Secteurs d'avenir de l'économie libanaise

1/ L’économie réelle libanaise s’est ajustée à la crise profonde que traverse le pays.

La crise libanaise est le fruit d’un modèle de croissance déséquilibré et insoutenable, fondé sur deux piliers :

  • Une hypertrophie du secteur bancaire. Point de départ de la crise, le secteur bancaire ne pourra plus constituer le premier moteur de l’économie libanaise compte-tenu de la perte de confiance à son égard et il devra être restructuré afin de retrouver son rôle de financement de l’économie.
  • L’instauration de taux d’intérêt élevés sur les dépôts, visant à attirer des fonds étrangers. Ce système a découragé l’investissement productif et le secteur privé s’est ainsi concentré sur quelques rentes : (i) la construction, (ii) le tourisme et (iii) les importations de biens.

Paradoxalement, la crise ne s’est pas traduite par une remise en cause profonde de ce modèle et l’économie réelle semble se maintenir, voire connaitre des infléchissements positifs. Les indicateurs macroéconomiques classiques indiquent que le Liban connait une crise d’une extrême gravité ; pour autant, une approche plus microéconomique semble montrer que l’activité se redresse depuis l’été 2022. Les flux financiers issus de la diaspora via les transferts de fonds et les recettes touristiques liées aux retours saisonniers (environ 11 Md$, soit 50% du PIB), ainsi que le développement du secteur informel ont soutenu la reprise des importations, qui ont retrouvé en 2022 leur niveau de 2018. La consommation continue de contribuer pour une part écrasante à l’économie libanaise, qui connaît par ailleurs une forte dollarisation et une progression des transactions en cash.

Certaines évolutions récentes de l’économie réelle semblent toutefois encourageantes :

  • Dans le contexte des restrictions en devises imposées par la Banque du Liban, la majorité des importations de médicaments génériques a été remplacée par une production locale en forte croissance. Dans une moindre mesure, l’émergence d’une production locale est également observée pour certains biens de consommation (cosmétiques, détergents…).
  • Le Liban semble devenir à court terme un centre de ressources humaines. La forte baisse du coût du travail résultant de la dépréciation de la livre a permis au Liban de gagner en compétitivité sur l’ensemble du spectre tertiaire, des centres d’appel aux activités numériques. Ce positionnement se traduit par des activités de sous-traitance d’entreprises libanaises pour des groupes étrangers mais aussi par des recrutements directs d’entreprises étrangères.
2/ Le Liban possède des atouts pour évoluer vers une économie plus productive et soutenable.

L’enjeu de l’après-crise sera de diriger les flux financiers (transferts de la diaspora, capitaux étrangers) vers des secteurs productifs s’appuyant sur les atouts du Liban :

  • La diversité agro-climatique et les ressources en eau du Liban pourraient contribuer à la montée en puissance du secteur agricole et agroalimentaire. L’enjeu est de renforcer la sécurité alimentaire (80% d’importations) et de développer les exportations (700 M$ en 2022). Alors que la crise a entraîné une baisse de la production à la suite de la hausse du prix des intrants, de nombreux freins au développement des filières doivent encore être levés. Le secteur agroalimentaire possède en particulier un fort potentiel, étant d’ores et déjà le segment le plus actif de l’industrie libanaise.
  • Le développement d’une industrie légère locale, aujourd’hui embryonnaire mais diversifiée, permettrait de rééquilibrer le commerce extérieur (et donc les entrées/sorties de devises) via une substitution d’une partie des importations et d’une hausse des exportations, en s’appuyant sur un port de Beyrouth reconstruit et modernisé. Le Liban pourrait possiblement bénéficier de la régionalisation des chaînes de valeur, à condition de développer les compétences techniques et de réduire le coût de l’énergie.
  • La relance de l’écosystème tech, qui existait avant la crise (incubateurs de startups, fonds de capital-risque). Si son potentiel n’est pas négligeable compte-tenu du niveau d’éducation élevé de la population, il demeure aujourd’hui pénalisé par la disponibilité très limitée des financements.

La stabilisation du cadre macroéconomique, la réalisation de réformes structurelles et la réhabilitation des infrastructures seront des conditions sine qua non à l’émergence de cette nouvelle économie. Plusieurs chantiers seront incontournables pour inscrire le Liban dans un schéma d’industrialisation :

  • Le redressement du secteur énergétique, alors que la production limitée et instable d’électricité entraîne une dépendance aux groupes électrogènes privés, coûteux et inefficaces, et détériore les réseaux d'eau et de télécommunications. Le déploiement des énergies renouvelables devra notamment être encouragé, compte-tenu du potentiel du pays (en particulier dans l’énergie solaire, qui se développe d’ores et déjà à l’échelle privée).
  • La restructuration du système bancaire et la stabilisation du cadre macroéconomique (dans le cadre d'un programme FMI), conditions du retour pérenne des financements privés et étrangers nécessaires aux investissements industriels.
  • La mise en place de standards et de normes, tant pour le marché intérieur que pour les exportations, qui nécessite de préserver cette fonction de l’Etat libanais, garant des standards et du contrôle de qualité.
  • Le renforcement du cadre légal (par exemple pour la mise en place de PPP).

 

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Notes d'analyse détaillées :

1/ Secteur agricole

2/ Secteur de l'électricité

3/ Les énergies renouvelables au Liban

4/ Secteur de l'eau

5/ Le commerce extérieur du Liban

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