Depuis 2005, l'économie allemande a créé 2,5 millions d'emplois, correspondant majoritairement à des emplois à temps partiel, à des contrats intérimaires ou à durée déterminée. Cette progression de l'emploi a conduit à une baisse de 5 points du taux de chômage, actuellement à 5,3 % au sens du Bureau International du Travail (BIT), soit un plus bas historique.

Les réformes structurelles sur le marché du travail engagées au début des années 2000 dans ce pays sont l’une des explications souvent avancée de ce « miracle allemand ». Celles-ci répondaient à une conjoncture économique morose, avec une croissance en berne, un taux de chômage élevé (près de 10 %) et une baisse de la population en âge de travailler. En 2002, la commission Hartz pour la modernisation du marché du travail a proposé des pistes de réformes, inscrites dans la logique fördern und fordern («  inciter et exiger »). Ces réformes ont été déclinées en quatre lois visant à renforcer la recherche d'emploi, inciter les chômeurs à accepter un emploi et encourager l'activité professionnelle, notamment pour les femmes et les seniors. Les réformes Hartz ont été par ailleurs complétées notamment par un raccourcissement de la période d'indemnisation du chômage, la fermeture des options de départ anticipé à la retraite et une baisse des charges sociales patronales.

Ces réformes ont fortement affecté le fonctionnement du marché du travail allemand. Les évaluations disponibles des réformes Hartz concluent globalement à un impact significatif sur le marché du travail, lié principalement à une meilleure adéquation entre offre et demande de travail et des incitations à travailler accrues. L'action concertée sur plusieurs leviers (renforcement de l'accompagnement, baisse des prélèvements sur le travail et réduction des revenus de remplacement) aurait favorisé le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail.

Cette performance sur le front de l'emploi doit pourtant être pondérée par la hausse des inégalités de revenus et de la pauvreté en Allemagne. Le taux de pauvreté a augmenté nettement entre 2000 et 2005, de 12,5 à 14,7 %. La hausse est particulièrement marquée pour les personnes en emploi et plus encore pour celles au chômage. Ceci reflète au moins en partie des effets de structure : les réformes Hartz ont remis en emploi des personnes sur des contrats temporaires ou à temps partiel, ne leur permettant pas de dépasser le seuil de pauvreté.

Enfin, le faible impact sur le marché du travail de la crise 2008/2009, malgré l'ampleur de la récession allemande, serait lié seulement en partie à ces réformes. Ce résultat s'explique surtout par des mesures d'urgence visant à accroître la flexibilité de la durée du travail (activité partielle, utilisation des comptes épargne temps…), elles-mêmes facilitées par la qualité du dialogue social, et par la volonté des entreprises allemandes d'éviter les pertes de capital humain dans un contexte de tension sur les ressources en main d'œuvre.

Trésor-Éco n° 110