Plusieurs méthodes permettent de dater les cycles économiques sur le passé, mais définir en temps réel la position dans le cycle est plus délicat. Or la difficulté à détecter les points de retournement suffisamment vite peut être la cause d’importantes erreurs de prévision, généralement partagées par l’ensemble des conjoncturistes.

La pratique consiste dès lors à se tourner vers les enquêtes de conjoncture et depuis une dizaine d’années vers les indicateurs qualitatifs, dits «de retournement». Néanmoins, ceux-ci n’ont pas permis d’alerter suffisamment rapidement les prévisionnistes lorsqu’en 2002, le choc sur les marchés financiers provoqué par l’affaire Enron a provoqué une vague de défiance et d’attentisme des agents, qui a finalement fait avorter la reprise qui venait de s’amorcer.

La théorie économique prévoit qu’il existe un lien entre les marchés financiers et l’activité. En effet, les marchés déterminent les conditions de financement et la richesse des agents tandis que les prix des actifs reflètent les anticipations des agents relatives à l’activité économique. Ce lien apparaît toutefois très lâche lorsqu’on cherche à le valider empiriquement en Europe.

On cherche ici à tirer parti de ce lien théorique de façon purement qualitative en enrichissant les indicateurs de retournement usuels avec des variables financières. Le résultat n’est à la hauteur ni de ce que la théorie suggère, ni de l’intuition selon laquelle les chocs auxquels est soumise notre économie sont de plus en plus de nature financière. Certes, les régimes de croissance sont mieux captés par les indicateurs «enrichis» par les variables financières, mais l’amélioration est marginale et les dates de retournement sont à peine mieux captées. En particulier, ils n’auraient pas permis d’éviter l’erreur faite en 2002.

Ces résultats n’invalident pas le lien entre marchés financiers et économie réelle, mais ils suggèrent que les réponses des entreprises aux enquêtes incorporent déjà une large part de l’information financière pertinente.

Trésor-Éco n° 16