Vrai, faux ?

Quelle est l’origine de cet accord ?

L’Union européenne et le Canada ont une relation économique et commerciale ancienne, fondée à ce stade sur l’accord cadre de 1976 pour la coopération économique et commerciale, ainsi que de nombreux accord sectoriels, tels que le plan d’action commun de 1996, l’accord sur la coopération douanière et l’assistance mutuelle de 1997, l’initiative euro-canadienne pour le commerce - ECTI - de 1998, l’accord sur la reconnaissance mutuelle de conformité de 1998, l’accord vétérinaire et l’accord sur la concurrence de 1999, l’accord relatif au commerce des vins et spiritueux signé en 2003 et entré en vigueur en 2004.

Suite aux réflexions lancées par une initiative en 1998, il a été décidé de mettre l’accent sur des mesures concrètes facilitant l’accès aux marchés respectifs des deux entités dans un nouvel accord. Entamées en 2005, ces négociations ont été suspendues en 2006, dans l’attente des résultats des négociations du cycle de Doha.

Puis, l’UE et le Canada, notamment avec le fort soutien de la Province du Québec, ont relancé une négociation destinée à approfondir leur relation commerciale bilatérale en parallèle des négociations de l’OMC. Les négociations formelles sur un Accord économique et commercial global (AECG/Comprehensive Economic and Trade Agreement - CETA) ont été lancées en 2009. La clôture des négociations a été annoncée lors du Sommet UE-Canada du 26 septembre 2014 ; s’en est suivie une période de « toilettage juridique » qui s’est achevée en février 2016.

Pourquoi l’Union européenne est-elle un partenaire commercial essentiel pour le Canada ?

L’Union européenne est le premier marché du monde. Son PIB s’élevait en 2014 à 13 920 Md€, soit un peu moins d’un quart du PIB mondial. Elle est le principal acteur du commerce international, avec 15,2 % des importations mondiales en 2013 et 16,0 % de toutes les exportations, devant la Chine (15,4 %) et les États-Unis (11,0 %).

L’UE est le 2ème exportateur de biens au Canada (derrière les États-Unis) et le Canada est le 14ème importateur dans l’UE (hors commerce intra-UE). L’UE est un fournisseur majeur du Canada (hors commerce intra-UE) : 57 Md$.  

L’UE et le Canada sont des partenaires commerciaux et économiques de longue date, qui partagent des objectifs communs en matière de politique commerciale et notamment leur engagement en faveur d’un système commercial multilatéral solide, ouvert et régulé.

Sur quoi l’accord porte-t-il ?

Cet accord dit de « troisième génération », conclu entre deux zones dont les barrières tarifaires au commerce sont déjà faibles, a vocation à être plus large qu’une nouvelle négociation sur les droits de douane. Afin de favoriser le commerce entre l’Union et le Canada, l’objectif de la négociation a été, notamment, d’obtenir la reconnaissance de nos indications géographiques, de permettre l’augmentation de nos exportations agricoles, d’abaisser de nombreuses barrières au commerce de nature non-tarifaire, de faciliter des investissements croisés, d’obtenir une meilleure protection de la propriété intellectuelle et de faciliter l’accès aux marchés publics.

À la demande de chaque partie, un certain nombre de domaines ne sont pas concernés par l’accord, tels que les services publics ou les législations européennes de protection de la santé du consommateur en matière alimentaire (« préférences collectives »). Les services audiovisuels ont par ailleurs été exclus de la négociation sur les services à la demande de la France. En matière agroalimentaire, la filière volaille a été exclue de toute négociation tarifaire.

Qu’en retirera la France du point de vue de l’économie et de l’emploi ?

En facilitant les échanges entre l’UE et le Canada, notamment par la réduction des obstacles tarifaires et non-tarifaires actuels, une augmentation de nos exportations est attendue, dans des secteurs importants de notre économie, en particulier dans les produits agricoles transformés, les vins et spiritueux, les cosmétiques, l’industrie pharmaceutique ou encore le textile et l’habillement.

Le Canada s’engage à ouvrir plus largement ses marchés publics fédéraux et provinciaux ainsi que ceux des municipalités et du secteur hospitalier. La part des marchés publics canadiens ouverte aux opérateurs européens va tripler.

En matière de propriété intellectuelle, il faut noter que 42 appellations françaises agroalimentaires supplémentaires seront protégées au Canada. Elles s’ajouteront aux indications géographiques de vins et spiritueux déjà protégées depuis 2003. L’accord de 2003 relatif au commerce des vins et spiritueux - qui a mis progressivement fin à l’utilisation de certaines appellations, telles que champagne ou chablis - a été intégré à l’AECG, notamment, aux vins européens, et français, d’être plus compétitifs sur le marché canadien.

Les laboratoires pharmaceutiques européens verront par ailleurs la protection de leurs molécules innovantes renforcée au Canada. Les détenteurs d’un brevet pharmaceutique auront des droits d’appel et de recours renforcés en ce qui concerne les décisions relatives à l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Par ailleurs, les Canadiens se sont engagés à octroyer une protection supplémentaire de deux années des données réglementaires confidentielles (ce qui porte cette protection à huit ans). Enfin, en cas de délai déraisonnable pour l’octroi d’une autorisation de mise sur le marché, le Canada a accepté de concéder une durée de protection des droits d’exclusivité liés au brevet de deux années supplémentaires.

De nombreuses procédures réglementaires seront simplifiées ce qui devrait être favorable au développement des PME à l’export, qui représentent 75 % des 10 000 entreprises exportatrices françaises au Canada. La reconnaissance mutuelle de certaines procédures d’évaluation de la conformité réduira de manière notable le coût des essais (notamment en évitant que les mêmes essais soient réalisés des deux côtés de l’Atlantique) et ceux de la certification des produits pour les exportateurs. Les coûts induits par ces procédures redondantes et parfois complexes pénalisent particulièrement les petites et moyennes entreprises qui seront donc directement bénéficiaires de ces avancées.

L’accès au marché canadien représente une opportunité pour de nombreuses PME. L’accord prévoit ainsi un accès facilité au marché canadien dans le secteur du textile, dans lequel les PME française sont particulièrement nombreuses et dynamiques. Aujourd’hui, les entreprises européennes sont sous-représentées sur ce marché (7 % du marché canadien seulement).

Quelle est l’importance du Canada pour l’économie française ?

Le Canada est une économie de petite taille comparée à celle de l’UE dans son ensemble, toutefois sa structure commerciale est fortement tournée vers l’Union européenne, et la France est un de ses partenaires commerciaux majeurs avec 5 Md€ d’exportations (3,2 Md€ pour les biens et 1,8 Md€ pour les services) et 4,5 Md€ d’importations (2,2 Md€ pour les biens et 2,3 Md€ pour les services) de biens et de services en 2015.

En termes d’investissements directs étrangers au Canada (stocks), la France se classe 6ème parmi les investisseurs européens derrière les Pays-Bas, le Luxembourg, le Royaume-Uni, la Suisse et l’Allemagne. Au cours des dernières années, on remarque une hausse des investissements français en Ontario, en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, toutefois la principale province d’accueil en 2015 reste le Québec.

La France est le 8ème partenaire commercial du Canada et le 3ème européen. Le Canada est notamment importateur net de services français (614 M$).

270 filiales d’entreprises canadiennes sont implantées sur le territoire français représentant plus de 21 000 emplois dans de nombreux secteurs et environ 550 entreprises françaises employant plus de 80 000 personnes sont implantées au Canada, dont 70 % au Québec.

Le Canada est attractif pour les investisseurs français et présente un potentiel de croissance important pouvant déboucher sur la création de nombreux emplois.

Qui a conduit les négociations et comment les négociateurs ont-ils rendu compte de leurs travaux ?

En matière de politique commerciale, la Commission européenne négocie au nom de l’Union européenne sur la base du mandat donné par ses 28 États membres, en consultation étroite avec ces derniers et le Parlement européen (article 207 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).

Au sein de la Commission, la Direction générale du commerce, placée sous l’autorité du/de la Commissaire chargé(e) du Commerce, mène les négociations en collaboration étroite avec l’ensemble des autres services de la Commission.

La Commission a mené les négociations sur la base d’un mandat précis adopté à l’unanimité par les États membres en 2009. Les positions européennes, avant chaque session de négociation, ont été élaborées en concertation avec les États membres. La Commission a rendu compte à ces derniers de manière détaillée après chaque session de négociation, dans le cadre du Comité de politique commerciale à Bruxelles, qui réunit les administrations des États membres en charge de la politique commerciale, et au Conseil des ministres de l’Union européenne. La Commission a également rendu compte de l’avancée des négociations au Parlement européen.

Que recouvre la mise en œuvre provisoire d’un accord commercial ?

En matière d’accords commerciaux négociés par la Commission européenne, seules les dispositions de l’accord relevant exclusivement de la compétence de l’Union européenne peuvent entrer en vigueur provisoirement, après approbation du Parlement européen. Les dispositions de l’accord relevant de la compétence des États membres ne peuvent pas entrer en vigueur avant que les Parlements des chacun des 28 États membres n’aient autorisé la ratification de l’accord. Cette pratique est courante et a été par exemple mise en œuvre dans le cadre des accords de commerce signés par l’Union européenne avec la Corée du Sud ainsi qu’avec la Colombie et le Pérou. La France, à l’instar des autres États membres de l’Union européenne, considère que tous les accords commerciaux, y compris l’AECG/CETA, sont des accords mixtes qui nécessitent d’être ratifiés par les 28 États membres. La France a clairement, et à plusieurs reprises, signifié cette position à la Commission européenne (lettre conjointe de mai 2016 adressée à la Commissaire européenne chargé du commerce, Cecilia Malmström, de Matthias Fekl, Secrétaire d’État français chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger et de Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand), qui a confirmé le caractère mixte du CETA le 5 juillet 2016.

Quels sont les effets de l’AECG/CETA en matière de coopération réglementaire ?

La convergence réglementaire a pour objectif de réduire les obstacles réglementaires aux échanges, résultant de différences entre les normes en vigueur, et de favoriser la convergence autour de standards communs (standards internationalement reconnus).

Elle ne consiste en aucun cas à abaisser nos exigences au plus petit dénominateur commun, mais plutôt à repérer les points sur lesquels nous divergeons inutilement dans la méthode lorsque les niveaux de protection sont équivalents. C’est l’exemple connu des doubles règlementations concernant les phares de voiture.

Chaque partie conserve son droit de réglementer pour le présent et le futur sur les questions d’environnement, de sécurité et de santé au niveau qu’elle considère approprié.

Les évolutions en matière de reconnaissance mutuelle restent rigoureusement encadrées. Le projet de « forum de coopération réglementaire », qui se réunira une fois par an, se limite à favoriser le dialogue sur les questions réglementaires : il n’a aucune compétence décisionnelle et n’aura donc pas le pouvoir d’édicter de nouvelles normes.

La convergence réglementaire doit entraîner de nombreux bénéfices économiques, étant entendu que l’accord vise la compatibilité des réglementations et non leur harmonisation. Disposer de standards communs de haut-niveau permet de produire à moindre coût, de consacrer leurs ressources à l’amélioration des produits, de conforter leurs activités et de soutenir leurs parts de marché sur les marchés export.

L’Union européenne et le Canada possèdent chacun un grand nombre de normes et de réglementations. Les divergences existant entre celles-ci peuvent imposer des coûts supplémentaires aux fabricants et risquent de peser en définitive sur les consommateurs.

L’accord doit permettre de parvenir à  des mesures de coopération permettant aux entreprises d’éviter de dupliquer des démarches, redondantes ou arbitraires, ce qui est particulièrement important pour les PME. L’accord prévoit une coopération des parties dans les domaines automobile, des produits pharmaceutiques, et de reconnaissance des évaluations de conformité, par exemple en matière d’équipements électriques et de travaux de construction.

Nos préférences collectives sont-elles remises en cause ? Qu’en est-il du principe de précaution ?

Les préférences collectives européennes (par exemple interdiction de l’utilisation des hormones et facteurs de croissance en élevage, interdiction de l’irradiation du bœuf haché, encadrement des OGM), qui sont déjà intégrées dans la réglementation communautaire, sont préservées. Par ailleurs, chacune des parties conserve le droit de prendre les mesures qu’elle juge nécessaires pour protéger la santé publique, animale et des végétaux.

L’accord prévoit que les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l’UE et du Canada peuvent être l’objet d’une reconnaissance mutuelle si elles satisfont le niveau de protection requis.

Le principe de précaution fait partie des lignes rouges des négociations.    Le droit à réguler des États membres est garanti dans le chapitre SPS, ainsi que le mode de gestion des risques  propre à l’Union européenne. Si l’accord ne mentionne pas explicitement le « principe de précaution » il fait néanmoins référence aux droits et obligations de l’UE et du Canada au regard des règles du commerce international. Dès lors ces règles s’appliquent : ainsi l’article 5-7 de l’accord SPS de l’OMC, dont l’UE et le Canada sont membres, et qui donne la possibilité de prendre des mesures au titre du principe de précaution dans le cas où les éléments scientifiques ne sont pas suffisants au regard d’un risque potentiel, est respecté. Dans ces conditions, le principe de précaution tel que l’UE le conçoit et le met en œuvre n’est en aucun cas remis en cause par l’accord.

Pourquoi toutes les indications géographiques (IG) françaises ne sont-elles pas reconnues dans l’AECG/CETA ?

Avec cet accord, ce sont désormais 172 IG agroalimentaires européennes qui seront protégées au Canada dont 42 dénominations françaises : elles feront l’objet d’une protection totale, assortie de la possibilité d’un recours administratif. La coexistence avec des marques locales, qui reprennent le même nom, est limitée à quelques cas de marques très anciennes. Ce sera le cas, en ce qui concerne des IG françaises, pour les appellations « Jambon de Bayonne », « Beaufort », « Munster » et « Comté » :

  • « Jambon de Bayonne » et « Beaufort » : ces appellations pourront continuer à être utilisées par des producteurs canadiens si ceux-ci les ont utilisées pendant au moins 10 ans avant le 18 octobre 2013 (date de l’accord politique entre les négociateurs), soit depuis 2003. Si l’utilisation est inférieure à 10 ans, les producteurs canadiens devront cesser d’utiliser cette appellation au terme d’une période de transition de 5 ans, à compter de l’entrée en vigueur de l’accord ;
  • l’appellation « Beaufort » pourra continuer à désigner des produits fromagers, fabriqués à proximité de « Beaufort range », en Colombie-Britannique ;
  • le terme « county » pourra continuer à désigner des produits alimentaires lorsqu’il est utilisé pour désigner un comté (« Prince Edward County »; « Comté du Prince-Édouard »…) ;
  • « Munster » : l’appellation pourra continuer à être utilisée par des producteurs canadiens pour des fromages si ceux-ci l’ont utilisée avant le 18 octobre 2013. Pour les nouveaux producteurs, l’appellation devra être précédée des expressions telles que genre, style, type… et de la mention visible de l’origine géographique (ex. « genre Munster, origine Canada »).

Dans toutes les négociations commerciales, la Commission demande aux 28 États membres de lui soumettre une liste des IG à protéger qui corresponde à des enjeux économiques justifiant cette demande. Le choix des indications géographiques (IG) à protéger au Canada en ce qui concerne la France, a donc été fait par les autorités compétentes en concertation avec les opérateurs. Tous les produits français sous IG ne sont pas exportés vers le Canada. Les indications géographiques françaises protégées dans l’AECG ont été sélectionnées en raison de leur degré d’exposition à des risques d’usurpation.

Qu’est-ce qui différencie l’arbitrage privé classique du système de cour des investissements que le Canada a accepté dans le cadre de l’AECG/CETA ?

Des modifications apportées au texte de l’AECG/CETA fin 2015/début2016 ont permis d’aligner le chapitre relatif à la protection des investissements sur le nouveau modèle européen, que la France a largement contribué à façonner grâce aux propositions ambitieuses et innovantes de réformes qu’elle a formulées dès le mois de juin 2015. Ce résultat est inédit à ce jour puisque l’AECG/CETA sera le tout premier accord conclu par l’Union européenne sur la base de son nouveau modèle. L’AECG/CETA consacre ainsi trois innovations majeures :

  • premièrement, le droit à réguler des États est explicitement réaffirmé grâce à l’insertion d’une clause spécifique applicable à l’ensemble des dispositions relatives à la protection des investissements de l’accord. Il s’agit d’une règle d’interprétation impérative pour la bonne exécution de l’accord et dans le cadre de contentieux éventuels. Cette disposition prévoit que l’État a le pouvoir d’adopter les mesures législatives ou réglementaires  nécessaires à la poursuite d’objectifs légitimes liés à l’intérêt général, tels que la protection de la santé, de l’environnement, des consommateurs ou de la diversité culturelle et linguistique ;
  • deuxièmement, l’AECG/CETA contient les principaux paramètres du nouveau dispositif européen de règlement des différends investisseur-État prôné par la Commission, appelé « Investment Court System » (ICS). Ces litiges ne seront dorénavant plus réglés par des arbitres choisis librement par les parties en litige, mais par des juges permanents préalablement désignés par l’Union européenne et le Canada, sur la base de critères de sélection similaires à ceux qui prévalent au sein de la Cour internationale de justice ou de l’Organe d’appel (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce. Pour garantir leur indépendance, ces juges seront rémunérés de manière contrôlée et devront, pendant toute la durée de leur mandat, se conformer à des règles éthiques strictes, qui leur interdiront notamment d’exercer des fonctions de conseil. Conformément à ce modèle, l’AECG/CETA instaure en outre un double degré de juridiction : les plaintes des investisseurs seront instruites par un tribunal dont les décisions seront contrôlées par une cour d’appel (dont les modalités de fonctionnement seront détaillées ultérieurement par un comité conjoint) qui veillera à la bonne interprétation de l’accord et contrôlera le bon déroulement des procédures ;
  • troisièmement, le Canada s’est engagé, dans le cadre de l’AECG/CETA, à contribuer, aux côtés de l’Union européenne, à l’établissement d’une véritable cour multilatérale permanente pour le règlement des différends investisseur-État, qu’appelle également de ses vœux la France. Cette cour de justice publique de l’investissement, multilatérale, fait actuellement défaut dans le cadre de la mondialisation des flux d’investissements.

Les clauses relatives à la protection des investissements sont plus précises, l’accent est mis sur la transparence des procédures, la place des juridictions nationales est clarifiée et les Etats disposent de plusieurs outils pour se prémunir contre les plaintes multiples et abusives.

Est-ce que des  « sociétés écrans » américaines au Canada pourront abuser des stipulations de l’AECG/CETA en matière de protection des investissements ?

Le nouveau modèle européen comprend une série de dispositions visant à prémunir les États contre les plaintes frivoles ou abusives d’investisseurs étrangers se livrant à des pratiques dites de treaty ou de forum shopping : exigence d’activités effectives sur leur territoire d’origine, inéligibilité des investissements frauduleux ou manifestant un abus de droit, rejet expéditif des plaintes manifestement dénuées de fondement et condamnation aux dépens. Ainsi, une filiale canadienne d’une entreprise américaine ne pourra se prévaloir des dispositions de l’AECG/CETA qu’à la condition que cette filiale ait été légalement établie au Canada, qu’elle y exerce réellement des activités et qu’elle détienne effectivement un investissement au sein de l’Union européenne. Plusieurs dispositions de l’AECG/CETA permettront à l’Union européenne et à ses États membres de se prémunir contre les éventuels recours intentés par des filiales canadiennes d’entreprises américaines qui ne rempliraient pas ces conditions. L’AECG/CETA précise ainsi (Chapitre VIII, Section A, Article 8.1) qu’une entreprise se doit, pour pouvoir prétendre à la qualité d’investisseur, d’exercer des activités commerciales « substantielles » sur le territoire où elle est établie, condition que ne remplirait donc pas une société écran, ou une « coquille vide », située au Canada et qui serait en l’occurrence contrôlée par une entreprise américaine. L’AECG/CETA stipule également (Chapitre VIII, Section F, Article 8.18) qu’un investisseur ne peut soumettre une plainte lorsque son « investissement a été fait au moyen de déclarations frauduleuses, de dissimulation, de corruption ou d’une conduite équivalant à un abus de droit ». Le fait, pour une entreprise américaine, d’établir une filiale au Canada alors qu’un litige est sur le point de naître avec l’Union européenne et/ou l’un de ses États membres, d’une part, ou de rediriger ses actifs vers une filiale canadienne existante dans le seul but d’intenter un recours au titre de l’AECG/CETA, d’autre part, serait constitutif d’« un abus de droit ». Un tribunal saisi d’une telle réclamation au titre de l’AECG/CETA devrait sanctionner une telle conduite dilatoire en prononçant l’irrecevabilité de la plainte et en ordonnant le remboursement des frais de procédure engagés par la partie défenderesse. C’est d’ailleurs le dénouement qu’a récemment connu l’affaire Philip Morris c/ Australie.

L’AECG/CETA est-il compatible avec la COP21 ?

Le chapitre commerce et environnement de l’AECG/CETA ne contient pas de référence directe à l’Accord de Paris qui a été conclu après la fin des négociations UE Canada.

Cependant, l’accord contient trois chapitres dédiés aux normes environnementales et sociales : un chapitre transverse sur le développement durable, un chapitre « commerce et travail » et enfin un chapitre « commerce et environnement ». Ces chapitres sont ambitieux et prévoient des engagements en termes de niveaux de protection élevés pour les normes environnementales et sociales. Ils prévoient également des engagements de respect des conventions internationales en la matière : accords multilatéraux sur l’environnement, conventions fondamentales de l’OIT, etc.

Le chapitre « commerce et environnement » prévoit, dans un articlé dédié aux Accords multilatéraux sur l’environnement (AME), « que les parties s’engagent à respecter dans leurs lois et dans la pratique et sur tout leur territoire, les accords multilatéraux sur l’environnement auxquels ils sont parties », ce qui inclut les accords multilatéraux en matière d’environnement postérieurs à la conclusion des négociations de l’AECG/CETA. L’accord de Paris, lorsque celui-ci sera ratifié par le Canada et l’UE et qu’il sera entré en vigueur, devra donc être respecté par les Parties à l’AECG/CETA.

Par ailleurs, le CETA ne remet pas en cause la directive européenne 2009/30/CE du 23 avril 2009, relative à la qualité des carburants, qui fixe un objectif de réduction des gaz à effets de serre (GES) de 10 % d’ici à 2020. De même, l'interdiction de la fracturation hydraulique, consacrée par la loi du 13 juillet 2011 restera en vigueur en France.

Est-ce que les provinces canadiennes sont liées par l’accord ? Comment l’accord sera-t-il contraignant pour elles ?

L’accord s’appliquera sur le territoire de l’Union européenne et sur celui du Canada. Il s’applique donc aux provinces canadiennes. Lors des négociations, les provinces canadiennes ont d’ailleurs pu être présentes à la table des négociations.

Concernant le secteur des vins et spiritueux, les dispositions nouvelles apportées à l’accord relatif au commerce des vins et des boissons spiritueuses de 2003 précisent que les Provinces sont liées par l’accord. La définition d’« autorité compétente » est précisée : elle s’entend de tout gouvernement, de toute commission ou régie ou de tout autre organisme gouvernemental de l’une ou l’autre des Parties qui est autorisé par la loi à contrôler la vente des spiritueux et du vin. En cas de litige, ces dispositions nouvelles prévoient que les parties à l’accord peuvent faire appel à l’instance de règlement des conflits mise en place par l’AECG. 

  • Le site internet du Conseil qui donne accès aux textes du CETA ainsi qu’à l’instrument interprétatif conjoint UE-Canada et les déclarations inscrites au PV du Conseil.

Sommet UE-Canada, 2016

 

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