La crise économique s'est traduite par une très forte progression du taux de chômage en Espagne qui est passé de 8 % en 2007 à un pic de plus de 26 % en 2013. Le chômage n'a atteint de tels niveaux dans aucun autre pays de l'Union européenne pendant la crise, à part en Grèce où la contraction de l'activité a été trois fois plus forte.

Au-delà de la forte dégradation de l'activité économique, des caractéristiques propres au marché du travail en Espagne pourraient avoir contribué à cette hausse du taux de chômage pendant la crise, les entreprises disposant de marges de manœuvre limitées pour adapter les conditions de travail au cycle économique. De ce fait, l'ajustement s'est fait de manière externe menant à la destruction de 3,3 millions d'emplois, en particulier des contrats à durée déterminée (CDD).

Dans ce contexte, l'Espagne a adopté plusieurs réformes d'ampleur du marché du travail entre 2010 et 2012 afin de renforcer la flexibilité interne des entreprises et réduire la segmentation du marché du travail par l'inversion de la hiérarchie des normes (priorité aux conventions d'entreprises), l'assouplissement des modalités de rupture des contrats à durée indéterminée et la définition de critères justifiant le recours aux licenciements économiques. Dès 2010, un premier accord national interprofessionnel vise à limiter les augmentations salariales, puis un autre signé en 2012 amplifie cette dynamique de modération salariale.

Depuis la fin 2013, les créations d'emplois apparaissent dynamiques grâce notamment au rebond de l'activité et à la très faible progression des salaires. Malgré une réduction du taux de chômage depuis la fin 2013, l'Espagne détient toujours le niveau de chômage le plus élevé (20,9 % fin 2015) après la Grèce.

L'effet des réformes du marché du travail sur ces créations reste difficile à évaluer compte tenu à la fois du peu de recul temporel et de l'ampleur des ajustements qui ont affecté l'économie espagnole en même temps. L'appropriation de certaines mesures reste limitée puisque les négociations au niveau de l'entreprise restent peu répandues. Toutefois, comme les latitudes nouvelles de flexibilités internes introduites par la réforme permettent aux entreprises de privilégier un ajustement à l'activité par les heures travaillées, les salaires ou l'organisation du travail plutôt que par l'emploi, il faudra attendre le prochain retournement conjoncturel pour voir si les entreprises y ont effectivement recours, préservant ainsi l'emploi.

Enfin, même s'il se résorbe à un rythme soutenu, le taux de chômage reste à un niveau élevé. Or les effets d'hystérèse risquent d'accroître de manière durable le chômage structurel, tandis que les besoins de qualification et les difficultés d'appariement sur le marché du travail risquent de freiner la baisse du taux de chômage.

Trésor-Éco n° 174