Editorial : « Des noces de perle au goût amer ».

Nous venons de célébrer les 30 ans de l’Accord de Marrakech du 15 avril 1994 qui a modifié en profondeur le cadre institutionnel du commerce international mis en place après la Seconde Guerre mondiale. Dans la foulée, l’OMC fêtera le 1er janvier 2025 ses 30 ans.

Dans le contexte actuel de tensions géopolitiques et d’incertitude politique, c’est un anniversaire en demi-teinte. D’un côté, l’OMC a exercé un réel attrait, avec désormais 166 Membres, permettant une nette diminution des droits de douane et des coûts du commerce international. Ses principes de transparence et de non-discrimination aident à garantir stabilité des droits de douane et prévisibilité des règles. L’OMC a certainement joué un rôle majeur dans la croissance du commerce mondial de biens et services qui a quintuplé en valeur depuis 1995, et dans la résilience du commerce mondial ces dernières années, malgré plusieurs chocs économiques majeurs. Cet accroissement des échanges a également coïncidé avec une forte diminution de la pauvreté dans le monde, bien qu’inégalement répartie entre les Etats.

Mais les nuages s’amoncellent et la crédibilité de l’organisation est entamée. Depuis 1995, les Membres de l’OMC n’ont réussi à se mettre d’accord que sur un nombre limité de nouveaux accords (facilitation des échanges, interdiction des subventions à la pêche INN, élimination des subventions aux exportations agricoles, soutien aux pays les moins avancés, flexibilités additionnelles pour la santé publique). Le système de règlement des différends de l’OMC, longtemps réputé pour son efficacité, est fragilisé par le blocage de l’Organe d’appel depuis 2019. Près des deux tiers des Membres sont en retard de notifications et des grands acteurs eux-mêmes s’écartent plus ou moins ouvertement des disciplines collectives. Enfin, les Membres de l’OMC ne parviennent pas à s’entendre pour moderniser les règles du commerce international et les adapter aux enjeux actuels : politique industrielle, sécurité alimentaire, réchauffement climatique et biodiversité, inclusion sociale entre pays et au sein de chaque pays.

L’OMC pourra retrouver une légitimité si ses Membres sont capables de faire en sorte qu’elle contribue pleinement à la réalisation de l’agenda 2030 de développement durable de l’ONU. C’est le sens de l’exhortation du Président de la République dans une récente interview, « l’OMC aujourd’hui est en crise profonde. A nous de la réinventer pour le 21ème siècle ».