ou ouverts à une adhésion ultérieure de ceux qui n’y auront pas participé initialement ? Seront-ils négociés au sein ou hors de l’OMC et soumis à la compétence du système de règlement des différends ? Quelles conditions doivent-ils remplir pour réunir la «masse critique » de pays qui leur donneront un véritable sens économique ?

Politiquement, le bilan de début d’année n’est pourtant pas mauvais pour l’organisation, si l’on en juge par la tonalité des discours tenus par les grands leaders réunis à Davos. Ils tendent à confirmer le constat d’un attachement universel à l’institution, y compris de la part des Etats-Unis, même si ces derniers en exigent avec véhémence la réforme. Reste que cette valorisation politique du multilatéralisme ne se traduit guère en recherche de compromis sur le terrain des négociations. Pis, le blocage américain de la nomination de trois nouveaux membres de l’organe d’appel de l’OMC menace déjà la capacité de l’institution à résoudre les différends commerciaux et fait ainsi peser sur elle une menace vitale à échéance de fin 2018 (voir notre «zoom» dans le présent numéro).

 La principale surprise de cette reprise provient de l’Inde, qui a annoncé l’organisation d’une réunion ministérielle restreinte, à New-Delhi, le 19 mars prochain. Venant de la puissance dont l’attitude intransigeante à Buenos-Aires est considérée comme portant une part substantielle de responsabilité de l’échec, ce mouvement de «leadership» a de quoi surprendre : s’agit-il juste de resserrer les rangs d’un monde en développement qui s’interroge forcément sur l’impasse stratégique dans laquelle il vient d’être conduit, 17 ans après le lancement du programme de Doha ? Ou, la réunion de New-Delhi pourrait-elle marquer une inflexion, dont la récente intervention du Premier Ministre Modi à Davos ferait alors figure de signal avant-coureur ?