Extrait de l'éditorial :

Deux voitures foncent vers une collision frontale. Si l’un des conducteurs dévie il évite la catastrophe, fait donc le bien pour les deux, mais passe pour un pleutre et donc un perdant face à l’autre. Tel est le très sérieux scenario de la «pouille mouillée» (ou «chicken game»), issu de la théorie des jeux. Plusieurs enjeux de politique commerciale internationale rappellent aujourd’hui ce modèle, en s’imposant au premier plan des risques identifiés par le FMI à court-terme pour la croissance mondiale, déjà frappée d’un pronostic de ralentissement en 2019. Qu’il s’agisse de la menace d’adoption par les Etats-Unis de mesures protectionnistes en matière automobile en février, de la possible reprise en mars de la guerre commerciale sino-américaine, d’une sortie brutale du Royaume-Uni de l’UE en avril, autant de risques de «no-deal», de collisions commerciales, qui pourraient contribuer à une spirale récessive.

Les milieux d’affaires réunis à Davos en ont exprimé leur inquiétude. Comme certains membres de l’OMC qui, conscients du danger, ont exprimé dans les Grisons leur volonté d’en sortir en promouvant les alternatives de coopération, dialogue et négociation. Les ministres participant à la traditionnelle réunion organisée par la Suisse, ainsi que ceux du « groupe d’Ottawa», emmenés par le Canada, y ont souligné l’ampleur du défi posé au système multilatéral et l’urgence d’y apporter des réponses immédiates, en particulier via l’effort de réforme, ou modernisation, de l’OMC.

En premier lieu, en réhabilitant la fonction de négociation de l’organisation depuis trop longtemps enrayée : l’obtention en 2019 d’un accord multilatéral sur l’élimination des subventions à la pêche illégale, à la surcapacité et la surpêche fait ici figure de priorité existentielle ; le lancement, acté à Davos, avec participation chinoise et américaine, d’une négociation « plurilatérale » sur le commerce électronique est estimé essentiel pour lui conserver sa pertinence dans l’économie de l’avenir. En même temps, il faut parvenir à restaurer un fonctionnement normal de l’organe de règlement des différends. L’UE et plusieurs partenaires de l’OMC ont pris l’initiative de formuler des propositions concrètes, qui visent à répondre aux griefs formulés par les Etats-Unis contre la «dérive» que ces derniers imputent à son organe d’appel. Grâce à cet effort, la discussion a pu être officiellement lancée en janvier au sein de l’organisation : un premier bilan en sera dressé au conseil général de fin février...