La mutualisation au niveau de la zone euro d'une composante de l'assurance chômage permettrait de doter la zone euro d'un instrument de solidarité nouveau, à même de donner une véritable incarnation à l’Europe sociale tout en renforçant la stabilisation de la zone dans son ensemble. La crise des dettes souveraines en zone euro a en effet rappelé que la zone euro manquait d'un instrument budgétaire central capable d'atténuer l'effet des chocs macroéconomiques. La mise en place d'un régime d'assurance chômage commun constituerait une réponse ambitieuse à cette situation, porteuse d'un symbole politique fort pour les citoyens et ayant des effets structurants sur l'intégration de la zone euro.

Cette composante mutualisée pourrait prendre la forme d'un socle commun d'indemnisation, pour prendre en compte le fort degré d'hétérogénéité du fonctionnement des régimes nationaux en matière d'indemnisation. Ce socle commun indemniserait par exemple les chômeurs de moins d'un an (la composante la plus cyclique) à hauteur de 50 % de leur salaire passé, avec un financement reposant sur une base harmonisée (par exemple la masse salariale). Il serait complété par une indemnisation nationale en fonction des préférences de chaque État, et assurerait ainsi le maintien du niveau actuel de l’indemnisation chômage, tout en préservant les prérogatives des partenaires sociaux nationaux.

Pour limiter les risques que certains États soient incités à bénéficier du système sans chercher à réduire leur chômage structurel (aléa moral), le financement du régime socle commun pourrait être dans un premier temps calibré de manière à être neutre à moyen terme au regard des transferts entre États. Une modulation des taux de cotisation de chaque État membre en fonction de son niveau de chômage, avec des mises à jour régulières en fonction des tendances passées, assurerait une neutralité budgétaire ex ante entre États membres. Entre deux mises à jour, la mutualisation des émissions de dette pour couvrir les besoins de trésorerie de ce régime commun permettrait d'améliorer la capacité de stabilisation. 

À plus long terme, et après une convergence des taux de chômage entre les différents États membres, un système marquant une solidarité accrue entre États membres pourrait être envisagé, avec un financement via un taux de cotisation unique. Pour éviter l'aléa moral, un tel dispositif nécessiterait une coordination renforcée des politiques de l'emploi et du marché du travail, à laquelle les partenaires sociaux européens devraient être étroitement associés. Ce dernier dispositif suppose un degré assumé de solidarité et de transferts entre États allant au-delà de la seule stabilisation conjoncturelle.

Trésor-Éco n° 132