Le gouvernement japonais a fixé l’objectif en 2030 d’une production d’électricité assurée à 1,7% par l’éolien. L’atteinte de cet objectif repose sur d’importants déploiements et nécessite des innovations technologiques et réglementaires, afin de permettre le quadruplement des capacités éoliennes installées sur l’archipel entre 2015 et 2030. Dans la pratique, le développement des projets éoliens est en effet aujourd’hui confronté à de nombreuses difficultés qui rendent les initiatives du secteur privé longues et coûteuses.

1. Des politiques japonaises de développement et de promotion de l’énergie éolienne concrètes et ambitieuses

Eoliennes à Kitakyushu (MLIT)1.1 Les entités en charge du développement de l’éolien au Japon sont le Ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie (METI), qui définit au niveau national la politique de développement de l’éolien et a dressé des objectifs ambitieux de développement de l’éolien d’ici 2030 (voir graphique ci-dessous), et la New Energy and Industrial Technology Development Organization (NEDO), en charge d’appuyer financièrement les projets R&D pour le développement de nouvelles technologies et de promouvoir les politiques économiques et industriels du gouvernement.

L’éolien  représente 1% du mix électrique japonais en 2016, avec 3,3 GW de capacités en opération. L’objectif de développement fixé par le METI est d’atteindre une part d’éolien de 1,7% du mix électrique et au minimum 10 GW de capacités installées (soit une multiplication par 3 par rapport à 2016). Bien que l’éolien en mer soit régulièrement mis en avant, l’enjeu réel sur les 15 prochaines années pour le développement éolien au Japon est donc très largement sur l’éolien terrestre, qui devra représenter 9,2 GW des 10 GW prévus en 2030.

Eolien

1.2 Le développement de l’éolien au Japon est corrélé aux tarifs d’achat d’électricité renouvelable en vigueur et aux politiques de développement établies par le gouvernement pour appuyer le déploiement des technologies éoliennes sur l’archipel.

(i) L’éolien terrestre

Le gouvernement japonais aspire à augmenter les capacités installées d’éolien terrestre tout en réduisant les coûts de production jusqu’à 8-9 JPY/kWh d’ici 2030. Le développement de l’éolien terrestre au Japon est pénalisé principalement par le manque d’espace disponible (ou non-protégé) sur l’archipel (parcs naturels, sources chaudes, sites de production agricoles). Le METI a donc formé un groupe de travail en 2016 en vue d’alléger les conditions de validation pour le lancement de projets éoliens terrestres. En effet, les entreprises porteuses de projets doivent passer par une procédure longue et stricte, prévue dans les lois japonaises réglementant la phase d’étude d’impact environnemental (Hot Spring Law, Migratory Bird Law, Natural Park Law et Agricultural Land Law). Le gouvernement japonais a déjà réformé la loi sur les parcs naturels pour permettre au secteur privé d’entreprendre des projets verts dans les zones protégées par cette loi. Des améliorations sont attendues courant 2018 pour une simplification des procédures.

(ii) L’éolien en mer

Construction d'une éolienne en mer au large de Kitakyushu (NEDO)Les projets éoliens en mer ne bénéficient pas d’une grande popularité auprès du secteur privé japonais, la principale raison étant la faible rentabilité des projets, malgré des tarifs d’achat élevés, en particulier pour l’éolien off-shore, de 36 JPY/kWh (1,6 fois le tarif applicable à l’éolien terrestre qui est de 22 JPY/kWh). En vue d’inciter les entreprises japonaises à investir dans l’éolien en mer, le gouvernement japonais a annoncé fin 2017 son intention de promulguer une nouvelle loi visant à faciliter le développement de centrales éoliennes en mer en établissant de nouvelles normes simplifiant les procédures en le lancement de projets et fixant une durée d'opération des centrales qui pourrait être étendu à 20 ans. Etant un archipel, le Japon dispose de nombreux emplacements propices à la production d'énergie éolienne en mer, avec des estimations évaluant la technologie en mer cinq fois plus efficace en termes de production électrique que l'éolien terrestre. Le gouvernement souhaite réduire les risques d'opérations et encourager le secteur privé à augmenter ses investissements dans le cadre de projets éoliens en passant de nouvelles lois favorable au développement de cette énergie. Les quatre ministères concernés – le Cabinet Office, le METI, le MOE et le MLIT – ont lancé des discussions dans ce sens mais de nombreuses questions restent à résoudre. Actuellement le principal frein à l'intérêt du secteur privé dans l'éolien en mer est l'absence de lois au niveau national dans ce domaine, ce qui permet aux préfectures d'établir leurs propres directives. Le gouvernement a déjà lancé une révision du Port and Harbour Act pour établir des procédures permettant aux villes et collectivités de solliciter les services de gestionnaires. Dans le cadre de la nouvelle loi, les opérateurs seront tenus de se présenter devant les ministères concernés, au lieu des gouvernements locaux, pour lancer un projet. La durée des opérations d'une centrale éolienne en mer pourrait être étendue à 20 ans - contre 3 à 10 actuellement.

1.3 Plusieurs projets éoliens à l’initiative du gouvernement sont en cours de développement au Japon, à l’image du Fukushima Floating Offshore Wind Farm. Dans le cadre du Plan de revitalisation de la région de Fukushima, une initiative visant à transformer la préfecture de Fukushima en pôle de production d’énergies renouvelables a été lancée par le METI en 2013. La mise en place de cette initiative s’est traduite par la construction d’une ferme flottante composée de 3 éoliennes de 2MW (depuis novembre 2013), 7MW (depuis décembre 2015) et bientôt de 5MW, ce qui en fait la plus importante ferme éolienne flottante du monde. Le développement des énergies renouvelables dans la préfecture passe également par des parcs éoliens terrestres, et d’autres centrales à énergies vertes (solaire, géothermie), dans lesquelles le gouvernement a investi plus de 120 milliards de yens (près d’un milliard d’euros) depuis 2011. Toutes les installations renouvelables devront subvenir d’ici 2040 à 100% des besoins en énergie primaire de la préfecture de Fukushima (pour 26,6% en 2015, et un objectif de 30% en 2018).

2. De nombreux obstacles au développement de l’énergie éolienne au Japon et à la réalisation du mix de 2030

2.1 Les développeurs de projets éoliens dans l’archipel se heurtent à plusieurs difficultés aux niveaux réglementaire, financier et de l’acceptation sociale. Pour l’éolien terrestre, les principales difficultés identifiées par le METI dans le cadre du développement de projets sont les restrictions en termes de localisation possible (force du vent, parcs naturels, capacité du réseau, etc.), les coûts de production, la génération instable d’électricité et les inconvénients pour les habitants et l’environnement (bruit, impact sur la biodiversité et le paysage). D’après une étude de l’IEA, les coûts de production de l’éolien au Japon sont supérieurs à hauteur de 60% à la moyenne mondiale, avec des coûts qui peuvent être doublés ou triplés par rapport aux coûts des 22 autres pays analysés dans cette étude. En ce qui concerne l’éolien en mer, fixe ou flottant, les opérateurs se heurtent aux associations de pêcheurs, clairement défavorables aux projets éoliens qui pourraient nuire à leurs activités, et à l’absence de régulation autour des zones portuaires. Les études de faisabilité et l’évaluation de l’impact environnemental constituent également des étapes particulièrement strictes et chronophages dans le cadre du développement de projets éoliens. Selon les données de la NEDO, la durée nécessaire pour la réalisation des projets éoliens peut atteindre 10 ans au Japon, pour une durée inférieure à 1 an en Europe et aux Etats-Unis. Le facteur de capacité est également à prendre en compte : d’après l’ANRE, l’électricité produite en moyenne par une éolienne au Japon est de 22%,  contre 31% en moyenne mondiale, du fait d’une plus faible vitesse globale du vent. Enfin, malgré des vents plus puissants dans certaines régions, telles qu’Hokkaido (île au nord du Japon) et Tohoku (région au nord de Honshu), la demande en électricité est relativement faible et le réseau électrique est très peu performant dans ces régions. Ces conditions défavorables n’encouragent pas les opérateurs à lancer des projets éoliens dans ces zones.

2.2 Les opérateurs, japonais et étrangers, ne perdent pas espoir et cherchent activement des solutions pour mener à bien leurs projets éoliens au Japon. Les entreprises du secteur éolien peuvent s’appuyer sur les financements et l’appui institutionnel de la NEDO pour faire avancer leurs projets sur l’archipel. Les opérateurs intéressés par l’éolien flottant ont lancé des discussions avec NK, autorité de régulation en charge de la sécurité des écosystèmes marins sous la tutelle du METI, pour leur présenter de nouvelles technologies, obtenir des autorisations d’installations et assister NK dans l’établissement de réglementations adaptées. Le flou juridique dans ce secteur peut être synonyme d’opportunités pour les entreprises apportant des technologies nouvelles et se positionnant comme force de proposition pour définir des réglementations favorables au déploiement de ces technologies au Japon.

3. Un engouement nouveau du secteur privé pour le déploiement d’installations et de technologies éoliennes au Japon

3.1 Les entreprises japonaises, au nombre desquelles MHI, Kyuden Mirai Energy, Softbank, Hitachi, Eurus Energy Holding et J-Power se positionnent déjà sur le marché avec des projets de fermes éoliennes à très grande échelle. Eurus Energy Holding, le plus important opérateur éolien au Japon, concentre ses activités au nord d’Hokkaido, avec un total de capacités éoliennes installées de 0,6 GW à jour de 2017. Le groupe MHI a construit un démonstrateur au large de Fukushima dans le cadre du projet Fukushima Floating Offshore Wind Farm, et espère développer des projets éoliens flottants avec son partenaire Vesta au Japon. Le groupe Hitachi a déjà vendu plus de 400 turbines éoliennes sur le marché japonais et prévoit d’obtenir une certification Class-T attribué aux équipements résistants aux typhons. Les entreprises japonaises exportent également leurs technologies à l’étranger, à l’image des projets éoliens en mer réalisés par les partenaires MHI et Vesta en Europe et aux Etats-Unis.

3.2 Les constructeurs d’éoliennes à l’échelle internationale expriment un intérêt croissant pour le marché japonais et espèrent saisir les opportunités qui se profilent sur l’archipel au terme de longues phases d’études de faisabilité qui ont permis de valider le lancement de nombreux projets éoliens. La réalisation des études d’impact environnementale, d’une durée moyenne de 4 ans, a rendu le marché japonais de nouveau attractif. Les opérateurs éoliens sont également intéressés par le marché japonais en raison du lent développement de l’énergie éolienne au Japon, qui traduit un faible nombre d’acteurs sur le territoire et est synonyme d’un marché encore ouvert et porteur. Le gouvernement japonais se tourne maintenant vers les fournisseurs étrangers d’infrastructures éoliennes pour démarrer la construction de nouvelles centrales. Parmi les principaux constructeurs éoliens étrangers, l’américain GE et le Danois Vesta, en partenariat avec le groupe japonais MHI, ont déjà réintégré le marché japonais après s'en être désintéressés quelques années plus tôt, tandis que Siemens prévoit d’introduire son nouveau modèle de turbine courant 2018.

3.3 Certaines entreprises françaises sont également présentes sur le marché japonais et développent leurs activités, avec en priorité des projets éoliens en mer.

En mars 2015, Idéol a signé un accord de partenariat industriel avec Hitachi Zosen dans le cadre d’un projet de construction de deux démonstrateurs flottants, d’une capacité de 7,5 MW, au Japon. Idéol est dans le cadre de ce projet en charge du design et de l’ingénierie de la fondation des deux éoliennes flottantes, l’une en acier et l’autre en béton. Le consortium a été retenu en juin 2016 par la NEDO pour installer les deux démonstrateurs, la technologie Idéol apparaissant comme la plus apte à réduire le coût des projets éoliens flottants en mer.