Aux États-Unis, les inégalités de revenu et de richesse ont augmenté depuis la fin des années 1970, leur hausse n'ayant été que temporairement interrompue par la crise, en 2007. Parallèlement, après avoir été divisé par deux entre la fin des années 1950 et le début des années 2000, le taux de pauvreté a nettement progressé et a aujourd'hui retrouvé son niveau du milieu des années 1960. Enfin, à l'opposé de la représentation traditionnelle du rêve américain, la mobilité sociale aux États-Unis est depuis des décennies l'une des plus faibles des pays de l'OCDE.

Les explications à ces évolutions des inégalités, de la pauvreté et de la mobilité sociale sont nombreuses mais loin d'être toutes consensuelles. Trois grands facteurs explicatifs peuvent être distingués : (i) la transformation progressive du marché du travail en lien avec le développement technologique, qui s'est traduite par une polarisation croissante des emplois entre ceux très qualifiés et bien rémunérés et les emplois peu qualifiés, faiblement rémunérés ; (ii) les difficultés du système éducatif à jouer le rôle d'ascenseur social et à répondre aux besoins croissants en main d'œuvre qualifiée du secteur privé ; (iii) l'effet redistributif limité du système fiscalo-social qui ne corrige que modérément les inégalités de revenu.

Si les implications des inégalités sur la croissance font encore l'objet de débats, un nombre croissant d'études montre qu'elles constitueraient un frein à la croissance. Notamment, le creusement des inégalités limiterait l'accumulation de capital humain en réduisant les possibilités d'instruction d'un nombre croissant de défavorisés. En outre, la propension à consommer des ménages les plus pauvres étant supérieure à celle des plus aisés, l'accroissement d'inégalités de revenu pèserait à terme sur la consommation. La hausse des inégalités n'a pour l'instant eu qu'un impact limité sur l'économie américaine : ses effets négatifs semblent avoir été masqués dans les années 2000 par une forte hausse de l'endettement des ménages. Depuis la crise de 2007, le durcissement des conditions d'accès au crédit des ménages devrait limiter le risque d'un retour à un niveau d'endettement non soutenable. La poursuite de la hausse des inégalités pourrait alors commencer à peser sur la croissance, à moins d'un redressement des salaires des plus modestes, à la faveur d'un relèvement du salaire minimum au niveau local ou fédéral, voire à la seule initiative d'entreprises.

Pour lutter contre les effets de l'accroissement de la pauvreté et des inégalités, des économistes et organisations internationales préconisent de larges réformes structurelles, telles que l'amélioration de la formation des chômeurs ou la réduction des niches fiscales en faveur des plus aisés. Néanmoins, si l'ensemble des économistes américains s'inquiète du haut niveau de la pauvreté et de la faiblesse de la mobilité sociale, ils restent plus divisés vis-à-vis des inégalités.

Trésor-Éco n° 147