Précurseur sur la gestion des déchets et le recyclage dans les années 2000, le Japon développe l’économie circulaire en s’appuyant sur sa conception d’une société respectueuse du cycle des matériaux (SMCS) et les « 3R » (réduire, réutiliser et recycler). Si sa vision de l’économie circulaire a longtemps été principalement centrée sur la phase aval du cycle de vie des produits, le Japon fait évoluer son cadre réglementaire, sur le plastique notamment, pour tendre vers des politiques d’économie circulaire plus intégrées. Des initiatives public-privé, globales et sectorielles, se développent pour favoriser le dialogue et les opportunités de collaboration entre parties prenantes.

 

1. Les évolutions du cadre règlementaire japonais : le plastique en ligne de mire

Le dispositif législatif encadrant la mise en place d’une société respectueuse des matériaux est structuré en trois niveaux : (i) les lois fondamentales sur l'environnement et pour l'établissement d'une société respectueuse du cycle des matériaux, définissant l’approche japonaise et des plans d’action tous les 5 ans, (ii) des dispositions complémentaires sur la gestion des déchets et l’usage efficace des ressources et (iii) sectorielles (recyclage des emballages, déchets alimentaires, déchets électroniques, etc.).

Legislative Framework

Source : Ministère de l'environnement (MOE)

Le gouvernement japonais s'efforce de plus en plus d’étendre son périmètre opérationnel de circularité des ressources, notamment plastiques, aux phases amont des processus de production (design des produits plastiques, certifications et réduction du plastique à usage unique).

Une Stratégie de circulation des ressources plastiques de 2019, fruit d’un travail interministériel piloté par le ministère de l‘environnement (MOE), a fixé une trajectoire et des objectifs à 5 ans (2025, 2030 et 2035) sur la politique des 3R et le recyclage du plastique (conception d’emballages en plastique recyclables et réutilisables d'ici 2025, réduction de 25% de la production de plastique à usage unique d'ici 2030…).

STrategy 2019

Source : Plastic Resource Circulation Strategy (2019), MOE (schéma de l'IGES) 

En 2020, le Ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie (METI) a également partagé sa vision de l’économie circulaire exprimant pour la première fois qu’« un modèle économique linéaire conventionnel de production et consommation de masse n’(était) plus soutenable. »

Dans un pays où l’usage du plastique reste très répandu (voire en phase d’expansion pour raisons sanitaires pendant la période de COVID19), le gouvernement a pourtant, en juin 2021, adopté une nouvelle loi sur la promotion de la circulation des ressources en plastique, « Plastic Resource Circulation Act » renforçant des mesures à toutes les étapes du cycle de vie des plastiques. Pour le ministre de l'environnement, la loi vise à « créer une société qui ne produise pas de nouveaux déchets plastiques d'ici 2050 » : entrée en vigueur en avril 2022, elle cible notamment la réduction des plastiques à usage unique et introduit de nouvelles lignes directrices pour la conception et la production d'articles en plastique. Le gouvernement a également publié en janvier 2021 une Feuille de route pour l'introduction des bioplastiques sur 30 ans, afin de promouvoir auprès de toutes les parties prenantes concernées le remplacement des plastiques actuels d'origine fossile par des bioplastiques durables.

Afin d’accompagner ce nouveau cadre réglementaire, le METI et le MOE ont élaboré conjointement un « Guide de divulgation et d'engagement pour accélérer le financement durable de l'économie circulaire », qui aide les entreprises japonaises faisant des efforts pour contribuer à une économie circulaire à en rendre compte, dans l'optique d'être évaluées de manière appropriée par les investisseurs et les institutions financières internationales.

Le gouvernement prévoit aussi de publier au cours de l'été 2022 une feuille de route pour l'économie circulaire, susceptible d'établir la direction à suivre pour la transition d'ici 2050 et de définir les politiques relatives aux matériaux et aux produits jusqu'en 2030 environ.

2. Des initiatives issues de partenariats public-privé : textile, plastique, terres rares...

L’économie circulaire prend également de l’importance au sein du secteur privé, disposé à coopérer avec le gouvernement. Le MOE, le METI et le Keidanren ont lancé en mars 2021 le « Japan Partnership for Circular Economy » (J4CE), qui favorise les échanges entre les secteurs public et privé. Ce partenariat est doté d'un secrétariat assuré par IGES (Institut pour les Stratégies Environnementales Globales, créé en 1998), et a donné naissance à la plateforme J4CE, qui rassemble et promeut les initiatives nouvelles et/ou existantes menées au Japon.

J4CE

Des initiatives public-privé ciblent aussi la question du plastique, notamment des déchets plastiques en mer avec la « Japan Clean Ocean Material Alliance » (CLOMA), créée en janvier 2019. De nombreuses entreprises de la chaîne d'approvisionnement en plastique ont rejoint l'alliance et coopèrent afin de développer des matériaux alternatifs et introduire des mesures 3R pour surmonter le problème des déchets plastiques marins.

CLOMA

Source : CLOMA

La campagne « Plastics Smart » du MOE promeut le partage d’informations et de bonnes pratiques entre parties prenantes, société civile comprise.

L’industrie textile commence également à se saisir du sujet. La maison de commerce Itochu et 27 autres entreprises japonaises des secteurs de la mode et du textile ont rejoint l'Alliance japonaise pour une mode durable, une initiative lancée par le MOE, le METI et l’agence de consommateurs en août 2021. L'Alliance a déclaré qu'elle visait la neutralité carbone et à la réduction à zéro des "pertes" de mode - c'est-à-dire la production de déchets tels que les tissus inutilisés - d'ici 2050. Elle s’est fixée à ces fins des objectifs d’ici 2030 concernant la transparence dans la gestion des stocks, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de la chaine de valeur et l’introduction de matériaux durables innovants ; des cibles quantitatives doivent être définies prochainement.

Le Japon, qui en est un large importateur, se positionne également de longue date, de manière inédite, sur le recyclage des terres rares, à destination notamment de l’industrie des aimants permanents et des batteries électriques.
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Rédigé par Sarah Mellier et Rémy Cardinet