Le défaut de l'Argentine sur sa dette souveraine en 2001 fut l'un des plus importants de l'histoire financière. Il continue à peser sur la pratique des restructurations de dette ordonnées, à travers notamment le litige qui oppose l'Argentine à ses créanciers dits « procéduriers » - connus aussi sous le nom de « fonds vautours ».

Le cas « NML Capital vs. Argentine » atteint aujourd'hui ses phases ultimes, alors que Buenos Aires a déposé en février 2014 une pétition devant la Cour Suprême des États-Unis pour réviser les jugements antérieurs, qui donnaient raison aux fonds vautours. La Cour Suprême a choisi le 16 juin 2014 de ne pas donner suite à cette pétition.

La France était intervenue dans cette procédure en tant qu'Amicus Curiae (en latin, « ami de la cour »), aux côtés d'autres pays (Brésil, Mexique, États-Unis à des stades antérieurs), d'économistes et de chercheurs, afin d'appeler l'attention de la Cour Suprême sur l'impact négatif qu'auraient ces jugements, s'ils étaient confirmés, sur la pratique des restructurations ordonnées de dette souveraine.

Au cœur du litige se trouve en effet l'interprétation d'une clause contractuelle usuelle, dite de « pari passu » (en latin, «  sur un pied d'égalité »), dont le sens juridique n'avait jamais été remis en question jusqu'aux procès intentés par les fonds vautours à des pays en défaut à la fin des années 1990. En effet, alors que son interprétation usuelle concerne les rapports de séniorité des créanciers dans la loi, les fonds procéduriers s'appuient aujourd'hui sur la rédaction de cette clause pour exiger de l'Argentine un paiement « proportionnel » (ce terme fait l'objet d'une interprétation particulière par la justice américaine) à chaque fois qu'elle remboursera ceux de ses créanciers obligataires qui avaient accepté d'échanger leurs titres avec réduction de la valeur nominale après le défaut. En pratique, si l'Argentine veut honorer un paiement à ces derniers, elle devra à ce moment payer également 1,33 Md$ à NML Capital.

Au-delà du cas de l'Argentine et de la clause de pari passu, c'est potentiellement l'avenir des restructurations de dette souveraine qui se joue, dans la mesure où la participation du plus grand nombre de créanciers obligataires aux offres d'échange est essentielle pour ramener les niveaux de dette jugés excessifs sur une trajectoire soutenable.

Une réflexion collective s'est depuis engagée parmi les acteurs du marché de la dette souveraine afin de renforcer à l'avenir la sécurité juridique des clauses contractuelles des contrats obligataires et la capacité à mener des opérations de restructuration, via notamment les clauses d'action collective (CACs).

Trésor-Éco n° 136