La désindustrialisation est un phénomène qui touche l'ensemble des économies développées, en raison des gains de productivité plus élevés du secteur industriel et de la déformation de la structure de la demande au profit des activités de services. Toutefois, son rythme diffère selon les pays, ce qui traduit en partie des écarts de compétitivité du secteur industriel face à la concurrence internationale. Dans ce contexte, bien que la France se caractérise par une base industrielle diversifiée et la présence de grandes entreprises bien insérées dans la mondialisation, la désindustrialisation y apparaît plus rapide que dans d'autres pays européens. Ce constat peut traduire à la fois les difficultés des entreprises industrielles françaises face à la concurrence internationale et une baisse de l'attractivité de la France pour les activités de production industrielle.

Le secteur industriel français conserve cependant un effet d'entraînement important sur le reste de l'économie et reste l'un des principaux moteurs des gains de productivité. La hausse du poids des services dans l'emploi total a accompagné une diminution des gains de productivité de l'économie française entre 1990 et 2008. La poursuite de la désindustrialisation et le ralentissement récent des gains de productivité au sein-même de l'industrie font peser, à défaut d'une hausse sensible de la productivité des services, un risque sur la croissance de long terme de l'économie française.

Les difficultés des industriels français face à la concurrence internationale s'expliquent pour partie par une dégradation de leur compétitivité-coût. Les coûts salariaux unitaires (CSU) de l'industrie ont progressé plus rapidement en France que dans certains pays, en particulier l'Allemagne. Les industriels français ont également subi une hausse du coût de leurs consommations intermédiaires de biens et de services. Cette dégradation de leur compétitivité-coût les a contraints à concéder des efforts de marge importants afin de maintenir leur compétitivité-prix, ce qui a pu contribuer à retarder la modernisation de l'appareil productif. Les entreprises françaises semblent par ailleurs se caractériser par une moindre capacité à différencier leurs produits sur des critères hors-prix (innovation, savoir-faire, réputation), ce qui les rend plus vulnérables à la concurrence internationale.

En réponse à ces difficultés, dont les sources sont à la fois diverses et interdépendantes, le rôle de l'État est d'abord de concevoir un environnement favorable au développement des entreprises, au travers de mesures « horizontales » et coordonnées touchant à la fois au coût du travail, aux conditions de financement, à l'environnement juridique et fiscal des entreprises, à la formation scientifique et technique, au soutien à la R&D ou encore aux innovations non technologiques. La mise en place de politiques « verticales » efficientes, destinées à soutenir certaines industries, doit viser à pallier les défaillances de marché propres à chaque secteur (caractère appropriable de la R&D, effet d'entraînement sur d'autres secteurs, difficultés de financement, disponibilité du capital humain, externalités, situation de monopole naturel à réguler, …).

Trésor-Éco n° 124