Bilan du commerce extérieur du Liban en 2023

Les importations libanaises ont diminué en 2023 (-8%), notamment à la faveur de la baisse des prix du pétrole, mais se sont maintenues à un niveau élevé (17,5 Md$), dans un contexte de reprise de la consommation soutenue par les flux financiers issus de la diaspora. Dans le même temps, les exportations se sont inscrites à la baisse (-14%, à 3 Md$), alors que le tissu productif continue de souffrir de la pénurie de financements et de coûts énergétiques prohibitifs. Ainsi, le déficit commercial s’est résorbé (-6,6%) mais demeure anormalement élevé (14,5 Md$, soit 80% du PIB). Si elles permettent de dégager de grandes tendances, ces données doivent être interprétées avec prudence, au regard du développement de l’économie informelle et des difficultés rencontrées par l’administration douanière.

1/ Les importations libanaises se maintiennent à un niveau très élevé.

D’après les douanes libanaises, les importations totales du Liban ont connu un repli de 19 Md$ en 2022 à 17,5 Md$ en 2023 (-8%). Premier poste d’importation (27% du total), les achats d’hydrocarbures ont progressé de 1% en volume mais se sont repliés de -17% en valeur (à 4,6 Md$), traduisant la baisse du prix moyen du baril de pétrole (de 101$ en 2022 à 83$ en 2023). Hors hydrocarbures, les importations ont diminué de -4,4%, à 12,9 Md$. Les principaux produits importés sont des métaux précieux (14,4%, en hausse de +50%), machines et instruments électriques (9,3%, en baisse de -34%), produits chimiques et pharmaceutiques (7,2%, en hausse de +8,7%) et véhicules (6,6%, en baisse de -42%). Les principaux fournisseurs du Liban sont la Chine (11,8% de part de marché), la Suisse (10%), la Grèce (9,6%), la Turquie (7,8%), l'Italie (6,3%) et les Etats-Unis (4%). La France se place au 15ème rang, avec une part de marché de 1,8%, à égalité avec le Royaume-Uni et derrière l'Allemagne (3,1%) et l'Espagne (2,3%). L’UE, avec qui le Liban bénéficie d’un accord d’association, représente 34% des importations du pays.

Le maintien des importations à un niveau élevé semble suggérer que l’économie libanaise a atteint un nouvel équilibre, précaire et vulnérable. Certains postes (véhicules, matériel électrique) ont certes connu un ajustement en 2023, après avoir atteint des niveaux anormalement élevés en 2023. Toutefois, au niveau global, après avoir chuté en 2020 (-41%) puis rebondi en 2021 (+20%) et 2022 (+40%), les importations se maintiennent à un niveau proche de celui d’avant crise (88%), alors même que le PIB a été entre-temps divisé par 2,5. Cette tendance traduit le redémarrage de la consommation, associé à une reprise de flux financiers extérieurs (remises de fonds, retours saisonniers de la diaspora). Cette dépendance à l’extérieur est particulièrement critique dans le domaine énergétique, où le pétrole représente 95% de la consommation d’énergie primaire alors que le pays est dépourvu de ressources pétrogazières. Dans les autres secteurs, la substitution aux importations – difficile à estimer – semble rester limitée et se concentrer sur certaines filières (en particulier les médicaments génériques).

2/ Les exportations libanaises poursuivent leur tendance baissière.

Les exportations totales du Liban se sont repliées de 3,5 Md$ en 2022 à 3 Md$ en 2023 (-14,3%). Elles sont principalement composées de métaux précieux (25,4% du total, en hausse de +1%), métaux de base (14,3%, en baisse de -12,3%), machines et instruments électriques (12,9%, en hausse de +12,8%), produits agroalimentaires (12,6%, en baisse de -3,3%), produits chimiques et pharmaceutiques (9,9%, en baisse de -19,8%) et fruits et légumes (6,9%, en baisse de -35%). Les Émirats Arabes Unis, en tant que plateforme logistique régionale, sont les principaux clients du Liban (19,7% du total), suivis par la Turquie (9,8%), l’Égypte (5,4%), l’Irak (5,1%), la Suisse (4,8%) et les Etats-Unis (4%). La France est un client marginal du Liban (1,4%, 18ème rang). L’UE est quant à elle destinataire de seulement 12,9% des exportations du pays.

La tendance à la baisse des exportations depuis 2022 traduit un affaiblissement de l’appareil productif. Les exportations libanaises, qui fluctuent depuis dix ans entre 3 et 4 Md$, n’ont pas progressé à la faveur de la crise, en dépit de la nette dépréciation de la livre (-98% depuis 2019) qui a entraîné une chute des coûts salariaux. Plusieurs facteurs ont en effet pesé en sens contraire sur la compétitivité des entreprises libanaises : hausse du coût des intrants, explosion du coût de l’électricité suite à l’effondrement d’Electricité du Liban, arrêt des financements suite à l’effondrement du secteur bancaire. L’afflux des dollars de la diaspora se traduit par le retour de l’inflation, y compris en dollar (estimée à deux chiffres, alors que l’économie est désormais largement dollarisée). Cette situation risque de recréer un phénomène de « maladie hollandaise » (appréciation du taux de change réel pesant sur la compétitivité à l’export).

3/ Les données douanières doivent être interprétées avec prudence.

L’essor de l’économie informelle peut biaiser l’analyse des données douanières. A titre d’exemple, les douanes enregistrent en 2023 une chute brutale du commerce avec la Syrie (de 467 M$ à 228 M$), qui était essentiellement composé de plastique, alors que les importateurs font état d’une recrudescence des trafics de biens de consommation et de carburant.

La qualité intrinsèque des données peut être interrogée, au regard des nombreuses difficultés rencontrées par l’administration douanière. Le matériel informatique des douanes a été endommagé par l’explosion du port de Beyrouth, et l’absentéisme des agents est généralisé, en l’absence d’une revalorisation suffisante des salaires réels. Certaines données sectorielles ou géographiques sont difficiles à interpréter et correspondent peu à la réalité du tissu économique. En particulier, certaines exportations semblent être des réexportations déguisées : cela serait notamment le cas des métaux précieux (1er poste à l’export et 2ème à l’import), avant tout composés d’or et principalement importés de Suisse et exportés vers les EAU et la Turquie.

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