Par invitation

La réforme de l’Organisation Mondiale du Commerce, priorité de l’Union européenne*

 

L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a cette année fêté ses vingt-cinq ans. Les festivités sont restées discrètes autour d’une Organisation que chacun reconnaît en crise. Tous ses Membres s’accordent désormais sur la nécessité d’une réforme visant à maintenir et consolider l’Organisation comme point d’ancrage du système commercial international. Néanmoins, les Membres n’ont jusqu’à présent dans leurs débats défini ni le contenu ni la méthode ni la date butoir d’une telle réforme. Sur le fond, les priorités diffèrent.

L’Union européenne a récemment apporté une contribution de poids en mettant en avant des propositions concrètes dans la cadre de la stratégie commerciale qu’elle a présentée mi-février pour les années à venir (« Une politique commerciale ouverte, durable et ferme » - COM/2021/66 final). Le volet consacré à l’OMC en est en effet un pan majeur. Les signaux sont forts : alors que l’agenda commercial européen a un temps mis davantage l’accent sur l’approche bilatérale ou régionale, priorité est (re)donnée au multilatéralisme – ce qui s’inscrit dans un mouvement d’ensemble de la politique extérieure européenne. Il convient de redonner à l’OMC la capacité de mener à bien des négociations répondant aux aspirations et besoins d’aujourd’hui et de demain. Il s’agit en particulier de rétablir les conditions d’un commerce international non faussé, développer un cadre commun pour le commerce électronique ou accompagner la croissance verte. L’architecture des négociations doit être revue notamment pour mieux ajuster les flexibilités aux besoins des pays plus vulnérables ou mieux arrimer les avancées plurilatérales au cadre multilatéral. Il est impératif d’engager un dialogue renouvelé avec en particulier les Etats-Unis pour rétablir un système - probablement revisité - de règlement des différends qui a fait et doit faire toute la force de l’Organisation. Enfin, il faut donner à l’OMC des moyens plus efficaces pour assurer ses fonctions de transparence et de suivi de la politique commerciale de ses Membres.

 Le temps presse. Dr Ngozi Okonjo-Iweala, la nouvelle Directrice générale de l’Organisation, a montré dès les premiers jours de sa prise de fonction qu’elle entendait participer activement à « redonner un sens » à l’Organisation. L’Union européenne ne peut que souscrire à l’alliance d’ambition et de réalisme qu’elle porte. La prochaine Conférence ministérielle de l’OMC doit finalement s’ouvrir à la fin du mois de novembre. Elle sera en ce sens un moment clé. Conclure les négociations sur les subventions à la pêche, faire un pas décisif sur les questions « commerce et santé », définir un programme de travail crédible pour les années à venir, donner un cadre et un horizon aux efforts relatifs à la réforme de l’Organisation, consacrer les progrès des négociations plurilatérales – telles sont les attentes de l’Union européenne pour cette Conférence. Forte des propositions qu’elle a lancées et en collaboration avec la Directrice générale, l’Union européenne promouvra un échange, ardu certes, mais indispensable à que ces objectifs se réalisent et qu’un mouvement de modernisation plus profonde aboutisse à moyenne échéance.

 

Ambassadeur João Aguiar Machado,

Représentant permanent de l’Union européenne auprès de l’OMC

 

*Editorial extrait de la Tribune publiée en fin de ce numéro.