Editorial : « Conférence d’Abou Dhabi : le plus petit dénominateur commun ? »

Les représentants des 164 Membres de l’OMC ont quitté Abou Dhabi, où venait de s’achever la 13ème Conférence ministérielle de l’OMC, avec des sentiments mitigés.

D’un côté, quelques résultats modestes mais réels : une déclaration de tous les ministres qui rappelle l’attachement aux grands principes du système commercial multilatéral ; la prolongation pour deux ans du moratoire sur les droits de douane sur les transactions électroniques et du programme de travail sur le commerce électronique ; le soutien aux négociations en cours sur la réforme du règlement des différends de l’OMC ; des décisions pour accompagner les pays les moins avancés ; enfin, l’adhésion de deux nouveaux pays, le Timor oriental et les Comores, qui rappelle l’importance de l’OMC pour le développement et l’intégration dans le commerce mondial.

De l’autre, le sentiment de « gueule de bois » face à des échecs. Les divisions entre Etats membres demeurent vives sur l’agriculture, au point de ne pas réussir à se mettre d’accord sur les objectifs d’une nouvelle négociation. Surtout, les Membres sont passés à deux doigts de conclure un accord pour interdire les subventions contribuant à la surpêche, accord qui serait venu compléter celui de 2022 sur les subventions à la pêche. Même la proposition de lancer des travaux prospectifs sur des enjeux majeurs pour l’avenir du commerce mondial comme le réchauffement climatique ou la politique industrielle n’a pu faire consensus. Sur chacun de ces sujets, un nombre limité de Membres, parfois un seul, a suffi à bloquer les progrès.

En l’état actuel de division du monde, il est de toute façon difficile de parvenir à de grands résultats lors des réunions ministérielles. Mais des progrès sont toujours possibles quand chacun y trouve son intérêt, qu’il soit commercial comme en 2013 sur la facilitation des échanges, ou environnemental comme en 2022 lors du 1er accord sur la pêche. Il est également possible d’avancer à plusieurs, entre pays partageant le même objectif : 123 Membres ont ainsi finalisé à Abou Dhabi la négociation sur la facilitation de l’investissement pour le développement. Mais cette voie plurilatérale, pour être incorporée dans l’ordre juridique de l’OMC, nécessite encore le consensus.

La rencontre d’Abou Dhabi est à l’image de l’OMC d’aujourd’hui : une enceinte de discussion qui reste opérationnelle, capable de résultats quand ses Membres partagent les mêmes objectifs. Comme l’a rappelé sa Directrice générale Mme Ngozi Okonjo Iweala, « la beauté de l'OMC réside dans le fait que chaque membre dispose d'une voix égale, mais cela a aussi un coût ». Et les gros titres des ministérielles ne doivent pas faire oublier l’important travail quotidien de l’organisation dans la mise en œuvre des règles existantes, facteur de stabilité et prévisibilité pour les acteurs commerciaux.