Le recours massif au Kurzarbeit (chômage partiel) est un élément souvent avancé pour expliquer le « miracle de l'emploi » allemand (Jobwunder) pendant la crise de 2008-2009. En l'occurrence, l'Allemagne a réussi à contenir la progression du taux de chômage, qui a augmenté de seulement +0,2 point entre 2008 et 2009, s'établissant à 7,5 %, contre +1,6 point en France (9,4 % en 2009). En 2009, près d'1,5 million de salariés ont été concernés par le dispositif en Allemagne, contre 0,3 million de salariés pour les dispositifs comparables en France. Le coût brut de ces dispositifs est évalué à près de 10 Md€ en Allemagne contre moins de 1 Md€ en France entre 2007 et 2010.

Cette différence du taux de recours au chômage partiel entre la France et l’Allemagne tient d'abord au contexte de crise allemand et à la structure de l’emploi industriel : forte baisse de la demande extérieure affectant (baisse de – 5,1% du PIB allemand en 2009, contre – 2,7 % en France), essentiellement l'industrie, forte utilisatrice de chômage partiel ; bonne situation financière des entreprises avant la crise ; pénurie de main d'œuvre qualifiée et part de l'emploi industriel plus importante. Les employeurs ont donc été plus fortement incités à la rétention de main d'œuvre dans la perspective d’une reprise rapide.

Elle tient également à la complexité du dispositif français : le schéma d'indemnisation diffère selon la taille de l'entreprise et le dispositif choisi (chômage partiel classique ou activité partielle de longue durée (APLD)). Ceci rend peu prévisible le « reste à charge » supporté par les employeurs. En Allemagne, l'indemnité de chômage partiel (Kurzarbeitgeld) est conforme aux règles d'indemnisation chômage classiques, ce qui facilite la lisibilité du dispositif. En France, le dispositif gagnerait à être sécurisé et simplifié, pour faciliter son recours en cas de conjoncture difficile, notamment dans les PME.

Elle peut enfin être aussi attribuée à la tradition de flexibilité régulée et négociée de l'organisation du temps de travail en Allemagne, alliant différents outils de flexibilité interne (comptes épargne-temps, « corridors » d'heures travaillées, etc.), ainsi qu’à la forte décentralisation des relations sociales, qui ont favorisé la large diffusion du dispositif de Kurzarbeit.

Cependant, dans les deux pays, la période de chômage partiel est peu mise à profit pour des actions de formation. La difficulté à articuler une période de chômage partiel par nature peu prévisible et des actions de formations nécessitant une certaine planification pourrait expliquer ce déficit. Des réformes (en 2009 en Allemagne, en 2012 en France) ont toutefois été entreprises afin de dépasser ces difficultés.

Si le dispositif de Kurzarbeit a pu fortement contribuer à contenir le chômage en Allemagne pendant la crise, il est encore trop tôt pour en appréhender les effets sur la préservation de l'emploi à plus long terme. En France, une remise à plat des dispositifs publics de soutien à l'activité partielle paraît souhaitable.

Trésor-Éco n° 107