La Banque Mondiale et le FMI ont actualisé en octobre leurs perspectives au sujet de la situation économique en Egypte.

1. La Banque Mondiale souligne l’impact positif des réformes menées en 2016 et 2017, et en particulier :

  • La libéralisation du taux de change a permis d’améliorer considérablement la liquidité en devises, d’éliminer le marché parallèle de change et d’amorcer l’amélioration du solde de la balance des paiements en 2016/17. Du côté du déficit courant (ramené de 19,8 à 15,6 Mds$ en g.a), la Banque Mondiale note une réduction du déficit de la balance commerciale, un bond des recettes touristiques et des transferts d’expatriés. Quant à l’excédent du compte de capital et financier (de 21,2 à 29 Mds$), il a bénéficié d’emprunts extérieurs croissants, de la hausse des IDE nets ainsi que de celle des investissements de portefeuille encouragés par de meilleures perspectives économiques et par des rendements attractifs sur les actifs libellés en monnaie locale. Ces développements ont permis à l’Egypte de doubler ses réserves de change (de 19 à 36 Mds $) mais également de libérer des ressources pour le remboursement des arriérés de paiement aux compagnies pétrolières, ramenant ces derniers de 3,5 Mds$ fin 2016 à 2,3 Mds$ fin juin 2017.
  • La mise en place de réformes budgétaires d’envergure (TVA, baisse des subventions à l’énergie, maîtrise des salaires des fonctionnaires) a permis de ramener le déficit public de 12,5% du PIB en 2015/16 à 10,9% du PIB en 2016/17 (-1,7 pp) et de donner au gouvernement une marge de manœuvre plus étendue pour renforcer les filets de protection sociale.

2. La Banque Mondiale souligne que l’Egypte souffre d’une inflation élevée et persistante (supérieure à 30% depuis février 2017), conséquence notamment de la forte dépréciation de l’EGP, de l’introduction de la TVA puis de l’augmentation de son taux de base, des deux rounds de levée partielle des subventions à l’énergie et de pratiques non concurrentielles sur le marché domestique. Elle note que la politique monétaire a pour l’instant été inefficace pour lutter contre l’inflation, les taux d’intérêts réels restant largement négatifs malgré l’augmentation de 700 pdb des taux directeurs depuis novembre 2016. Elle met en évidence l’impact social de l’accélération de l’inflation, qui pèserait à la fois sur les groupes sociaux à faibles revenus et sur les classes moyennes, dans un contexte de chômage de masse (12% fin juin 2017). Néanmoins, elle rappelle que le gouvernement a pris une série de mesures pour renforcer les filets de protection sociaux (extension et hausse des dotations pour les programmes de transferts monétaires Takaful et Karama, forte hausse des subventions alimentaires, baisse de l’imposition sur les revenus modestes, bonus exceptionnels pour les fonctionnaires).

3. Elle prévoit une amélioration de l’activité économique et une réduction des déséquilibres macroéconomiques :

  • La croissance du PIB réel devrait s’accélérer, tirée à court-terme par une consommation privée résiliente malgré le fort taux d’inflation, et à moyen-terme par l’accélération des investissements et le redressement des exportations de marchandises et de la fréquentation touristique. L’amélioration du cadre des affaires, notamment via l’application effective de la loi sur les licences industrielles, pourrait également favoriser la croissance. Cette dernière devrait passer de 4,1% en 2016/17 à 4,5% en 2017/18 pour atteindre 5,3% en 2018/19. On notera que l’Egypte est le pays importateur net de pétrole qui devrait connaître la plus forte croissance en 2017/18 dans la région ANMO.
  • Le déficit courant devrait ainsi être ramené de 6,6% à 4,6% du PIB.
  • Le déficit budgétaire devrait être ramené de 10,9% à 8,8% du PIB (9,2% du PIB dans la précédente prévision) grâce à la levée progressive des subventions énergétiques et la hausse des recettes fiscales.
  • Enfin, la pauvreté pourrait diminuer grâce à la mise en œuvre des mesures de protection sociale contenues dans le budget 2017/18, notamment la hausse des subventions alimentaires et les programmes de transferts monétaires.

4. Néanmoins, elle relève plusieurs risques qui pourraient compromettre ce scénario : 

  • Une persistance des déséquilibres macroéconomiques, en cas de retards dans la mise en œuvre des réformes ;
  • Un ralentissement de la croissance, en cas de maintien d’une inflation élevée qui pourrait se traduire par de nouveaux resserrements monétaires ;
  • Une remise en cause de la soutenabilité de la dette, en cas de ralentissement des réformes fiscales ou un ralentissement de la croissance (le ratio dette gouvernementale / PIB est estimé à 102,8% en 2015/16) ;
  • Un affaiblissement des principales sources de recettes budgétaires et en devises (IDE, tourisme, transferts d’expatriés) si des troubles sécuritaires internes et externes venaient à apparaître.

5. Les projections du FMI sont globalement en phase avec celles de la Banque Mondiale, les différences résultant essentiellement d’estimations plus « optimistes » pour l’année fiscale 2015/16. On remarque que les deux institutions s’accordent sur une accélération de la croissance à 4,5% cette année, sur une inflation moyenne autour de 20% et sur un déficit public inférieur à 10% du PIB dès la fin de l’exercice budgétaire.