La France connaît une situation atypique : l'un des plus faibles taux de syndicalisation des pays de l'OCDE (8 % en 2010) allié à un taux de couverture conventionnelle parmi les plus élevés (93 % en 2008). Ce paradoxe apparent renvoie à la singularité du modèle français de relations professionnelles, où les organisations syndicales et patronales négocient pour l'ensemble des salariés de la branche et non pour leurs seuls adhérents, grâce à la procédure d'extension des accords collectifs.

La faiblesse du taux de syndicalisation français peut s'expliquer par différents facteurs : (i) le poids des organisations syndicales salariées dans la négociation collective ne dépend pas du nombre de leurs adhérents mais de leurs résultats aux élections professionnelles, (ii) l'adhésion à un syndicat n'apporte que peu de droits et avantages spécifiques aux salariés comparativement à bon nombre de nos voisins européens et (iii) le financement des organisations syndicales ne provient pas de façon prépondérante des cotisations payées par leurs adhérents mais principalement de l'État, des employeurs et des organismes paritaires.

La faible syndicalisation en France ne signifie cependant pas l'absence de représentation syndicale pour les salariés : malgré son faible nombre d'adhérents, le syndicalisme français est très largement présent dans les entreprises et est capable de mobiliser fortement les salariés sur certains sujets.

Néanmoins, cette situation peut être préjudiciable au développement du dialogue social, dont la qualité est un facteur de bon fonctionnement de l'économie française. En particulier, les syndicats comptent parmi leurs effectifs peu de demandeurs d'emplois et davantage de salariés en CDI qu'en emploi flexible (intérim, CDD, notamment) dans les catégories peu qualifiées (ouvriers, employés), ce qui peut biaiser leur positionnement sur certaines questions touchant particulièrement ces catégories.
Les pays dans lesquels les taux de syndicalisation sont les plus élevés connaissent généralement un dialogue social apaisé, plus propice à un débat, notamment autour de réformes structurelles.

En France, des incitations pourraient être envisagées et, éventuellement, expérimentées, en s'inspirant des expériences étrangères, tout en tenant compte des particularités historico-culturelles du mouvement syndical français. Ainsi, un syndicalisme de services à la française pourrait être encouragé : les syndicats pourraient être incités à développer leur offre de services à leurs adhérents, certains s'étant d'ailleurs déjà engagés dans cette direction.

À titre d'illustration, la réforme de la formation professionnelle, avec la mise en place du compte personnel de formation, pourrait être l'occasion de formaliser le rôle des syndicats en matière de conseil et d’orientation pour la formation professionnelle dans le cadre de la sécurisation des parcours.

Enfin, dans la continuité des mesures récentes visant à améliorer le fonctionnement de la démocratie sociale, la réflexion sur le financement des syndicats doit être poursuivie, afin de le simplifier et de le clarifier.

Trésor-Éco n° 129