Trésor-Éco n° 77 - Le recul de l’emploi industriel en France de 1980 à 2007 : quelle est la réalité ?
Le phénomène de chute de l’emploi industriel, qui a touché la France comme l'ensemble des économies développées, peut être appréhendé par trois évolutions concomitantes sur 1980-2007 : un recul de l'emploi industriel, un recul de la contribution de ce secteur au PIB et parallèlement une forte croissance du secteur des services marchands.
Ainsi, sur la période 1980-2007, l'industrie française est passée de 5,3 à 3,4 millions d'emplois, soit une baisse de 36 %. La part de l'industrie dans l'emploi total a reculé de 11 points (passant de 24 % à 13 %) alors que parallèlement celle des services marchands a augmenté de 12 points (passant de 32 % à 44 % de la population active). Cette étude évalue l'importance des principaux déterminants structurels de ce phénomène en France sur la période 1980-2007. Trois principaux facteurs sont mis en évidence.
Une partie, non négligeable, du processus de chute de l’emploi industriel s'explique par une mutation du système productif caractérisée par un recours croissant à l'externalisation d'activités productives du secteur industriel vers le secteur des services. La baisse de l'emploi industriel qui y est associée apparaît donc comme artificielle, dans la mesure où elle reflète un simple transfert d'emplois auparavant industriels vers les services, sans véritable changement de leur contenu. Ces transferts d'emplois sont estimés à 25 % des pertes d'emplois industriels sur la période 1980-2007.
Une autre partie des pertes d'emplois s'explique par la déformation de la structure de la demande au cours du temps et aux gains de productivité dans l'économie. Cet effet transite par le biais de deux principaux canaux. En premier lieu, les gains de productivité réalisés dans l'ensemble de l'économie entraînent une hausse du revenu des agents, qui se traduit, dans les économies développées, par une modification de la structure des dépenses des ménages au profit des services et au détriment des biens industriels. En second lieu, les gains de productivité enregistrés dans l'industrie conduisent à réduire les besoins de main-d'œuvre dans ce secteur. Ces gains de productivité induisent certes, en contrepartie, une baisse des prix des biens industriels et, par suite, une hausse de leur demande, mais cet effet ne compense que partiellement l'effet premier de réduction de main-d'œuvre en raison d'une substituabilité limitée entre ces produits et les autres biens de l'économie. Cet effet contribuerait à près de 30 % des pertes d'emplois observées. Son caractère « structurel » n’implique pas qu’il soit irréversible et la capacité des industriels à proposer de nouveaux produits sera cruciale.
L'impact de la concurrence étrangère semble également avoir contribué à la baisse de l'emploi industriel en France. Celle-ci expliquerait, au minimum, 13 % des pertes d’emplois sur la période 1980-2007 et 28 % sur la période 2000-2007. Ces résultats doivent être pris avec certaines précautions. Par ailleurs, là encore, ces pertes d’emplois ne présentent pas de caractère d’irréversibilité.