Le secteur pétrolier en Egypte
L’Egypte dispose de réserves prouvées de 3,3 Mds de barils de pétrole en 2017 : les 6ème d’Afrique (derrière la Libye, le Nigéria, l’Algérie, l’Angola et le Soudan du Sud), soit 0,2% des réserves mondiales et moins de 14 années de réserve au rythme de consommation actuel. Depuis le pic de production de 1996 avec 922.000 barils/jour, la production diminue progressivement (-5,4 % entre 2007 et 2017) tandis que la consommation ne cesse de croitre en cycle long (+27,1 % entre 2007 et 2017), accompagnant la croissance démographique et les habitudes de consommation (+59% de voitures immatriculées entre 2007 et 2017).
L’Egypte est le premier consommateur d’Afrique avec 816.000 barils/jour en 2017. Si la consommation a légèrement baissé en 2017, la tendance lourde devrait être à la croissance de la consommation dans les prochaines années (1M de b/j en 2023 se lon les projections de l’International Energy Association pour un niveau de production à 440.000 b/j). L’Egypte, devenue importateur net de pétrole en valeur depuis 2010, devrait donc connaitre un accroissement de son déficit commercial pétrolier – en moyenne 3,3 Mds USD par an entre 2012 et 2017 - dans les prochaines années.
Depuis 1977, l’Egypte est également un acteur important dans les services de transport de pétrole brut avec l’oléoduc du SUMED entre Ain Sokhna (mer rouge) et Alexandrie (320 km). Avec une capacité de 2,5 M b/j, cet oléoduc (détenu par l’Egypte : 50% ; l’Arabie Saoudite : 15% ; les EAU : 15% ; le Koweit 5% ; le Qatar : 5%) assure un flux de pétrole continu depuis les pays du Golfe vers l’Europe disposant notamment de l’un des plus grands terminaux pétroliers de Méditerranée, Sidi Krir (capacité de chargement de 5 tankers simultanément). Il est principalement utilisé par les pétroliers VLCC et ULCC (Very and Ultra Large Crude Carrier) dont l’allègement est nécessaire pour la traversée du Canal de Suez.
L’Egypte dispose de trois bassins de production principaux. La région du Golfe de Suez, dont la production représente 40% du volume total en 2017 (offshore et on-shore) a connu une chute de sa production de 20% entre 2010 et 2017 (313.000 barils/jour à 253.000). Cette situation a été aggravée par la fragmentation géographique et le faible volume des puits qui sont en conséquence exploités par des producteurs de taille intermédiaires dont les investissements sont bien plus dépendants des conjonctures du marché. La situation s’est cependant améliorée ces derniers mois avec la remontée des cours qui a relancé les activités d’exploration et les velléités d’investissements dans l’extension des capacités de production.
Le désert occidental, qui représente 55% de la production en 2017, est depuis 2011 la première région pétrolière du pays avec des gisements on shore regroupés qui ont permis des investissements massifs des super majors (Apache, BP, Eni et Shell) ces dernières années. En conséquence, la production régionale a augmenté de 21% entre 2010 et 2017, passant de 290.000 barils/jour en 2010 à 350.000 en 2017.
La région delta du Nil – Méditerranée (offshore et on shore) représente 5% de la production égyptienne en 2017. Celle-ci se fait essentiellement sous forme de condensat en marge de la production des nouveaux champs gaziers de Méditerranée (Atoll et Zohr principalement) mais les premières estimations des réserves font état d’un potentiel limité. Ainsi, le champ d’Atoll, exploité par BP, serait l’un des plus importants avec 31 millions de barils de réserves.
Pour l’ensemble des activités d’exploration et production au nord du 28ème parallèle (soit l’essentiel des sites de production), les entreprises étrangères doivent nécessairement former une co-entreprise avec l’entreprise publique EGPC : Egyptian General Petroleum Corporation (EGPC), compagnie pétrolière nationale égyptienne fondée en 1956. EGPC dispose d’une trentaine de filiales et est également en charge de l’attribution des permis d’exploration et de la commercialisation des produits pétroliers. Pour l’ensemble des activités au sud de ce parallèle (soit essentiellement des activités d’exploration), les entreprises étrangères doivent former une co-entreprise avec le pendant d’EGPC pour le sud du pays, GANOPE. Les deux autres acteurs principaux du secteur sont les entreprises publiques ENPPI (Engineering for the Petroleum & Process Industries) société d’Ingénierie et d’équipement, et Petrojet, société de génie civil des sites de production et de transformation.
L’Egypte dispose des capacités de raffinage les plus importantes d’Afrique avec 732,000 b/j de capacités installées, mais seulement 527,000 b/j en capacités opérationnelles (production 2017 : 508.000 b/j) en raison du sous-investissement de modernisation des dernières années. Alors même que la consommation de pétrole a augmenté en moyenne de 3,6% ces dix dernières années en Egypte, la production des raffineries a enregistré un recul moyen de 2% sur la même période. Cet écart croissant entraine donc un recours de plus en plus massif aux fournisseurs extérieurs et les importations de pétrole et produits pétroliers en volume auraient augmenté de 201% entre 2007 et 2017 tandis que les exportations ont légèrement diminué. Le manque de capacités opérationnelles des raffineries impose ainsi un recours croissant aux produits raffinés – et dans une moindre mesure au pétrole brut léger - alors même que l’Egypte doit exporter une partie de son pétrole lourd qu’elle ne peut raffiner (incapacité à traiter les très hautes teneurs en souffre notamment).
Afin d’endiguer ce phénomène, le ministère du pétrole a lancé début 2017 un vaste plan de modernisation et d’extension – estimé par son ministère à 8 Mds USD - des raffineries égyptiennes. Ce plan doit permettre d’ici 2022 de réduire la part du pétrole consommé en Egypte non traité par les raffineries de 35% en 2016 à 5%. Le projet le plus emblématique est à ce titre celui de la raffinerie de Mostodor, de l’Egyptian Refining Company (ERC) à 4,3 Mds$ qui doit entrer en service début 2019.
L’industrie pétrochimique égyptienne - 3% du PIB en 2017 et 12% de la production industrielle - a été affectée ces dernières années par la chute de la production de gaz naturel (chute d’un tiers de la production entre 2011 et 2016). Sans ce complément essentiel aux produits pétroliers dans cette industrie, la production effective de produits pétrochimique serait descendue à 51% des capacités installées sur la même période. La reprise de l’amont gazier depuis 2017 devrait permettre de soutenir la reprise du secteur dans les prochaines années, prolongeant ainsi la croissance de 30% (de 31,2 M/t à 35,5) enregistrée entre les années fiscales 2015/16 et 2016/17.
Cette reprise est nécessaire à l’accompagnement de la croissance industrielle (indice de croissance de la production industrielle positif sans discontinuité depuis janvier 2017), mais également voulue par le gouvernement égyptien afin d’intégrer une source de revenus plus stable au secteur pétrolier égyptien (les cours des produits de la pétrochimie sont bien plus dépendants des évolutions de la croissance industrielle que du cours du pétrole). Le gouvernement souhaite ainsi poursuivre son programme de modernisation et d’extension dont les deux réalisations depuis 2016 sont le site de production d’éthylène (480.000 t) de l’entreprise publique égyptienne Ethydco et l’extension du site de Damiette de la société MOPCO (1,3 M.t de fertilisants supplémentaires). Cinq nouvelles extensions de sites sont projetées à court terme par le ministère du pétrole.
Le secteur privé de la pétrochimie est aussi un acteur essentiel de la modernisation en cours : en juin 2018, le projet Tahrir Petrochemicals Complex d’Aïn Sokhna, (TPC) a été signé entre les sociétés Carbon Holdings (Egypte) et Bechtel (Etats-Unis). D’un montant de 10,9 Mds USD sur financements chinois, égyptiens, américains, britanniques et allemands, ce projet qui doit être achevé en 2020 devrait représenter à terme un quart des exportations égyptiennes de produits pétrochimiques pour une production totale de 4 M.t (propylène, éthylène, benzène, butadiène). L’Egypte exporte déjà vers une cinquantaine de pays (Turquie, France, Arabie Saoudite, Italie et Espagne en sont les principaux destinataires) et ce projet doit lui permettre de confirmer son statut d’exportateur (en 2017, les exportations de produits pétrochimiques comptaient pour 17,1% du total contre 12,1% en 2016).
Dans le cadre du programme d’ajustement économique et financier engagé en 2016 avec le FMI, les subventions sur les carburants devraient être supprimées dès juin 2019 – engagement réitéré à l’occasion de la revue FMI de juin 2018 – en raison de leur poids important sur le budget égyptien depuis la dévaluation de la livre de novembre 2016 (de 2 mds USD sur l’année fiscale 2016/17 à 6,2 mds pour 2017/18). Le 16 juin dernier, la troisième vague de hausse du prix des carburants - entre 17% et 51% selon les carburants - est donc venue rééquilibrer un déficit aggravé de 4 Mds de LE (environ 200 M EUR) à chaque augmentation de 1 USD du cours mondial du baril de Brent par rapport aux 67 USD prévus par le gouvernement pour l’exercice budgétaire actuel.
Au-delà de son impact sur le budget égyptien, l’objectif poursuivi est de rendre l’industrie pétrolière compétitive grâce à une libéralisation progressive permettant l’apport de capitaux et d’expertise extérieure au secteur. Le gouvernement a ainsi annoncé début 2016, et réitéré début 2018, sa volonté de lister des compagnies pétrolières publiques à la bourse égyptienne (EGX 30). Pour la première phase d’introduction en bourse, cinq raffineries et complexes pétrochimiques auraient été sélectionnées par le Ministère de l’Investissement (MIDOR, Ethydco, Amoc, MOPCO et Enppi). Les entrées seraient cependant limitées à 30% du capital des entreprises cotées.
L’Egypte tente depuis plusieurs années de diversifier son mix énergétique primaire afin de réduire sa dépendance au pétrole. La limitation des quotas de fuel pour les entreprises a déjà entrainé la conversion de nombreuses industries lourdes au gaz combustible, permettant ainsi de faire passer pour la première fois en 2016 le gaz naturel comme premier composant du mix énergétique primaire (42,4 M de Tonnes Equivalent Pétrole contre 42 millions TEP pour le pétrole). En 2017, la tendance s’est encore accentuée avec 48,1 TEP pour le gaz naturel contre 39,7 TEP pour le pétrole. La mise en service des centrales à gaz à cycle combiné Siemens (14,4 GW) fin 2018 et la mise à l’arrêt consécutive de centrales thermiques au fuel devrait encore accroitre cet écart dans les prochaines années.
Par ailleurs, les autorités cherchent à développer les véhicules au gaz naturel ou électriques et la suppression progressive des subventions sur les carburants contribue à ce mouvement, certes d’importance (+250% de conversion de véhicules particuliers de l’essence au gaz à la suite des augmentations de juin 2017) mais encore limité (environ 35 véhicules/jour à l’été 2017) en raison du manque de stations-services GPL. Le développement des véhicules électriques pourrait également accompagner ce mouvement à l’initiative de l’entreprise Revolta, qui a lancé en février 2018 un programme d’installation de 300 bornes de recharge électriques (EV Link) dans les stations-services égyptiennes d’ici 2020 ainsi que l’achat de 1000 véhicules électriques.