Alors que la décision prise par la Banque Centrale d’abandonner le régime de parité fixe de la livre égyptienne en novembre 2016 avait marqué le retour des investissements des non-résidents, en particulier sur le marché de la dette domestique, la tendance a commencé à s’inverser depuis la fin du mois de mars. Le montant des titres publics (t-bills et t-bonds) détenus par les non-résidents a ainsi été ramené de 380,3 mds d’EGP (soit 31,4% du stock) fin mars 2018 à 269,1 mds d’EGP (soit 21,2% du stock) fin juillet 2018, soit une diminution voisine de 30%.

En parallèle, les taux d’intérêt des t-bills et t-bonds, dont la tendance était à la baisse depuis août 2017, augmentent de nouveau depuis mars-avril 2018 dans des proportions comprises entre 100 et 200 pb suivant les échéances. En septembre, le Ministère des Finances a ainsi annulé à quatre reprises en l’espace de quatre semaines des adjudications de t-bonds portant sur un montant total de 3,5 mds d’EGP par opération (soit un peu moins de 200 M$) pour des taux qu’il a jugés « déraisonnables ». Manifestement, l’Egypte est testée par les marchés et leur répond ainsi d’une part qu’elle n’a pas un besoin immédiat de refinancement et qu’elle n’est pas prête à accepter n’importe quel niveau de taux. L’annonce récente par le Ministre des Finances, qui par ailleurs multiplie les discours rassurants dans les médias et auprès des communautés d’affaires, de solliciter le marché international des capitaux dans le courant du premier trimestre 2019 à hauteur de 5 mds$ constituera en tout état de cause un « test ».

L’augmentation du coût de financement de l’Etat aurait un impact direct sur les finances publiques, de surcroit alors que le prix du baril de pétrole vient de dépasser 80$ (alors que l’hypothèse retenue dans le budget 2018/19 le fixait à 67$). Premier poste sur le budget 2018/19, les dépenses au titre du service de la dette (capital + intérêts) devraient croître fortement (+23,6% en glissement annuel à 541,3 Mds EGP soit 30,6 mds$), tirées par la hausse du montant des intérêts sur la dette externe (+15%) et interne (+24,2%). La charge de la dette représenterait ainsi 10,3% du PIB et 38% des dépenses publiques en 2018/19 (contre 10% du PIB et 40,3% des dépenses publiques en 2017/18). Par ailleurs, le gouvernement table sur un taux d’intérêt des émissions obligataires domestiques de 14,7% en moyenne sur l’année 2018/19 (contre 18% l’année précédente) ce qui parait difficilement réalisable si la tendance actuelle venait à se confirmer. Dans ce contexte, le Ministère des Finances songerait à réviser sa cible de déficit public pour l’année 2018/2019 de 8,4% du PIB initialement à 8,6% du PIB.

Du côté des marchés financiers, l’indice EGX30 (qui mesure l’évolution des principales cotations en bourse du Caire), a perdu 20% de sa valeur depuis la fin du mois d’avril mais seulement un peu moins de 3% depuis le début de l’année.

 

Alors que la crise a fragilisé un certain nombre de pays émergents (Argentine, Turquie, Afrique du Sud ou encore Nigéria) dont les fondamentaux économiques sont moins solides, l’Egypte est considérée comme moins vulnérable par les observateurs, à commencer par le FMI. Contrairement à l’avis de certaines agences de notation qui classent l’Egypte parmi les pays vulnérables, le FMI salue régulièrement l’amélioration des fondamentaux économiques de l’Egypte. Son Conseil d’Administration a par ailleurs finalisé sans difficulté sa troisième revue du programme de réforme et a engagé le décaissement de la 4ème tranche de prêt (2 mds$ qui porte le total des versements à 8 mds$). Dernier message rassurant pour les marchés, celui de Christine Lagarde qui a publié un communiqué le 25 septembre, en marge de sa rencontre avec le Président Sissi, félicitant la bonne tenue du programme.

Les principales agences de notation ont quant à elles relevé la note souveraine de l’Egypte (B- à B perspective stable pour Standard & Poor’s ; B3 avec une perspective relevée de stable à positive pour Moody’s) ces derniers mois. Mi-septembre, Capital Intelligence a également relevé la note souveraine de l’Egypte de B/B (perspective positive) à B+/B (stable).

 

Les réformes mises en œuvre ont conduit à une amélioration sensible des « déficits jumeaux » (de 10,9 à 9,8% du PIB pour le déficit public et de 6 à 2,8% du PIB pour le déficit courant entre 2016/17 et 2017/18) permettant de faire face à ces chocs externes. Le montant des réserves en devises de la Banque Centrale est passé de 19 mds$ en octobre 2016 (3 mois d’importations de biens et de services) à 44,4 mds$ en août 2018 (6,8 mois d’importations de biens et de services). Les autorités égyptiennes, conscientes du coût des subventions au pétrole dans le budget (l’augmentation d’1$ du baril équivaudrait à une augmentation de 4 mds EGP dans le budget consacré aux subventions), ont confirmé leur suppression au 1er juillet 2019 et la mise en place d’un mécanisme d’indexation aux prix du marché. Quant aux subventions à l’électricité, leur suppression reste programmée à 2022. Surtout, et ce pour la première fois depuis 10 ans, un excédent primaire a été dégagé lors de l’exercice 2017/18. Bien que symbolique (0,2% du PIB), ce dernier n’en demeure pas moins un résultat très satisfaisant notamment pour soulager la pression engendrée par le service de la dette. L’objectif d’excédent primaire a été fixé à 2% du PIB pour l’exercice 2018/19.

Contrairement aux devises turque ou argentine qui ont été fragilisées, la livre égyptienne n’a pour le moment pas été « testée » par le marché. Alors que le flottement de la livre avait été accompagné d’une dépréciation de plus de 50% de sa valeur, elle s’est stabilisée depuis février 2017 à un taux proche de 18 EGP/$.

La situation des banques égyptiennes, qui sont provisionnées en fonds propres au-delà des recommandations de Bâle 3, n’inspire pas d’inquiétudes particulières. Le taux de créances douteuses est en baisse et parfaitement provisionné et la supervision est satisfaisante.

La croissance s’est accélérée, passant de 3,6% en 2016/2017 à 5,3% en 2017/2018. L’indice PMI (Purchasing Manager’s Index) a quant à lui légèrement dépassé le seuil symbolique des 50 au mois de juillet (50,3) et au mois d’août (50,5) témoignant d’un début de reprise de l’activité du secteur privé (hors secteur hydrocarbures).

De même, l’inflation semble désormais sous contrôle et devrait atteindre l’objectif fixé par la Banque Centrale. Le taux d’inflation a progressivement été ramené à 14,2% en août 2018 en grande partie grâce à la politique monétaire restrictive de la Banque Centrale (+700 pb d’augmentation des taux directeurs avant une baisse de 200 pb en mars-avril 2018). Le dernier comité de politique monétaire a par ailleurs décidé de maintenir les taux directeurs inchangés le 27 septembre et réaffirmé l’objectif de baisse de l’inflation à 13% d’ici la fin de l’année.

Le gouvernement entend bien poursuivre ses efforts en matière de réduction de la dette et devrait annoncer prochainement une stratégie de réduction de la dette publique (qui a atteint 98% du PIB à la fin du mois de juin 2018). Elle consisterait à plafonner le niveau d’endettement interne et externe du pays. D’après les premières informations, celui-ci prévoirait de ramener le ratio dette publique/PIB à 70% d’ici 4 ans.