La politique monétaire très accommodante dans les pays développés depuis la crise financière de 2008 a contribué à des entrées de capitaux importantes à la recherche de rendements dans les économies émergentes. Ces flux se sont inversés avec la hausse des taux d'intérêt de la Banque centrale américaine et le ralentissement de certains pays émergents.

La vulnérabilité des économies émergentes à des retournements brutaux des flux de capitaux semble s'être réduite depuis les années 1990 du fait notamment de l'augmentation de l'épargne domestique et des réserves de change, ainsi que de l'assouplissement des régimes de change. Toutefois, d'autres fragilités sont apparues : intégration financière accrue, hausse de l'endettement privé et augmentation récente de la dette en devises pour de nombreuses économies.

Ce travail quantifie la vulnérabilité de la dette extérieure de cinq grandes économies émergentes (Afrique du Sud, Brésil, Inde, Indonésie et Turquie). Ces pays ont pour points communs un important déficit courant, une forte dépendance aux investissements étrangers et une position extérieure nette structurellement négative. La méthodologie enrichit le cadre d'analyse de soutenabilité de la dette extérieure du FMI à l'horizon 2020 dans le cas spécifique de ces économies émergentes. Ces apports comprennent (i) des chocs simulés conjointement sur plus de variables pour mieux refléter la corrélation entre les chocs observés par le passé ; et (ii) des chocs calibrés sur des observations récentes pour mieux prendre en compte l'évolution de la résilience de ces économies émergentes.

L'Afrique du Sud et la Turquie paraissent les plus vulnérables parmi les cinq pays étudiés en cas de regain de tensions financières : une conjonction de chocs négatifs provoquerait un quasi doublement de la dette et du besoin de financement extérieurs dans le scénario le plus pessimiste. En outre, ces pays se distinguent par des réserves de change relativement limitées, une maturité assez courte de leur dette extérieure et, pour la Turquie, une dette en devises élevée. La faiblesse des prix des matières premières accroît le besoin de financement extérieur de l'Afrique du Sud tandis qu’elle réduit celui de la Turquie.

L'Indonésie et l’Inde ont une vulnérabilité contenue : dans le scénario le plus pessimiste, la dette extérieure et le besoin de financement de ces pays resteraient raisonnables. Ces pays se caractérisent par une bonne résilience passée et récente, et leur Banque centrale conserve d'importantes marges de manœuvre. L'Inde se distingue favorablement avec une dette extérieure relativement faible et des prévisions révisées à la hausse (PIB, solde courant).

Le Brésil se situe dans une situation intermédiaire : les difficultés actuelles (récession, incertitudes politiques, baisse des prix des matières premières) accentuent le risque externe mais l'économie dispose d'atouts (dette extérieure modérée, longue maturité, investissements directs étrangers résilients) qui réduisent la vulnérabilité de court terme.

Trésor-Éco n° 176