L'accélération des échanges commerciaux n'a eu jusqu'à la fin des années 1990 que des effets limités sur le marché du travail européen et sur les inégalités dans la mesure où ils impliquaient surtout des pays de niveaux de développement comparables. La part croissante des grands pays émergents dans le commerce mondial pourrait changer la donne, notamment en renforçant la spécialisation des pays européens : c'est ce que suggère la progression de la part du commerce inter-branche dans le commerce mondial depuis la fin des années 1990, alors qu'elle diminuait depuis 20 ans.

Cette nouvelle phase de la mondialisation pourrait s'accompagner de coûts d'ajustements plus importants que par le passé. Dans les pays développés, l'emploi devrait se déplacer vers des secteurs moins intensifs en main d'œuvre peu qualifiée, et la demande totale de travail peu qualifié devrait ainsi se réduire en Europe.

Sous l'hypothèse d'un prolongement de la progression de la part du commerce inter-branche au rythme actuel à l'horizon 2020, un exercice de prospective suggère que les petits pays européens devraient être soumis à une pression à la spécialisation plus forte que les grands dans l’industrie manufacturière.

La dégradation de la situation relative des moyennement qualifiés constatée depuis 10 ans serait amplifiée par l’accentuation de la spécialisation des pays européens, dans un contexte où l’offre de travail de ce niveau de qualification augmente significativement. Selon la façon dont le marché du travail fonctionne, il est possible que ces pressions sur les moyennement qualifiés aient des répercussions sur la situation des moins qualifiés : en acceptant un déclassement, les moyennement qualifiés pourraient en fait prendre des emplois moins qualifiés et déplacer ainsi le problème.

D’autres facteurs ne sont pas pris en compte ici : le progrès technique biaisé en faveur du travail qualifié ou des tendances au déclassement à tous les niveaux de qualification pourraient, en plus de tous les chocs non modélisés ici, modifier les développements attribuables à la mondialisation.

Trésor-Éco n° 11